LARRIBÈRE Pierre [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 25 février 1867 à Ferrières (Hautes-Pyrénées, France), mort après 1936 à Oran ; père de Camille et Jean-Marie Larribère, instituteur à Sidi-Bel-Abbès à partir de 1900 au moins, puis à Oran ; républicain socialiste, communiste dans les années 1920 comme toute sa famille, grande référence de la fidélité au communisme d’orthodoxie soviétique.

Fils de berger en montagne pyrénéenne, Pierre Larribère, écrit Larribère Piolat à l’état-civil de la commune qui n’a pas enregistré la date de décès, fait encore du charbon de bois en montagne alors qu’il prépare l’École normale d’instituteurs. Après l’École normale de Tarbes et des débuts d’instituteur, c’est pour avoir un meilleur traitement (supplément du tiers colonial), qu’il demande un poste en Algérie. Il arriverait à Sidi-Bel-Abbès en 1900 puis enseigne à Oran à partir de 1905.

Cette reconstitution est celle de Camille Larribère, un des fils, dans son témoignage tardif. Selon les souvenirs de Lucie ou Lucette Larribère, témoignage encore plus tardif de la petite fille, l’itinéraire de sa grand-mère serait fort semblable, mais avec des recoupements de date incertains. Sa grand mère, de famille basque du nom de Noguedebat, au sortir de l’école normale, serait arrivée en Algérie à dix-neuf ans, en 1886 (?), pour avoir un meilleur salaire d’institutrice car elle vient avec ses deux parents à charge ; il y a confusion. La jeune institutrice a fait la connaissance de cet autre instituteur des Pyrénées qu’est Pierre Larribère, avant ou après son arrivée en Algérie. Ses parents basques s’opposent au mariage ; Pierre Larribère doit l’enlever au pays basque pour l’épouser. Tous deux viendraient ou reviendraient alors enseigner en Algérie en rompant avec les familles.

Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont instituteurs ensemble à Oran en 1905 et les deux premiers enfants ont déjà une dizaine d’années. Ils sont instituteurs dans une école située dans le quartier juif, école d’enfants pauvres parlant aussi bien arabe qu’espagnol. Les enfants juifs ne sont pas les plus nombreux ; aux enfants d’immigrants s’ajoute une petite part de garçons « arabes ». La charge de famille est lourde ; deux sœurs Larribère ont suivi leur frère à Sidi-Bel-Abbès et à Oran ; il y a aussi quatre enfants au logement et à table. La mère devient directrice de l’école. Pour aider son fils Jean-Marie dans ses études de médecine à Alger, elle se rapprochera d’Alger en prenant des postes d’institutrice sur la ligne de chemin de fer Oran-Alger ; elle revient à Oran en 1928.

Au souvenir de Camille Larribère, avant 1914, son père manifestait des idées républicaines françaises très laïques voire anticléricales (il était franc-maçon), socialisantes et patriotiques, puisqu’il est fier, au nom de l’Union sacrée, de voir son fils Camille partir en guerre en 1914. À la maison, on lisait la presse coloniale. L’Écho d’Oran, qui se voulait à gauche, faisait une place aux débats de la IIe Internationale y compris sur la question coloniale ; on trouvait L’Humanité, le quotidien de Jaurès, qui arrivait de Paris ; Pierre Larribère soutient dès ses débuts la publication de La Lutte Sociale paraissant d’abord à Oran, et qui devient la revue de la fédération socialiste SFIO, établie à Alger en 1912. Aussi, quand le chargé de la propagande de la SFIO pour l’Afrique du Nord, Marcel Cachin, passe par Oran en avril 1911 et fait sa tournée en Algérie, les numéros de La Lutte Sociale qui rapportent ses interventions sont conservés pour les enfants.

La Lutte Sociale deviendra l’hebdomadaire communiste après le congrès de Tours, qui voit les socialistes d’Algérie se prononcer presque à l’unanimité pour l’adhésion à la IIIe Internationale née de l’éclat de la révolution bolchevique. André Julien (Charles-André Julien), jeune professeur élu conseiller général SFIO à Oran, passe au parti communiste dont il devient le délégué à la propagande pour l’Afrique du Nord. C’est dans ce mouvement de transfert vers le communisme, que Pierre Larribère, comme ses fils qui l’entraînent peut-être, adhère au parti communiste. La section d’Oran de la Région communiste d’Algérie en fait même un candidat aux élections législatives non pas en 1924 mais en 1928, déclaré cependant candidat indépendant ; il dépasse à peine les 150 voix sur 13 000 votants.

Il est à cette date secrétaire de la section communiste de la ville. Il est très sensible au discours anti-colonialiste du dirigeant communiste français Pierre Celor qui fait une tournée en Algérie ; c’est le Celor écarté ensuite du PCF dans le changement de direction qui élimine « le groupe Barbé-Celor », auquel était lié son fils Camille, militant activiste à Paris.

Pierre Larribère prend sa retraite d’instituteur en 1929 ; il reste un communiste actif. Dans ses souvenirs, sa petite fille, Lucie Larribère, voit son grand-père porté en triomphe par des jeunes dans une manifestation de Front populaire à Oran en 1936 ; « c’était le militant, le syndicaliste communiste qu’on portait en triomphe ». Les fils de Pierre Larribère, Jean-Marie et Camille, deviennent plus encore les témoins du communisme en Oranie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article157895, notice LARRIBÈRE Pierre [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 6 avril 2014, dernière modification le 15 juin 2015.

Par René Gallissot

SOURCES : Arch. Nat., France, Paris, F7 13 130. — C. Larribère, « Les premiers pas », Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, n° 22, Paris, 1971 — Témoignage de Camille Larribère, arch. privées de A. Taleb-Bendiab. — Témoignage de Lucie Larribère dans A. Dore-Audibert, Des Françaises d’Algérie dans la guerre de libération, Karthala, Paris, 1995.

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