BARTOLI Gaudien

Par Jacques Girault

Né le 12 août 1896 à Palnéca (Corse), mort le 3 juillet 1968 à Toulon (Var) ; contrôleur de l’Enregistrement ; candidat socialiste SFIO aux élections législatives de 1936 dans le Var ; conseiller général ; maire communiste de La Londe (Var) en 1945.

Fils d’enseignants, Gaudien Bartoli fut, quelque temps, instituteur suppléant dans les Bouches-du-Rhône, puis entra dans l’Enregistrement. Tour à tour dans le Pas-de-Calais, dans l’Isère, dans les Bouches-du-Rhône, il arriva à Draguignan en 1926, puis fut nommé comme contrôleur spécial principal à Toulon au début des années 1930.

Bartoli avait été blessé et gazé pendant la guerre. Il adhéra à la SFIO en janvier 1920. Militant syndicaliste, il fut, en 1931, un des fondateurs de la caisse d’assurances sociales de l’Union départementale de la CGT.

Dans la Fédération socialiste du Var dominée par les amis de Pierre Renaudel, G. Bartoli, après avoir été membre effacé de la section de Draguignan, devint le chef de file de la petite minorité de L’Action socialiste. Il était membre du conseil d’administration de la section de Toulon, îlot orienté plus à gauche. Pour l’élection législative de 1932, il assumait le secrétariat du comité central électoral du candidat socialiste dans la première circonscription de Toulon. Après la scission, à la fin de 1933, il resta à la SFIO et fut élu membre du comité fédéral au congrès du 3 décembre 1933. Il accompagna Théo-Bretin dans le Haut-Var pour réorganiser le Parti dans le département et multiplia les réunions de propagande dans la région toulonnaise.

Son activité syndicale s’exerçait dans les nombreuses réunions de fonctionnaires contre les décrets-lois. Le 12 février 1934, il haranguait les ouvriers non grévistes qui rentraient à l’Arsenal de Toulon.

Au congrès fédéral SFIO de Toulon, le 13 mai 1934, Bartoli s’opposa au rapport moral et reprocha notamment l’attitude du Parti à l’égard des militants qui avaient adhéré au mouvement Amsterdam-Pleyel. Il déposa une motion contre celle de Jacques Toesca qui obtint 19 mandats sur 118. Pour les élections cantonales, sa motion préconisait la candidature unique des partis du prolétariat dès le premier tour (dix-sept mandats).

Bartoli fut élu conseiller d’arrondissement dans le premier canton de Toulon (il habitait le quartier de Claret). Sa profession de foi affirmait son désir de : « 1) sauvegarder les libertés publiques ; 2) donner au pays une représentation capable de substituer à la ploutocratie bancaire et industrielle la véritable démocratie ». Le 7 octobre 1934, il obtenait 1 028 voix sur 8 094 inscrits ; grâce au désistement communiste, le dimanche suivant, il battait dans une élection triangulaire, le conseiller d’arrondissement sortant, Graziani qui avait quitté la SFIO plusieurs années auparavant, avec 1 891 voix. Le sous-préfet de Toulon le jugeait en ces termes : « militant ardent du Parti SFIO qui jouit d’un réel prestige auprès des masses ouvrières ».

Au congrès fédéral d’Hyères, Gaudien Bartoli soutint la motion du Comité d’action socialiste révolutionnaire qui préconisait la formation de listes SFIO-PCF dès le premier tour des élections municipales ; dix-huit mandats le suivirent. Toujours dans le même esprit, sa motion qui prévoyait une liste unique, l’emporta dans la section de Toulon, le 15 novembre 1934. Mais, le Parti communiste n’accepta pas les propositions de la section socialiste. Aussi, afin de paraître en position de force en face du député Victor Brémond, accepta-t-elle de s’entendre avec Gozzi et ses amis. Bartoli, le 5 février 1935, se rallia à une telle alliance et exprima sa déception à la suite du refus du Parti communiste. Il figurait sur la « liste socialiste et d’unité d’action » et arrivait en troisième position le 5 mai 1935, avec 3 216 voix sur 29 381 inscrits. Il fit donc partie de la liste de regroupement, dite liste « du Front populaire » constituée sous l’égide de Brémond et obtint 10 120 voix, le dimanche suivant. Indice de sa popularité, Bartoli était en bonne place sur la liste du Bloc anticartefiguiste affichée par le président du syndicat libre des pêcheurs à la veille du premier tour.

Gaudien Bartoli était de ceux qui allaient volontiers dans les réunions du Parti communiste. À partir de juillet 1934, il avait été souvent orateur pour son parti dans les réunions communes. Le 13 mars 1935, il vint apporter son soutien à l’action projetée par le Parti communiste contre la prolongation de la durée du service militaire. D’autre part, élu, le 28 février 1935, au conseil d’administration de la Bourse du Travail de Toulon, il contribua à la réunification syndicale.

