PIERRE Roger [PIERRE Marie, Charles, Roger ]

Par Alain Chaffel

Né le 16 juin 1911 à Belmont-lès-Darney (Vosges) ; mort le 25 juin 1998 à Valence (Drôme) ; professeur ; militant du PCF dans la Drôme de 1934 à la fin des années 1980 ; historien.

Son père, instituteur de campagne, né en 1863, vieux dreyfusard, pacifiste, fortement attaché à la laïcité, fut son premier maître. Il lui donna le goût de l’histoire, des voyages et de l’action sociale. Roger Pierre intégra l’École normale supérieure de Saint-Cloud, (Lettres 1931-33), opta pour l’histoire et suivit pendant une courte période les cours d’Albert Mathiez à la Sorbonne. Responsable de la bibliothèque de l’ENS, ami de Maurice Nadeau, il y rencontra un foyer d’idées progressistes et de débats sur les grands enjeux de la période (développement de la jeune Union soviétique, montée du fascisme). Il fut reçu premier au Certificat d’aptitude professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures.

Il milita dés 1930 à l’Union fédérale des étudiants, organisation proche du Parti communiste et adhéra l’année suivante aux « Amis de l’Union soviétique ». Membre du Secours rouge, international il devint communiste après les journées de février 1934.

Professeur à l’École normale d’instituteurs de Varzy (Nièvre) de 1934 à 1936, nommé à Lyon en 1936, il fut successivement, secrétaire de cellule à Varzy en 1935-1936 et membre du comité de la section communiste de Vaulx-en-Velin dans le Rhône en 1936-1937.

Pierre se maria le 11 mai 1935 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) avec Suzanne, Marie, Adèle Christophe, institutrice.

Ayant obtenu, en 1937-1938, un congé d’études, il parcourut l’Italie, la Grèce, la Roumanie et la Tchécoslovaquie à pied, en campant, accompagné de son épouse, militante communiste. Cette plongée exceptionnelle dans une Europe marquée par la montée du fascisme et la marche vers la guerre, conforta son engagement communiste.

Retrouvant son poste de professeur à Lyon en septembre 1938, il fit partie de la commission d’éducation de la région communiste du Rhône. Membre du Syndicat des personnels de l’enseignement secondaire, il fit grève le 30 novembre 1938 et fut sanctionné d‘une retenue de huit jours de salaire. Il reçut une lettre de l’Inspecteur d’Académie qui exigea qu’il n’y eût pas « une seule parole déplacée » dans ses cours.

Appelé sous les drapeaux en 1939 sur le front de la Sarre, prisonnier en 1940, il passa toute la guerre en captivité en Allemagne et tenta de s’évader le 26 juin 1940 et en octobre 1943. Placé dans un « Kommando » disciplinaire, il organisa le comité de Résistance du Stalag III A. A l’arrivée de l’armée rouge, en avril 1945, il organisa le rapatriement des 11 000 Français du camp, puis rentra en France en juin 1945. Il fut membre du comité directeur des prisonniers de guerre du Rhône.
Après une année d’enseignement dans un lycée lyonnais, il fut nommé à Valence à l’École normale d’instituteurs en 1946 et milita dans le Syndicat national des professeurs d’écoles normales jusqu’à sa retraite en 1971. Pendant vingt-cinq ans, il marqua profondément des générations de futurs enseignants. Aucun de ses anciens élèves n’a oublié le professeur rigoureux, la fermeté de ses exigences, son art de susciter l’intérêt et surtout son attention toujours bienveillante à chacun, son souci de préparer tout autant l’homme et le citoyen que le futur « maître d’école ».

Membre du comité et du bureau de la fédération de la Drôme du Parti communiste français de 1947 à 1956, du seul comité fédéral en 1956 - à sa demande, après le décès de sa première épouse l’année précédente - il réintègra le bureau fédéral en 1959 tout en étant, à partir de cette date, secrétaire de la section communiste de Valence. Envoyé à l’école centrale du PCF en 1948, pour faire un stage de directeur des écoles fédérales, ses résultats furent jugés excellents par ses examinateurs et il anima ensuite plusieurs écoles fédérales. Pierre ayant exprimé des désaccords avec la politique du parti, le secrétariat du PCF, le 31 janvier 1961, demanda à Théo Vial-Massat* qui suivait la fédération de la Drôme de participer aux réunions de la cellule de Pierre. Il en résulta que, lors de la conférence fédérale de 1962, Pierre fut réélu seulement au comité fédéral. Membre du comité de la section communiste de Valence, il joua un rôle sur les questions d’éducation et d’enseignement. Contestant toutefois les méthodes de la direction fédérale en matière de formation des militants – trop réductrices à son goût - il ne fut pas réélu au comité fédéral en 1964.

