KHOBZI Ahmed [Dictionnaire Algérie]

Par Jean-Louis Planche

Né le 17 avril 1900 à Orléansville (Chlef) ; socialiste SFIO en 1919 puis communiste jusqu’en 1925 ; citoyen français, instituteur puis directeur d’école ; revenant à la SFIO à partir de 1935, personnalité socialiste influente à Constantine puis à Sétif.

Le père des frères Khobzi, qui deviennent tous trois instituteurs, était « camionneur » (avec une voiture à deux roues servant aux transports en sacs), fils de fellah du la plaine du Chélif. Grâce à l’instituteur, Biscambiglia, frère d’Ange Biscambiglia, grand colon et maire d’Orléansville (Chlef), le fils aîné Ahmed Khobzi obtient une bourse à la mort de son père (typhus) en 1912. Il suit le cours complémentaire et présente le concours de l’École normale. Élève de l’EN de la Bouzaréah de 1917 à 1920, il a pour professeur d’Histoire-Géographie René Pestre*, socialiste, auquel il reste attaché jusqu’à la mort de celui-ci en 1961 à Lyon. En fin de scolarité, il adhère, en 1919, à la section SFIO d’Orléansville, forte alors d’une vingtaine de militants, dont Montagnié déjà conseiller municipal. Comme la plupart de ces socialistes, il passe au Parti communiste.

En 1920, il débute comme instituteur au Kef, douar à vingt-deux kilomètres de Maghnia, centre de la commune mixte, dans une école-gourbi, à une seule classe. Il lit Demain (périodique SFIO), La Lutte Sociale (PC-CGTU) et le Quotidien et La Lumière qui viennent de Paris. Abonné à la Bibliothèque pédagogique de la rue d’Ulm en tant qu’instituteur, il reçoit aussi les livres de Paris par la poste. Lié à Victor Spielmann depuis 1920, il collabore à son journal, Le Trait d’Union, sous le pseudonyme de Kerchi Guellal. Contraint, en 1924, par son administration de quitter le PC sous la menace de la révocation, il doit s’exécuter d’autant qu’il est soutien de famille. Pour être à l’abri des pressions, il demande la citoyenneté française en 1925. Il ne l’obtient qu’en 1931, grâce à des amis socialistes de la Creuse qui mobilisent un juge de paix. Renoncer au statut musulman ne gêne pas cet agnostique.
Il est nommé à Mazouna, de 1925 à 1928, en commune mixte. Il se lie à un vieux menuisier, Edelberger, anarchiste venu d’Alsace, qui lisait beaucoup, parlait beaucoup, dialoguait souvent avec le curé et avait comme apprenti Benali Boukort* (futur premier secrétaire du PCA), qu’il côtoie donc. La famille Boukort étaient des petits commerçants dont un fils faisait le taxi. Ahmed Khobzi a comme élève Ahmed Smaïli, dont le père, adel à la mahakma (adjoint de justice au tribunal musulman), avait été muté à Mazouna, et qu’il contribue avec Edelberger, à former.

De 1928 à 1931, tuberculeux, il est mis en congé de longue durée, et envoyé en France à Sainte-Fère dans la Creuse, au sanatorium des instituteurs. Revenu en Algérie marié à une institutrice de Nancy, il est nommé en 1931 à Barika dans la Mitidja en poste double avec sa femme, puis, en octobre 1932, il est muté à Constantine. Membre de l’Association des citoyens français d’origine indigène, il en est le président de la section de Sétif. C’est à Constantine en 1932 qu’il devient franc-maçon, à la loge l’Émancipation du droit humain, sous l’influence de sa femme et d’un collègue instituteur socialiste, Belkheiri, qui avait été vénérable de la loge de Biskra. C’est à Constantine qu’il adhère à la SFIO.

En décembre 1935, il est nommé directeur d’école à Sétif, où il reste jusqu’en 1954. Il collabore avec Ferhat Abbas, le personnage influent de la ville, par des activités dans le domaine social. Il n’est pas révoqué par Vichy pour son appartenance à la franc-maçonnerie, au contraire de son plus jeune frère, Mohamed, instituteur à Aïn-Beïda, socialiste et citoyen français également. À sa création en février 1949, Ahmed Khobzi devient secrétaire général du syndicat CGT-FO des instituteurs de Sétif.

Il prend sa retraite en 1954, sa femme continuant à travailler un an de plus comme directrice d’école à Alger. Tous deux se retirent en France en juillet 1955. Il avait convaincu sa femme, qui était très attachée à l’Algérie, qu’il fallait s’attendre à « ce qu’il juge être le pire, l’indépendance », selon ses propos tenus trente et un ans plus tard.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article157347, notice KHOBZI Ahmed [Dictionnaire Algérie] par Jean-Louis Planche, version mise en ligne le 9 mars 2014, dernière modification le 6 juin 2021.

Par Jean-Louis Planche

SOURCES : Entretiens de J.-L. Planche avec Ahmed Khobzi à Verrières-le-Buisson (Maison de la MGEN, Seine et Oise, France), novembre 1986. — J.-L. Planche, Sétif 1945. Histoire d’un massacre annoncé, Perrin, Paris, 2006. — Arch. Nat. France Outre-mer, Aix-en-Provence, Constantine, b/3/127, compléments de Louis Botella.

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