LE GENT Paul, Félix, Pierre

Par Gilles Pichavant

Né le 5 juin 1913 à Brest (Finistère), fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ajusteur ; militant CGT ; communiste, résistant, membre de l’Organisation spéciale (OS) et des FTPF.

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Fils de Paul Louis Le Gent, électricien, mort pendant la guerre de 14-18, et d’Anna Marie Corvé, sans profession, Paul Le Gent fut pupille de la Nation. Il se maria le 21 avril 1938 à Saint-Renan (Finistère), avec Yvonne Creff. Ils eurent deux enfants, Jean-Claude, né le 25 janvier 1940, et Yvon, né le 5 février 1942.
Ouvrier à l’Arsenal de Brest, il adhéra à la CGT en 1936, et au Parti communiste français (PCF) en 1936 ou en 1937.
Mobilisé en 1939, dès son retour, en septembre 1941, il reprit sa place à l’Arsenal et dans l’organisation communiste clandestine. Membre de l’OS puis des Francs-tireurs et partisans français (FTPF), sous les ordres de Charles Cadiou jusqu’au 28 avril 1942, il participa à la diffusion de tracts et de journaux clandestins, du Parti communiste et du Front national de la Résistance. Parallèlement il fut membre du réseau « Quand même ». Le 25 octobre 1941, il participa aux grèves patriotiques des ouvriers de l’Arsenal contre le massacre des otages de Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) et, en décembre de la même année, contre l’exécution d’autres résistants. Il prit part au sabotage de sous-stations électriques à l’Arsenal de Brest le 27 mars 1942.
À partir du 28 avril 1942, à la suite de l’arrestation de Charles Cadiou, Paul Le Gent participa, sous les ordres de Pierre Corre, aux sabotages, toujours à l’Arsenal, destinés à commémorer la Fête nationale du 14 juillet 1942 dont la célébration avait été interdite par les Allemands avec l’accord de Pétain. Pour cette dernière opération il fabriqua des tranchets qui servirent à couper les courroies de transmission qui entraînaient à l’époque les machines outils des « bâtiments en fer ».
Paul Le Gent fut arrêté sur dénonciation le 1er octobre 1942 dans le quartier de Saint-Sébastien à Saint-Renan par des gendarmes français sur ordre des Allemands, en même temps que seize autres militants FTP, dans le cadre d’une enquête confiée au Service de police anticommuniste (SPAC) qui s’échelonnera du 26 septembre 1942 à février 1943 (voir Louis Departout). Il fut incarcéré à la prison de Pontaniou, puis, le 5 octobre, transféré en même temps qu’eux au château de Brest, où il fut abominablement torturé. Le 28 janvier 1943, il fut transféré à la prison Jacques-Cartier de Rennes, puis à Fresnes le 28 juillet 1943 où il arrivera le 29. Il fut jugé le 28 août 1943 par le tribunal du Gross Paris, et condamné à mort pour actes de franc-tireur et intelligence avec les Alliés.
Paul Le Gent a été fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien, en même temps que dix-huit autres résistants communistes brestois. Leur mémoire est honorée square Georges Mélou - "Jardin des 19 Brestois fusillés au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 pour avoir combattu les troupes allemandes d’occupation et commis contre elles de nombreux actes de sabotage à l’aide d’armes et d’explosifs dans le département du Finistère dans les rangs des FTPF" .
Il fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
« Mort pour la France », il reçut la Médaille militaire, la Croix de guerre avec Palmes, et la Médaille de la Résistance, comme la Croix de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume le 9 mars 1956 (JO du 13 mars 1956).

Dernière lettre
Fresnes, le 17 septembre 1943
Mon Yvonne bien-aimée,
Comme je le prévoyais mon recours en grâce est refusé c’est fini, je vais être exécuté dans quelques heures. C’est triste, Yvonne, de mourir si jeune et en pleine santé, mais ce n’est rien pour moi, c’est à vous que je pense, toi et les petits qui allez subir les conséquences de cette exécution. Je vous aimais bien tous les trois, de toute mon âme ; vous étiez ma vie, mon espoir, et j’aurai voulu vivre pour élever les petits, en faire des hommes.
Te voilà seule, Yvonne, pour assurer cette tâche, elle sera dure, mais je sais que tu mettras tout en oeuvre pour que ces chers petits soient heureux ; je sais qu’ils sont entre de bonnes mains, je sais aussi que papa et maman t’aideront, braves gens, je les aimais bien, quel coup pour eux. Ils ne méritaient pas cela sur leurs vieux jours. Fais ton devoir, Yvonne, c’est la vie c’est la guerre avec ses horreurs. Il faut Yvonne, que tu le saches, et tu le sais déjà que je ne suis pas un bandit, j’ai toujours été honnête, vous n’aurez pas à rougir de moi ; j’ai fait mon devoir, je tombe pour la France, pour mon idéal. Il faut aussi que tu connaisses les responsables de ma mort, ce sont les policiers Français qui, après nous avoir maltraités, cravachés, nous ont livrés aux Allemands, n’oublie jamais tous ces lâches, il faut aussi que mes enfants le sachent. Ne pardonne jamais à ceux qui m’ont arrêté et enchaîné devant toi. Ils se sont faits complices par leur inconscience de leur lâcheté. (passage censuré par les Allemands).
Ma main tremble, Yvonne, mais ne crains pas une défaillance de ma part, je serai fort devant la mort, comme tu seras forte devant l’existence pour élever nos enfants.
Adieu, ma bien-aimée, Yvonne, adieu Jean-Claude, adieu Yvon. Faites des hommes, soyez honnêtes. Adieu, chers parents, adieu mes amis. C’est fini. Adieu.
Yvonne, reçois de celui qui t’a aimée, ses derniers mais plus tendres baisers.
Paul pour la vie.
Chers Yvon et Jean-Claude, j’ai lutté pour que vous soyez heureux, soyez dignes de votre père.
Papa.

(Voir Albert Abalain.)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article157750, notice LE GENT Paul, Félix, Pierre par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 27 mars 2014, dernière modification le 17 juillet 2022.

Par Gilles Pichavant

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SOURCES : DAVCC, Caen. – Arch. Dép. Finistère, 200 W 84 (exécutions). – Fichier des fusillés, FNDIRP du Finistère Nord à Brest. – Eugène Kerbaul, 1918-1945, 1640 militants du Finistère, Presses de l’imprimerie commerciale de Rennes, 1988. – Eugène Kerbaul, Chronique d’une section communiste de province, Brest, janvier 1935-janvier 1943, Presses de l’imprimerie commerciale de Rennes, 1992. – Biger Brewalan, René-Pierre Sudre, Les fusillés du Finistère 1940-1944, master 1, Université de Bretagne occidentale, 2009-2010.— Copie de sa dernière lettre communiquée par son petit-fils à Gildas Priol, responsable du site resistance-brest.net (juillet 2022).

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