ANJUBAULT Eugène, Henri

Par Daniel Grason

Né le 25 juin 1910 à Paris (XVIIIe arr.), fusillé comme otage le 6 septembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de Seine) ; serrurier à la SNCF ; militant syndicaliste et communiste.

Fils de Louis, serrurier, et d’Anne, née Oswald, blanchisseuse, Eugène Anjubault épousa le 13 décembre 1930 Jeanne Walscheid en mairie du XVIIIe arrondissement. Le couple demeurait dans l’arrondissement au 20 avenue de Clichy. Un fils, Roger, naquit le 10 avril 1932. Eugène Anjubault entra comme serrurier à la SNCF en 1937 et travailla aux ateliers de Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine).
René Denis, ex-trésorier du syndicat CGT des cheminots de Paris-Ouest rive droite, militant communiste, fut révoqué de la SNCF en novembre 1940 pour son activité qualifiée « d’antinationale ». Il regroupa des cheminots communistes qui travaillaient dans les gares et ateliers de Clichy-la-Garenne, Levallois-Perret, Bécon-les-Bruyères (Seine, Hauts de Seine)... Des tracts de l’organisation étaient ainsi diffusés dans ces lieux et déposés dans les wagons voyageurs de la SNCF.
Un gardien de la paix en civil du commissariat de Clichy-la-Garenne demanda à sa hiérarchie d’être embauché dans les ateliers SNCF pour mener à bien des opérations de localisation et d’arrestation de militants communistes. Après trois semaines de présence, l’homme repéra René Denis et Jean Bossard. Le 30 juillet 1941 au matin, le premier fut interpellé alors qu’il remettait un paquet de tracts à un militant, celui-ci réussissant à prendre la fuite. Le jour même, neuf autres militants furent arrêtés : Victor Harlais, Marceau Auvray, Jean Goudour, Maurice Couvreur, Marcel Aubrun, Jean Bossard, Hélène Bellier et Eugène Bellier. Les policiers arrêtèrent Eugène Anjubault alors qu’il rentrait à son domicile.
Lors de la perquisition de son domicile des tracts édités par le Parti communiste furent saisis. Un stock de cinq cents tracts était découvert chez René Denis à Rueil-Malmaison (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine) : l’Humanité, Le Cheminot Rive droite, des papillons gommés dénonçant les capitalistes allemands et la politique de collaboration du gouvernement de Vichy. Interrogé dans les locaux du commissariat de Clichy-la-Garenne, Eugène Anjubault fut battu, puis incarcéré à la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.) et livré aux Allemands.
Le 3 septembre 1941, un résistant tirait sur le sergent Ernst Hoffmann qui rentrait en compagnie de sa fiancée Maria Camps dans l’hôtel Terminus-Est, 5 rue de Strasbourg à Paris (Xe arr.), et qui fut légèrement blessé par une balle à l’omoplate gauche.
En représailles, le commandement militaire allemand en France annonça le 6 septembre que trois otages avaient été passés par les armes : Jean Meichler, leader de la IVe Internationale, Edmond Brucker, artiste dont l’origine juive était précisée, et Eugène Anjubault communiste. Un « Avis » était publié dans la presse collaborationniste Le Matin et Le Petit Parisien, les noms n’étaient pas cités, mais les coupables étaient désignés : « De l’enquête, il résulte que le coupable ne peut être qu’un communiste français. »
Eugène Anjubault fut inhumé le 6 septembre 1941 au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) Division 39, ligne 4, n° 5.
Après la Libération, Jeanne Anjubault témoigna devant la commission d’épuration de la police. Elle déclara : « Durant sa détention à la prison de la Santé, j’ai eu l’occasion de voir mon mari, je lui ai demandé s’il avait été battu. » Il lui répondit qu’il fut « le mieux servi », et elle ajouta « le linge sale qu’il me rendait était maculé de sang ».
Le nom d’Eugène Anjubault figure la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien ; son nom figure aussi la plaque commémorative apposée à la Bourse du Travail, rue du Château-d’Eau à Paris (Xe arr.), dédiée « À la mémoire des dirigeants de syndicats tombés dans les combats contre le nazisme pour la libération de la France », accompagnée d’une épitaphe de Paul Eluard : « Lorsqu’on ne tuera plus ils seront bien vengés et ce sera justice. »
Eugène Anjubault a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF). Le ministère des Anciens Combattants le reconnut « Mort pour la France » le 29 août 1945.

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article157742, notice ANJUBAULT Eugène, Henri par Daniel Grason, version mise en ligne le 26 mars 2014, dernière modification le 8 juin 2021.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BA 1752, KB 81, 77W 88. – Bureau Résistance GR 16 P 141146. – Le Matin et Le Petit Parisien, 6 septembre 1941. – DAVCC, Caen, B VIII dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Serge Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Paris (XVIIIe arr.).

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