BAROUX Paul, Jean, Victor

Par Yves Le Maner, Claude Pennetier

Né le 23 juillet 1911 à Blangy-Tronville (Somme), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 à la Blisière en Juigné-les-Moutiers, près de Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; instituteur ; militant communiste de Blangy-Tronville et de Longueau (Somme).

Fiche de vérification de l’autobiographie de Paul Baroux par la commission des cadres.

Fils d’un directeur d’école à Boulogne-Billancourt et d’un femme au foyer, tous deux communistes (mais on ne sait pas depuis quand) qui se retirèrent à Blangy-Trouville, Paul Baroux fit ses études à l’école Turgot de Paris puis au lycée Jean-Baptiste Say. Il était instituteur depuis 1930 à Boulogne-Billancourt (Seine) puis à Albert (Somme) (1932-1937) où il fit la grève du 12 février 1934, et à Longueau (Somme) à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Militant du Parti communiste depuis 1936, il participa à l’organisation de la grève des ouvriers agricoles en juillet 1936. Membre du bureau de la section de Longueau, il entra au comité régional en 1937 comme chargé de la propagande.
Il était en outre à cette date l’un des dirigeants départementaux du Syndicat national des instituteurs (SNI) pour la Somme, secrétaire de la Fédération de la Somme des Amis de l’URSS (masi il ne pentionnait pas ces deux responsabilités dans la biographie remplie en 1938). Il fut élu conseiller municipal de Blangy élu aux élections complémentaires du 26 décembre 1937. Il était également conseiller d’arrondissement du canton de Boves. Il présidait la section de Basket de Blangy.
En janvier 1938, la commission des cadres lui demanda de rédiger une autobiographie. À la question : "Que pensez-vous des trotskistes ?", il répondit « Je n’ai jamais été lié avec aucun trotskistes ayant compris tout de suite que le but poursuivi par cette organisation payée par les pays fascistes était d’instaurer chez nous une dictature de ce genre. ». À la question portant sur « l’instruction et développement intellectuel, » il déclarait : "Je me suis éduqué moi-même au point de vue politique depuis 1932 en suivant les différentes brochures du parti, j’ai lu des extraits du Capital de Marx, le Manifeste du Parti communiste d’Engels, La maladie infantile du PC de Lénine, La vie de Lénine par Staline et nombre d’ouvrages sur l’URSS. Je connais un peu l’anglais, je n’ai pas assisté à une école de parti, à l’heure actuelle je fais des cours à l’école de section de Longueau. Je lis régulièrement depuis 1an 1/2 ayant un compte au CDLP la Correspondance internationale, l’Internationale communiste et les Cahiers du bolchevisme, je ne lis pas les périodiques du parti socialiste, je reçois régulièrement la Revue de Moscou et URSS en construction. » La commission des cadre ne disposait pas de photo mais signalait qu’il était "barbu". Elle le classait A1, soit à promouvoir et à orienter éventuellement vers les écoles de formation. Baroux faisait confirmer son autobiographie par Armand Brault, secrétaire régional Somme et Oise, Jean Catelas, député d’Amiens, Louis Prot, député de la Somme et Raoul Foulon, conseiller d’arrondissement, secrétaire de la section de Longueau.
Réformé pour atrophie musculaire du mollet suite à une méningite, révoqué de l’enseignement, entré dans la clandestinité dès 1940, il participa à la mise en place des groupements communiste clandestin puis de résistance dans la région d’Amiens avant d’être arrêté à Blangy-Tronville par la police française, en compagnie d’Augustin Dujardin le 11 mai 1941 par la gendarmerie française. Il fut accusé d’être "un communiste compromis dans l’organisation d’attentats".
Célibataire, interné au camp de Choisel (Châteaubriant), il fut fusillé comme otage à la Blisière en Juigné-les-Moutiers par des soldats allemands le 15 décembre 1941 avec huit autres otages. (Voir Adrien Agnès.)
Un détachement d’une compagnie FTPF de la Somme portait son nom fin 1943. Voir Lucien Sire

Dernière lettre
Ma chère Mère
Mon cher Albert
Ma chère petite Paulette
J’ai une triste nouvelle à vous apprendre. Aujourd’hui, à treize heures, on est venu nous chercher dans notre baraque 19, à cinq pour nous emmener dans des camions allemands pour être fusillés.
En plus de nous cinq, quatre autres camarades ont été joints à notre groupe. Après une heure de route, nous sommes arrêtés dans un bois, dans un petit pavillon au bord d’un étang, et c’est de là que je vous écris. Je me doute de la douleur que cela va vous causer mais vous saviez quel était mon tempérament : je voyais un peu en tout la destinée, or, cette destinée a voulu que je meure à 31 ans ; si cela n’avait pas été comme ça, ç’aurait été autre chose : quand l’heure est arrivée, il n’y a rien à faire ; il faut savoir se résigner et soyez persuadés que c’est avec beaucoup de courage que mes camarades et moi allons mourir.
Nous avions déjà vu comment se passait la cérémonie du départ : la dernière fois, sur 27 camarades du camp, 16 étaient de notre baraque. Nous étions restés 9 et, aujourd’hui, sur les six survivants, quatre autres y passent. Ce que je vous demande et j’exige de vous (j’ai le droit de parler ainsi, dans une heure je serai mort) c’est que vous fassiez preuve de beaucoup de courage. Il faut que vous viviez pour venger tous ces morts.
Nous ignorons le motif de cette fusillade. A l’heure actuelle, il faut vivre plus que jamais car il y aura plus tard des morts à venger…
Nous sommes pris comme otages et nous n’y pouvons rien ; nous ne sommes pas malheureusement les derniers à y passer. Plus ça ira mal, plus des mesures seront prises ; mais cela n’empêchera pas la roue du progrès de tourner. Notre sacrifice ne sera pas vain ; d’autres connaîtront des jours meilleurs.
J’ai le sentiment de n’avoir jamais fait de mal à personne ; j’ai eu un idéal, je le croyais bon et, plus ça va, plus je suis persuadé que c’est la seule situation durable pour le bien-être de l’humanité et c’est pourquoi ceux qui vont vivre doivent vivre avec l’espoir de ce moment tant attendu que nous ne connaissons pas mais pour lequel nous serons morts. Je termine ma lettre en vous répétant ce que je vous disais au début. Vivez, il le faut, je le veux ; je l’exige, ne vous abandonnez pas à la douleur. Je vous quitte pour toujours : pensez à ce que je vous dis.
Je vous embrasse bien fort tous les trois et ma dernière pensée sera pour vous. Je mourrai digne, en vrai communiste qui n’a rien à se reprocher et qui a foi en l’avenir, certain qu’il sera meilleur pour tous.
Une dernière fois : bons baisers à tous

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15743, notice BAROUX Paul, Jean, Victor par Yves Le Maner, Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 26 juin 2022.

Par Yves Le Maner, Claude Pennetier

Fiche de vérification de l’autobiographie de Paul Baroux par la commission des cadres.

SOURCES : AVCC, BVIII dossier 2/AJ4124. — Arch. Dép. Somme, Série M, non inventoriée, rapport du 20 mai 1941. – RGASPI, 495 270 3044, autobiographie, Blangy, 21 janvier 1938, 4 p., classée A1 ; 517 1 1909, la fiche de contrôle signale l’intervention d’Armand (Edmond Foeglin) pour chercher la photo ; il est curieusement qualifié de "barbu". – Renseignements fournis par A. Dujardin. — Notes de Jacques Girault et de Philippe Pauchet.

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