BARRY (de) Nicole [épouse MARTIN]

Par Dominique Loiseau

Née le 8 juillet 1916 à Paris (IVe arr.), morte le 6 mars 2012 à Sallanches (Haute-Savoie) ; résistante ; membre du bureau national de l’UFF et de la commission Action culturelle.

Nicole de Barry en 1945
Nicole de Barry en 1945

Née dans un milieu très privilégié mais de parents dreyfusards. Son père, Eugène De Barry, avait une petite usine , rue Richard Lenoir et était fondeur modeleur . Son grand père maternel Edouard Cadol était un auteur à succès. Nicole de Barry adhéra au PCF en 1934, à dix-sept ans, en réaction à l’influence de l’Action française et du fascisme sur ses relations. Elle s’y décida après les manifestations ouvrières suivant février 1934. Elle était alors élève au lycée Fénelon, à Paris. Elle fut diplômée de sciences Po en 1937.
Fiancée avant guerre à un « camarade allemand », elle servit de boîte à lettres. Interrogée par la Gestapo pendant l’occupation, elle devint semi-clandestine, d’abord à Marseille, puis à la radiodiffusion nationale à Paris. Elle plongea dans la clandestinité totale en 1943, après avoir échappé à une descente de police.
Elle décrit ainsi son activité résistante en 1976 :

« J’ai apporté de l’aide à des antifascistes allemands et à des juifs allemands, notamment en servant de boite aux lettres et en organisant chez moi une réunion de personnages très importants en fuite.
La gestapo est arrivée chez moi, 28 quai de Béthune à Paris vers octobre 1940. En décembre de la même année j’ai pris contact avec Joé Nordmann et la résistance judiciaire et ai adhéré au Front National Judiciaire en mai 1941.
En septembre 1941, je fus dénoncée pour mes activités antiallemandes à la préfecture de police de Paris, par la mère d ‘une de mes amies. Je dus alors quitter mon domicile et mon travail à la Caisse des Marchés de l’Etat. Je partis alors en zone Sud, à Marseille où l’on m’a proposé un travail à la Radiodiffusion Nationale – Service du Contentieux – M .Mouly. Je gardai la liaison avec les FNJ.
Je rentrais en avril 1942 à Paris , et fus mutée au sein de la Radiodiffusion Nationale, au service des Emissions – M.Lenotre – mais mes activités clandestines y attirèrent la police française et je dus en avril 1943 me sauver de la radio. Je devins à partir de ce moment là complètement illégales , habitant dans des domiciles clandestins , munie de faux papiers, travaillant toujours pour le FNJ puis plus tard pour des organisations de solidarité ( Assistance Française – COSOR).
 
Les domiciles clandestins :
J’ai habité successivement, après avoir quitté le domicile de mes parents 45 rue de la Harpe, Paris 5 ,qui eux mêmes avaient quitté le Quai de Béthune, suite à des visites réitérées de la Gestapo qui me cherchait :
- rue Claude Bernard, chez Mme Sivadon
- une chambre de bonne rue Rousselet, près de la porte Champerret quittée à son tour avec l’arrivée de la police
- Chez Mme le docteur Violet, rue de l’Abbé Grégoire, qui m’a soignée en outre pour une congestion pulmonaire
- une chambre 288 rue de Vaugirard, dont je suis partie à cause de la police
- un appartement inhabité au Ministère des Finances , au Louvre. La secrétaire qui m’en a fourni la clé pourra en témoigner. J’ai quitté cette planque à cause d’une filature de la police , qui l’avait découverte.
- Chez Mlle Mazurier, à coté du lycée Pasteur
- Chez le docteur Lecoeur, rue Jean Dolent ( je suis partie à cause de la police)
- Chez Mlle Dufaut, place Daumesnil
- Chez Mme Jodot, rue du Regard »

Elle s’occupa beaucoup de l’Assistance française, dont elle fut secrétaire nationale jusqu’en 1945, la présidente en étant madame de Pidoux. En 1945, l’Assistance française forma le secteur social de l’Union des femmes françaises.
Membre du Comité parisien de Libération, elle reçut ensuite la médaille de la Résistance.
Elle fut secrétaire du comité d’initiative chargé de préparer le congrès international constitutif de la Fédération démocratique internationale des femmes (FDIF). C’est lors d’un voyage effectué dans ce cadre à Florence, avec Lise London qu’elle rencontra son futur mari, un communiste, professeur de physique. Après son mariage, elle continua néanmoins à être appelée De Barry au sein de l’UFF.
Elle milita aux Amies de la paix, organisation créée en 1949, s’investit avec Paulette Michaut et Louise Wurmser* dans le Comité pour la dignité de la presse féminine, organisa à plusieurs reprises des soirées culturelles, par exemple en 1953 avec le violoncelliste Marcel Maréchal pour un rassemblement de femmes de mineurs. Elle était secrétaire adjointe de la commission Action culturelle.
De 1955 à 1958, elle résida en RDA, avec son mari et ses enfants, acceptant une mission à Berlin pour représenter la section française de la FDIF. Déçue, elle rentra en France avec sa famille, plus tôt que prévu. Au retour de la RDA, elle contribua au Journal de l’UFF , Heures Claires, comme permanente.
Elle s’installa ensuite à Marseille, où elle participa activement aux actions contre la guerre d’Algérie, tout en continuant à être membre du bureau national de l’UFF, puis simplement élue du Conseil national. Elle a été militante bénévole à plein temps à Marseille à partir de 1957, jusqu’en 1968.( manifestations de mères de soldats, exposition itinérante sur les marchés, meetings). Elle fut déléguée de la FDIF en 1961 à un colloque de l’Unesco à Dakar, sur l’alphabétisation des femmes adultes.
Ébranlée dans ses convictions par 1968 (le PCF et les étudiants, la Tchécoslovaquie) elle quitta vers 1972 le PCF et l’UFF. En 1958, son mari, Charles Martin, avait déjà refusé, avec cinq autres intellectuels communistes - dont Eugène Cotton, fils d’Eugénie Cotton - de voter à main levée une motion sur la Pologne et la Hongrie. De même, en 1965, la brochure anniversaire de la FDIF ne mentionnait pas Nicole de Barry, devenue plus critique et ayant refusé de cautionner le contenu de cette brochure.
Après 1968, elle rejoignit l’Association des Juristes démocrates, dont Joé Nordmann est le secrétaire général,. Elle travailla entre autres sur la guerre du Viet Nam (organisant une conférence de juristes en été 1968) ou sur la répression au Brésil dans les années 1970… À partir de 1972, elle diversifia ses activités en donnant des cours de sociologie à l’université américaine à Paris Hollins Abroad, puis Sarah Laurence. Elle prit sa retraite en 1980, son mari avait déjà fait plusieurs accidents cardiaques et elle-même avait envie de lever un peu le pied !

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15791, notice BARRY (de) Nicole [épouse MARTIN] par Dominique Loiseau, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 30 janvier 2018.

Par Dominique Loiseau

Nicole de Barry en 1945
Nicole de Barry en 1945

SOURCES : Les femmes rouges, Renée Rousseau, Albin Michel. — Archives nationales de l’UFF. — Notes de Jeannette Loiseau, fille de Nicole de Barry, janvier 2018

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