Toujours membre du comité fédéral, sa motion sur l’action politique au congrès fédéral de Brignoles recueillit quatorze mandats. Lors de l’élection législative partielle, dans la deuxième circonscription de Toulon (Sud-Ouest varois) à la suite de la mort de Renaudel, Bartoli aurait aimé être candidat. Pour éviter cela, le secrétaire fédéral Toesca accepta de se présenter. Bartoli ne fut que vice-président du comité central électoral.

Le 28 novembre 1935, Bartoli devint secrétaire général de la section SFIO de Toulon. Aussi, fut-il désigné par cette même section pour représenter le parti dans l’élection législative de 1936 dans la première circonscription (Toulon centre). Le 26 avril 1936, aux termes d’une campagne mouvementée, Bartoli recueillait 2 079 voix sur 22 756 inscrits et se désistait pour le candidat communiste.

Bartoli et ses partisans, à mi-chemin entre les analyses de Jean Zyromski et de Marceau-Pivert, s’opposaient à la direction fédérale de la SFIO. La grande originalité de Bartoli était son désir de ne pas s’éloigner des positions communistes. À aucun moment, Bartoli ne s’exprima dans l’hebdomadaire fédéral, Le Populaire du Var, homme de la parole, surtout ou censure politique ?

Aussi, Gaudien Bartoli ne cessait-il de proclamer son hostilité à la non-intervention en Espagne. Intervenant dans un meeting communiste à La Seyne, le 4 septembre 1936, il critiqua même les propos tenus dans Le Petit Provençal à l’égard des communistes. Les affrontements étaient violents dans la section socialiste de Toulon. Les partisans de la ligne fédérale, regroupés autour de Joseph Risterucci s’organisaient. La position de Bartoli l’emporta encore (quarante-six mandats contre quarante et un) en novembre 1936 quand il fallut décider le principe d’une candidature socialiste SFIO à l’élection municipale complémentaire de Toulon. Contre une entente préalable avec l’USR, il fit triompher la candidature SFIO sur le programme socialiste. Mais la campagne du candidat Risterucci se transforma, malgré Bartoli, en un soutien global de Léon Blum, manière indirecte de critiquer les communistes. En janvier 1937, pour la première fois, le scrutin de liste renversa les positions lors de la réélection du bureau de la section (liste Bartoli, six élus, liste Risterucci sept élus).

Pourtant, lors de l’élection pour le conseil général dans le premier canton de Toulon, Bartoli fut candidat. Un des thèmes de sa campagne fut : il faut que l’ancien siège de Prosper Ferrero revienne à la SFIO. Devançant de seize voix le député communiste Jean Bartolini, avec 1 537 voix sur 9 028 inscrits, sans faire le plein des voix de « gauche », le 17 octobre 1937, il l’emporta avec 3 168 suffrages.

Au conseil général, il était membre de la 2e commission (Travaux publics, bâtiments départementaux) des commissions de l’hydraulique, de visite des bâtiments départementaux, de patronage des HABM du Var. Il représentait le conseil au syndicat des communes du littoral, à la commission de propagande touristique de la Côte d’Azur et à la commission d’appel des lois d’assistance.
Nommé secrétaire du conseil général, Bartoli, dans un premier temps, n’émit pas d’opinions divergentes de ses camarades socialistes. Il déposa un vœu de confiance dans la politique de Blum et du gouvernement. Chautemps, le 27 octobre 1937. Mais, un lent glissement s’opéra dans ses votes. En 1938, dans ses nombreuses interventions, il exprima très souvent son soutien avec les analyses des conseillers généraux communistes. Ainsi, le 5 avril 1938, vota-t-il contre les propositions des socialistes en matière de transports en commun.

Bartoli était connu pour son caractère difficile. Ainsi, au conseil général, répondit-il très vertement aux attaques d’un élu contre le corps enseignant, le 14 décembre 1937. Il se fit mettre en congé de maladie de longue durée. Sa vie familiale défrayait la chronique. À la suite de ses brutalités, la section SFIO de Toulon lui demanda de lui remettre son mandat électif, le 26 juin 1937 ; il dut promettre d’être plus tempérant à l’avenir. Ces épisodes avaient contribué à ce que de nombreux socialistes cessent de lui accorder confiance.

Au congrès fédéral de La Seyne, le 22 mai 1938, Bartoli, au nom de la minorité de Toulon, vota contre le rapport moral. Il fut délégué suppléant au congrès national de Royan pour la tendance de La Bataille socialiste. Mais, dans les articles qu’il consacra au congrès, dans la photographie des délégués varois qu’il publia, Le Populaire du Var n’accorda aucune place à Bartoli. Il ne figura pas parmi les congressistes. Quelques semaines plus tard, on apprit qu’il avait rejoint le Parti socialiste ouvrier et paysan et qu’il était secrétaire fédéral adjoint depuis le 1er juillet 1938. Ce nouveau parti resta le fait d’une petite minorité dans le département et ne sembla pas partager l’ultra-pacifisme et l’anticommunisme qui le caractérisaient dans les Alpes-Maritimes par exemple. Il réintégra son emploi et fut muté, semble-t-il par mesure disciplinaire, à Avignon (Vaucluse).

