PILOU Roland, Georges

Par Gérard Boëldieu

Né le 22 juin 1912 à Sées (Orne), mort le 11 novembre 2011 au Mans (Sarthe) ; professeur de latin et de français ; militant socialiste, pacifiste, syndicaliste et associatif.

Roland Pilou
Roland Pilou

Roland Pilou était le fils aîné de Léon Benjamin Pilou*, facteur enregistrant à la gare de Sées, et de Marie, Louise, Célina Bisson, institutrice à Sées au hameau de Saint-Laurent, tous les deux ardents défenseurs de la laïcité. Militant à la CGT, à la SFIO puis au PSU, son père fut conseiller municipal de Sées de 1924 à sa révocation en 1940, réélu de 1945 à 1947, conseiller général du canton de Sées de 1945 à 1970.

Reçu au certificat d’études primaires à l’âge de 12 ans, Roland Pilou séjourna ensuite un an au collège de Sées puis devint pensionnaire au lycée d’Alençon jusqu’à l’obtention du baccalauréat “philosophie”, en 1932. Après deux années en classes préparatoires littéraires à Rennes, inscrit à la faculté des lettres de Caen puis en Sorbonne, Pilou poursuivit, de 1934 à 1943, des études supérieures de lettres classiques (français-latin) tout en étant maître d’internat au lycée du Mans, de novembre 1934 à 1937, et à celui d’Évreux (Eure), ensuite répétiteur au lycée de Versailles (Seine-et-Oise), aux lycées parisiens Montaigne et, de janvier 1942 à novembre 1943, Henri IV où il fit la connaissance de Georges Pompidou alors professeur agrégé de lettres dans cet établissement. Ses études supérieures furent entrecoupées en 1938 par son service militaire effectué à Compiègne et en 1940 par son rappel sous les drapeaux, qui le conduisit à Toulouse.

Licencié ès-lettres en 1943, Pilou rejoignit aussitôt, comme professeur-adjoint, le Prytanée militaire de La Flèche, poste qu’il avait demandé pour des raisons de proximité familiale. De 1945 à 1948 il exerça au lycée Ronsard de Vendôme (Eure-et-Loir). Dans cette ville, en 1948, il épousa, mariage uniquement civil, Andrée Hamelin, fille d’un avoué. Le couple eut une fille.

Titularisé professeur lors d’un bref séjour à Pithiviers (Loiret), Pilou fut nommé au Mans en 1949 où il enseigna à l’École Militaire Préparatoire Technique (EMPT) jusqu’en 1954, puis au lycée technique pendant quatre ans, enfin au lycée de garçons de 1958 jusqu’à sa retraite en 1973.

Membre des Jeunesses socialistes SFIO et des Étudiants socialistes SFIO entre 1928 et 1934, Pilou assista à plusieurs congrès nationaux : à Strasbourg (1930), Limoges (1931), Toulouse (1932), Villeurbanne, Chamalières. De 1935 à 1939, alors qu’il était maître d’internat et adhérent à la SFIO, il collabora à La République sociale de l’Ouest, hebdomadaire de la Fédération socialiste de la Sarthe : pas moins de onze contributions entre le 26 avril 1935 et le 7 avril 1939. Signés “Roland Bergeline”, nombre de ses articles traitèrent de la défense nationale et de la paix à sauver, d’autres dénoncèrent « l’équivoque radicale ». L’un de ceux-ci, qui s’en prenait en 1937 à la politique déflationniste de Germain-Martin, lui valut les foudres des radicaux au plan national. Dans le même temps, Pilou collabora à l’organe du pacifisme intégral, La Patrie humaine : une dizaine d’articles entre le 26 avril 1935 et le 6 janvier 1939.

Interdite sous Vichy, La République sociale de l’Ouest reparut à la Libération (quatorze articles de Pilou entre le 4 février et le 13 octobre 1945). À Vendôme, Pilou poursuivit son activité de publiciste dans les colonnes de l’organe de la fédération SFIO du Loir-et-Cher, Le Populaire du Loir-et-Cher, devenu La République sociale du Loir-et-Cher en septembre 1946 : une bonne trentaine d’articles entre le 30 novembre 1945 et le 27 décembre 1946 dont certains furent repris dans les organes des fédérations de la Sarthe et de l’Orne. Co-secrétaire de la Bourse du Travail, avec un ouvrier communiste, Pilou participa à l’organisation de cours pratiques destinés aux ouvriers, par exemple sur la défense de leurs droits. Lors des élections municipales d’octobre 1947 à Vendôme, Pilou rédigea la profession de foi de la liste SFIO. Robert Schuman répliqua aux propos contre le MRP qu’elle contenait. La liste eut deux élus. Pilou, qui y figurait en quatrième position, échoua de peu. Au Mans, alors qu’il enseignait à l’EMPT, Pilou signa ses articles du Sarthois, nouveau journal des socialistes SFIO de la Sarthe, du pseudonyme “Le Cartésien”. En désaccord avec la politique de Guy Mollet, il co-signa, avec, entre autres, son collègue du lycée technique François Le Hérissé, l’appel du “Comité sarthois pour le regroupement de la gauche” afin de « substituer une économie socialiste à une économie capitaliste », texte rendu public en novembre 1954. Ayant quitté la SFIO, un temps secrétaire fédéral de l’Union de la gauche socialiste, Pilou assista au premier congrès de la Nouvelle Gauche. Au début des années 1960, il se retira de la vie politique active.