Roger Pierre fut également secrétaire départemental du Mouvement de la Paix de 1952 à 1962. Orateur brillant, il multiplia les meetings contre la bombe atomique, le réarmement de la République fédérale allemande et les guerres d’Indochine et d’Algérie. Il resta par la suite membre du bureau départemental de cette organisation dirigée par le PCF. Conseiller municipal communiste de Valence de 1947 à 1959, en charge des questions scolaires, défenseur de l’école laïque, il fut pendant plusieurs années vice-président du Comité local d’action laïque.

Veuf, Pierre se remaria le 16 juillet 1957 à Ponet et Saint-Auban (Drôme) avec Andrée Juzot, institutrice communiste,veuve d’André Chaffel, ancien secrétaire de la section communiste de Die.
 
Figure intellectuelle dominante du communisme drômois, il dirigea le Cercle d’études marxistes de Valence à partir de 1965. Sous son impulsion le Cercle entama des recherches économiques et sociales sur le département de la Drôme. En février 1974, Roger Pierre créa la commission historique de la fédération communiste afin d’armer intellectuellement les militants communistes. Historien de la Drôme, infatigable découvreur d’archives finement analysées, il travailla d’abord sur l’histoire du mouvement ouvrier et publia de nombreux articles dans la presse communiste ou les revues d’histoire du PCF, ainsi que dans deux revues locales indépendantes, Études drômoises et La Revue drômoise. Correspondant du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français pour la Drôme et l’Ardèche, il rédigea plus de 300 notices biographiques. Il étendit progressivement son domaine de recherches à toutes les questions historiques de sa région.
Il soutint l’Union soviétique, comme nombre de militants de cette génération, tout en critiquant, en privé, certains aspects du système, comme les films de propagande soviétique. Il approuva le pacte germano-soviétique d’août 1939, l’intervention soviétique en Hongrie en 1956, celle des troupes du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie en 1968 ainsi que l’engagement armé de l’URSS en Afghanistan en 1979. N’accordant aucune confiance aux dirigeants socialistes, il n’apprécia pas la position du PCF appelant à voter pour François Mitterrand dés le premier tour de l’élection présidentielle de 1965. De même, la signature du Programme commun de gouvernement, entre le PCF et le Parti socialiste en 1972, le laissa particulièrement sceptique. Il cessa de militer et ne reprit plus sa carte au PCF à la fin de sa vie (probablement à la fin des années 1980) mais continua de voter communiste, fidèle à son idéal.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158042, notice PIERRE Roger [PIERRE Marie, Charles, Roger ] par Alain Chaffel, version mise en ligne le 9 avril 2014, dernière modification le 27 juin 2022.

Par Alain Chaffel

ŒUVRES : Parmi ses nombreuses publications : Les origines du syndicalisme et du socialisme dans la Drôme (1850-1920), Paris, Éditions sociales, 1973 ;
Aux éditions « Notre temps » à Valence : La Drôme et l’Ardèche entre les deux guerres (1920-1939), 1977 ; Ah ! Quand viendra la belle, Résistants et insurgés de la Drôme, 1848-1851, 1981 ; 240 000 Drômois, la fin de l’Ancien régime, les débuts de la révolution, 1986 ; 240 000 Drômois aux quatre vents de la Révolution, 1989 ; 240 000 Drômois de Robespierre à Bonaparte, 304 pages, 1996, avec la collaboration, pour ces trois derniers ouvrages, de Jean-Pierre Bernard, Claude Magnan, Jean Sauvageon, Robert Serre, Claude Seyve, Michel Seyve.

SOURCES : Archives du comité national du PCF, archives de la fédération de la Drôme du PCF, archives de Roger Pierre, interview de Roger Pierre du 04/03/1993, témoignage de Robert Serre pour la Revue drômoise (2008), témoignage de Marc Pierre du 28/12/2013. — CHAFFEL (Alain), Les communistes de la Drôme de l’euphorie de la Libération à la désillusion du printemps 1981, thèse d’histoire de l’Université Lyon II, sous la direction d’Yves Lequin, publiée à Lille, Septentrion, 1997, et sous forme contractée aux éditions L’Harmattan, Paris, 1999. — Notes de Jacques Girault.

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