Par Daniel Grason
Né le 13 juin 1920 à San Gregorio Parmense (Parme, Italie), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier cimentier, mineur, plongeur ; résistant FTP-MOI, un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.
Fils de Virgil et de Caroline, née Moretti, Antoine Salvadori fut cimentier, puis mineur à Lens (Pas-de-Calais). Craignant qu’il soit mobilisé en Italie, Eugène Martinelli l’emmena à Paris, où il travailla à partir du 1er septembre 1943 comme plongeur à l’Organisation Todt, rue de Berri (VIIIe arr.). Il habitait sous sa véritable identité au 30 avenue de Choisy, dans le XIIIe arrondissement, dans un hôtel.
Vittorio Pupilli lui présenta « Arthur », qui lui procura une carte d’identité au nom de Rousseau. Il fit la connaissance, ou retrouva, Cesare Luccarini, également convoyé de Lens par Eugène Martinelli. Il participa en septembre 1943 en sa compagnie au grenadage d’une maison de tolérance. Le 4 novembre, il se rendit au 6 avenue de Paris à Vincennes, où plusieurs combattants pénétrèrent dans un garage et sommèrent le garagiste de leur donner des bicyclettes. Cinq machines furent emportées, il enfourcha l’une d’elles et la remit plus tard à Rino Della Negra.
Le 12 novembre vers 13 heures, sept hommes des Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) se rendirent rue La Fayette (IXe arr.) : Rino Della-Negra et Robert Witchitz devaient attaquer un convoyeur de fonds allemand, les cinq autres assurant la protection. Le convoyeur sortit avec un militaire allemand. Robert Witchitz et Rino Della-Negra ouvrirent le feu pour s’emparer de la sacoche. Bergoff, un Allemand, tomba mort, foudroyé.
Des policiers et la Feldgendarmerie étant sur place, une fusillade s’ensuivit : grièvement blessé, Rino Della-Negra fut arrêté ; Robert Witchitz, blessé, s’enfuit. Il se réfugia dans une cave au 21 rue de Provence (IXe arr.), mais, dénoncé, fut arrêté. Des inspecteurs de la BS2 interpellèrent Antoine Salvadori à son domicile et Cesare Luccarini le jour même, Georges Cloarec et Spartaco Fontanot le lendemain, puis Roger Rouxel.
Interrogé dans les locaux des BS, Antoine Salvadori fut battu lors des interrogatoires. Il fut l’un des vingt-quatre accusés qui comparurent le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris, qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). La presse collaborationniste, dont Le Matin, s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian, dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2 300 francs par mois. »
Antoine Salvadori fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 h 29 au Mont-Valérien avec les vingt-deux autres condamnés à mort. Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
L’abbé Franz Stock qui les assista écrivit dans son journal du 21 février : « Witchitz Robert ; Rouxel Roger et Salvadori Anton se sont confessés et ont communié. Salvadori était très sensible, pleura beaucoup, inoffensif, son père travaille en Allemagne. Parti dans le fourgon avec les chefs, « Vive le peuple allemand, à bas les nazis ! Nous aimons la musique allemande, nous sommes soldats, œuvrons pour l’Allemagne. La guerre ne va pas durer plus d 4 mois. Les Russes vont sauver l’Allemagne, ils ont l’expérience, ils sont morts pour la cause . »
Le nom d’Antoine Salvadori figure sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian 19 rue au Maire à Paris (IIIe arr.), à Marseille, près de la gare d’Évry-Petit-Bourg (Essonne), où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
Par Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo., 77W 2122, BA 1749. – DAVCC, Caen, Boîte 5, Liste S 1744 098/44 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 19 et 20 février 1944, 21 février 1944, 22 février 1944. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Antoine Bechelloni, « Antifascistes italiens en France pendant la guerre : parcours aléatoires et identités réversibles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1999, p. 280-295. – Idem, « Antifascist Resistance in France from the ``Phony War’’ to the Liberation : Identity and Destinies in Question », in Donna R. Gabaccia and Fraser M. Ottanelli (sous la dir.), Italian Workers of the World, Labor Migration and the Formation of Multiethnic States, Urbana and Chicago, University of Illinois Press, 2001, p. 214-231. – Gaston Laroche, Colonel F.T.P. Boris Matline, On les nommait des étrangers, Les immigrés dans la Résistance, Paris, Les éditeurs français réunis, 1965. – Pia Carena Leonetti, Les Italiens du maquis, Éd. mondiales, 1968. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb.— Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 191-192.