Par Claude Pennetier
Né le 12 mars 1919 à Douai (Nord), mort le 16 août 1976 à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) ; journaliste ; secrétaire général du Centre catholique des intellectuels français ; militant anticolonialiste ; signataire du Manifeste des 121.
Denise : née le 15 mai 1923 à Paris ; journaliste ; militante anticolonialiste.
Fils d’un employé de banque et d’une ménagère, Robert Barrat découvrit l’Algérie, pour la première fois en 1938 « à travers le prisme déformant qu’avait laissé dans ma mémoire la visite de l’Exposition coloniale de 1933 ».
Denise Barrat naquit en 1923 à Paris. Durant la Seconde Guerre mondiale, ses parents moururent en déportation dans les camps nazis. Robert et Denise Barrat se rencontrent au sortir de la guerre, en décembre 1945, et se marient en janvier 1947 à Paris VIIe arr. À partir de cette date, il est difficile de parler de l’un sans évoquer l’autre, tant leur vie et leurs actions sont liées jusqu’à leur séparation en 1970.
Au lendemain de la Libération, journalistes à Témoignage chrétien, anticolonialistes, tous deux s’intéressèrent à l’Indochine, à Madagascar et à la Palestine. En octobre 1953, Robert Barrat publia une chronique des événements liés à la déposition du sultan Mohamed V sous le titre Justice pour le Maroc, réquisitoire contre le colonialisme et plaidoyer pour l’indépendance du Maroc, publication pour laquelle il devait être inquiété.
Robert Barrat joua un rôle important dans la lutte contre la Guerre d’Algérie. Secrétaire général du Centre catholique des intellectuels français depuis 1950, envoyé spécial de l’Express en Algérie, il rencontra en 1955 des responsables nationalistes du Maghreb et entra en relation avec le FLN. Un reportage du Nouvel observateur, le 25 septembre 1955, relatait sa rencontre avec des combattants algériens, particulièrement avec Abane Ramdane et d’Ouamrane. Il fut l’intermédiaire d’une rencontre discrète entre Pierre Mendès-France et deux émissaires du FLN (fin 1955 ou début 1956). Inculpé en avril 1956, il bénéficia du soutien de François Mauriac. On lui doit la préface de la brochure Des appelés témoignent. En octobre 1957, il lança la collection Témoignage et documents. Avec Claude Bourdet, Gilles Martinet, Jean Daniel, il demanda au FLN de désavouer la tuerie de Melouza contre les messalistes. À l’automne 1957, il présenta Henri Curiel à Jeanson et accueillit ceux qui devaient former le réseau Curiel et le MAF (Mouvement anticolonialiste français). En 1958, Denise et Robert Barrat, en pèlerinage au-dessus de l’Assekrem dans le Hoggar, écrivent une œuvre commune : Charles de Foucault et la Fraternité, ouvrage réédité plusieurs fois depuis. Leur maison de Dampierre servit d’asile aux militants du Front de libération national (FLN) et de relais au réseau Jeanson.
Robert Barrat signa le Manifeste des 121 et fut perquisitionné le 27 septembre 1961. Arrêté au siège de la revue Esprit le 1er octobre 1961 au milieu d’une réunion de rédaction de Vérité et Liberté, il fut maintenu sous les verrous et inculpé le 3 octobre de provocation à la désertion et à l’insoumission. Il fut libéré le 17 octobre. Sa femme Denise avait déjà été inculpée pour ses relations avec le réseau Curiel et libérée le 1er octobre car elle était enceinte.
Après l’indépendance de l’Algérie, Robert Barrat abandonna alors la rédaction du livre, presque achevé, dans lequel, il racontait, à la première personne, sa découverte de l’Algérie, et ses combats. Après sa mort Denise Barrat, publia en 1987 une première fois ce livre sous le titre Les Combattants de la liberté, qui fut réédité aux éditions de l’Aube accompagné du Livre blanc sur la répression, recueil de documents réunis par Denise et Robert Barrat dès 1956 pour dénoncer la torture déjà pratiquée à une large échelle en Algérie.
Le couple se sépara en 1970 et Robert Barrat se remaria en septembre 1971 à Saint-Cloud.
À la fin des années quatre-vingt, Denise Barrat fonda avec d’autres militants, l’Association de solidarité avec les peuples d’Algérie et du Maghreb (SOLIDAM).
Un de leur fils, réalisateur de films documentaires, Patrice déclarait en 2001 : « en observant de près comment les archives étaient classées, mais aussi en parlant avec leurs amis, je me suis rendu compte que ma mère comptait beaucoup plus que je ne l’imaginais : elle écrivait beaucoup, elle a même été la cheville ouvrière du Livre blanc. L’« organisatrice », c’était elle ! La « porteuse de valises », aussi. Enfant, cela m’avait totalement échappé. La notoriété relative de mon père l’avait relégué dans l’ombre. » (l’Humanité, 16 octobre 2001).
L’un comme l’autre furent de figures majeures de la prise de conscience anticolonialiste, particulièrement pendant la guerre d’Algérie.
Par Claude Pennetier
ŒUVRE : Denise et Robert Barrat, Algérie 1956. Livre blanc sur la répression, Éditions de l’Aube, 2001, 360 pages. — Robert Barrat, Un journaliste au cœur de la guerre d’Algérie, 256 p. 2001.
SOURCES : Le droit à l’insoumission (le dossier des « 121 »), cahiers libres n° 24, François Maspero. — Claire Toupin-Guyot, Les intellectuels catholiques dans la société française, le Centre catholique des intellectuels français, 1941-1976, Rennes, PUR, 2002. — Dictionnaire des intellectuels français, op. cit., édition de 2002. — Notes de René Lemarquis et de Jean-Pierre Besse. — État civil de Douai.