Au cours de sa carrière d’enseignant, Pilou adhéra au Syndicat des personnels de l’enseignement secondaire quand il était répétiteur, au Syndicat de l’enseignement secondaire ensuite. Pendant les quelques années passées dans l’enseignement technique il rejoignit le Syndicat national de l’enseignement technique. Il assista au premier congrès de la Fédération de l’Éducation nationale (25-27 mars 1948). Au Mans, comme à Vendôme auparavant, il représenta le SNES dans les instances départementales de la FEN. Ulysse Dominé aurait vu en lui son successeur au secrétariat de la FEN dans la Sarthe. Mais ce poste était alors dévolu à un instituteur. Le 18 mars 1960, lors du meeting organisé au Mans par le Conseil sarthois du Mouvement de la paix, en riposte aux journées d’Alger de janvier et février, Pilou siégeait sur l’estrade en tant que représentant du SNES.
 
Pendant vingt ans, Roland Pilou tint, sous son vrai nom, la chronique littéraire de La Voie de la paix (devenue L’Union pacifiste), l’organe de l’Union pacifiste de France. En 1964, en révélant que le négationniste Paul Rassinier, membre de cette Union, avait accordé une interview à Rivarol, feuille d’extrême droite qui, dans son numéro du 16 avril de cette année, le présenta comme « l’historien des camps de la mort », Pilou précipita le processus d’exclusion, objet de débats internes, engagé à l’encontre de ce dernier, qui, au final, préféra démissionner.
 
De 1963 à 1993, dans l’édition sarthoise d’Ouest-France, Pilou rendit compte des principales manifestations culturelles du Mans : conférences, pièces de théâtre, concerts, etc. Grand défenseur de la « tradition » en littérature, adversaire de toute « innovation » en matière théâtrale, plus généralement hostile à « l’esprit soixante-huitard », au début des années 1970 il stigmatisa les mises en scène et le jeu des acteurs de “La Comédie de l’Ouest”, compagnie qui, installée dans la Maison de la Culture de Rennes, faisait alors des tournées dans la région.

Auteur d’un mémoire de Diplôme d’études supérieures sur le thème de l’eau dans l’œuvre de Maupassant, Pilou publia des nouvelles et un roman dont l’action se situe en Normandie, ainsi que diverses études érudites locales pour des sociétés savantes du Loir-et-Cher et de la Sarthe. Il rédigea le bulletin de l’Amicale des Normands de la Sarthe, association qu’il présida de 1981 à 1993.
 
Ses obsèques civiles eurent lieu le 16 novembre 2011 dans la plus stricte intimité, à Coulaines, commune voisine du Mans où il résidait depuis les débuts de sa retraite.

 
Son frère, Jean Jacques Pilou, (31 mai 1925, Sées-7 février 2000, Le Mans), fut arrêté par la police française dans les débuts de l’Occupation, alors qu’il était lycéen à Alençon. Condamné à seize mois de prison, il fut enfermé à Caen dans une prison française, puis à Troyes dans une prison allemande. Plus tard, réfractaire au Service du travail obligatoire, il se cacha dans le Domfrontais. Après la Libération, il travailla à l’EDF. Communisant, il milita à la CGT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158239, notice PILOU Roland, Georges par Gérard Boëldieu, version mise en ligne le 17 avril 2014, dernière modification le 9 avril 2021.

Par Gérard Boëldieu

Roland Pilou
Roland Pilou

ŒUVRE : L’Herbage de la Coudraie, Editions G. Subervie, 1950 (recueil de nouvelles). — Monsieur Bourrichol, Éditions l’Amitié par le Livre, 1961 (roman). — « Maupassant peintre de la mer et de la rivière », Bulletin de l’association Guillaume Budé, XXII, série IV, n° 4, décembre 1963, p. 456. — « 23 juin 1872, inauguration de la statue de Ronsard », Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, 1985. — Articles parus dans le Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe : « Anecdote vendômoise : une foucade de Gustave Flaubert », 1984, p. 119-124 ; « Sébastien de Brossard (1665-1730) », 1986, p. 55-70 ; « Un génial mélomane protecteur de Georges Auric », 1988 ; « Essai sur Émile Baumann », 1989, p. 81-122 ; « Un manceau d’adoption notoire : Giuseppe Cesolari (1873-1954) », 1990 p. 11-64 ; « Maupassant, peintre de la mer et de la rivière », 1994, p. 139.

SOURCES : Arch. Dép. Sarthe, 1359 W 120 (Mouvement de la paix, meeting du 18 mars 1960). — Le Maine Libre, 12 novembre 1954 (appel du Comité sarthois pour le regroupement de la gauche). — Albert Ratz, Jean Gauchon*, le roman d’un pacifiste, Le Cherche midi éditeur, s.d. (Surtout le chapitre XXII intitulé “L’affaire Rassinier”, où le nom de Roland Pilou est cité). — Entretien le 8 mars 1999 avec l’intéressé qui fournit des photocopies des documents suivants : liste manuscrite de ses articles, avec leurs titres, parus dans les organes des fédérations SFIO de la Sarthe et du Loir-et-Cher, entre le 1er juin 1935 et le 27 décembre 1946 ; liste de ses articles parus dans La Patrie humaine, entre le 26 avril 1935 et le 7 avril 1939 ; « Liste du Parti Socialiste SFIO » aux élections municipales du 19 octobre 1947 à Vendôme, accompagnée de sa profession de foi (deux pages recto-verso).

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