Selon certaines sources, Bartoli ne fut pas mobilisé à la déclaration de la guerre. Selon des témoignages, il fut mobilisé à Toulon et affecté au service des réquisitions. Arrêté à la fin septembre 1939, selon le rapport, dans un bar, il se serait adressé à des militaires : « Pour qui vous battez-vous ? Pour les capitalistes ! Révoltez-vous ! On vous a donné des armes, vous n’avez qu’à vous en servir. » Emprisonné un temps, vers la fin du mois de novembre, il confia au communiste de Saint-Tropez, Lucien Thomazo, son amertume à l’égard de la SFIO et son désir de rejoindre une hypothétique « deuxième Internationale et demie ». Pour avoir tenu des propos « défaitistes et antimilitaristes », inculpé de provocation de six militaires à la désobéissance, de propos subversifs tenus à un groupe de soldats et de coups portés à des gardes-mobiles (Le Petit Var, 26 janvier 1940), défendu par Édouard Le Bellegou, il fut condamné, le 25 janvier 1940 à deux ans de prison et 2 000 francs d’amende. Incarcéré à la Maison centrale de Nîmes, il fut révoqué de l’administration.

Nous ne savons rien de ses activités pendant la guerre. Lors de la première réunion du conseil municipal de La Londe, le 28 août 1944, président du comité local de Libération au titre du Parti communiste français et des FTPF, il devint deuxième adjoint. À partir du 20 octobre 1944, les communistes ayant écarté les conseillers socialistes qui avaient siégé jusqu’à la dissolution du conseil en février 1941, Gaudien Bartoli présida le conseil municipal provisoire. Le Comité départemental de Libération entérina ce choix, le 21 novembre 1944 et la préfecture le classait parmi les « communistes ». Cette étiquette doit être utilisée avec prudence. Le comité fédéral SFIO, le 4 décembre 1944, constatait qu’il n’appartenait plus au parti. En effet, les militants du Mouvement de Libération nationale, dans la région hyéroise, acceptaient de collaborer étroitement avec les communistes. Bartoli fut délégué en avril 1945 pour participer au congrès national du MLN.

Bien que maintenu par le comité départemental de Libération comme conseiller général, Bartoli ne se représenta pas aux premières élections cantonales à Toulon. Aux élections municipales d’avril 1945 à La Londe, il conduisait la liste « d’Union patriotique, républicaine et antifasciste » composée d’une majorité de communistes et fut un des seuls élus au deuxième tour, le 27 avril. Minoritaire, il refusa de participer aux commissions et fut régulièrement absent à partir du 21 novembre 1945. Il aurait démissionné du PCF et ne fut pas réadmis à la section socialiste SFIO de Toulon après sa demande, le 25 mai 1946.

Ne réintégrant pas son administration, Bartoli aurait, selon des témoignages, travaillé un certain temps dans l’industrie. Il aurait quitté La Londe à la fin des années 1940. Intempérant et sans ressources, son existence aurait alors été pitoyable.

Grâce à l’amitié de certains militants, ayant obtenu une pension de guerre, Gaudien Bartoli reprit une petite activité politique dans le quartier du Pont-du-Las à Toulon. Il envoya un télégramme de sympathie en 1958 lors de la candidature du socialiste SFIO Étienne Vernieri au conseil général. Il fut la même année parmi les fondateurs du Parti socialiste autonome et participa aux nombreuses réunions de ses militants à Toulon. Toutefois, il n’est pas certain qu’il ait été membre du Parti, qui se transforma en PSU, évolution que Bartoli aurait encouragée.

Gaudien Bartoli était un militant populaire de l’extrême - gauche de la Fédération socialiste. Ses analyses politiques, en dépit de la rareté de ses écrits, semblaient plus proches de celles de Zyromski que de celles de Marceau Pivert qu’il suivit pourtant en 1938.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15827, notice BARTOLI Gaudien par Jacques Girault, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 17 septembre 2019.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat., BB 29/639. — Arch. Dép. Var, 2 M 3 52, 5 292, 294 ; 2 M 6 25 ; 2 M 7 35 4 ; 4 M 47, 50, 56 9, 59 3, 4.3 ; 18 M 43, 93 ; 3 Z 2 4,10,12,14 ; 3 Z 4.19, 14 30. — Arch. Com. La Londe. — Arch. Troisième Région maritime, 2 A4/81. — Arch. J. Charlot (Centre d’histoire sociale du XXeme siècle. Université de Paris I). — Presse locale. — Sources orales. — J. Toesca, Un militant de province, Toulon, 1951. — Notes de Jean-Marie Guillon.

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