BASCAN Louis, Paul

Par Alain Dalançon

Né le 9 novembre 1868 à Paris (Ier arr.), mort en déportation le 8 novembre 1944 à Buchenwald ; professeur, directeur d’EPS ; militant syndicaliste de l’enseignement ; militant de la Ligue des droits de l’Homme, franc maçon ; résistant du CDLL.

Louis Bascan
Louis Bascan

Louis Bascan naquit dans le quartier populaire des Halles à Paris, au 17 rue Montmartre, où son père, Paul Bascan, était artisan tailleur, et sa mère, née Louise Planchon, couturière. Il était trop jeune pour avoir connu la Commune mais ce mouvement social porté par le petit peuple parisien dont il était issu, semble avoir joué un rôle dans son imaginaire ultérieur à travers son adhésion à la Libre Pensée et à la Ligue des droits de l’homme. Il ne versa cependant pas dans l’anarchisme et suivit le cursus des « hussards noirs » de la République.

Sa mère souhaitait en effet qu’il devienne instituteur. Ses parents ayant quitté Paris pour s’installer dans l’Oise à Méru, capitale de la nacre, où naquirent son frère Paul en 1872, et sa sœur Jeanne en 1884, il entra à l’École normale d’instituteurs de Beauvais à 16 ans. Après trois années de formation, il occupa brièvement son premier poste d’instituteur dans l’Oise puis intégra l’année suivante, en 1888, l’École normale supérieure primaire de garçons de Saint-Cloud, section lettres. Il obtint en même temps une bourse de séjour de deux ans en Angleterre où il rédigea un mémoire de littérature en anglais.

De retour en France, dispensé du service militaire, il fut nommé professeur à l’École normale d’instituteurs de Laval (Mayenne) en 1890 et obtint le certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais en juillet 1892. Le 24 octobre suivant, il se maria à Féru avec une jeune fille de cette ville, âgée de de 18 ans, Berthe Bezançon, orpheline et sans profession. Il enseigna ensuite à l’ENI de Caen (Calvados), où il créa et anima l’une des premières « universités internationales » d’été. Animateur local de la Ligue de l’Enseignement, féru de pédagogie, l’inspection avait remarqué son sens de l’initiative (quelquefois jugée un peu intempestive), ainsi que sa passion pour son métier, ce qui lui valut la distinction d’officier d’académie en 1901. En 1906, il fut sollicité pour assurer le remplacement du directeur de l’école primaire supérieure de Rambouillet (Seine-et-Oise, Yvelines), gravement malade. Ce dernier décéda quelques mois plus tard et Louis Bascan fut confirmé dans ses nouvelles fonctions au début de l’année 1907.

Il contribua par son dynamisme au développement d’une école qui vivotait depuis sa création en 1889. Il se dépensait pour faire connaître et défendre les atouts de « son » école. À la veille de la Première Guerre mondiale, il expliquait dans une conférence publique, comment le cinéma pourrait être utilisé dans les classes pour les leçons d’histoire naturelle et de géographie. Adepte de la pédagogie active, il incitait les enseignants à s’y convertir. L’enseignement ne visait pas seulement à transmettre des connaissances, mais devait contribuer à former le jugement et le sens critique. À son départ de l’EPS en juillet 1919, le nombre d’élèves avait été multiplié par trois, les formations s’étaient diversifiées et de nombreux élèves avaient intégré des écoles de techniciens supérieurs ou d’ingénieurs.

Louis Bascan n’en restait pas moins très impliqué dans la vie politique locale, sans pour autant exercer des mandats électifs. Dreyfusard de la première heure, il avait adhéré à la Ligue des droits de l’homme. En 1910, il devint président de l’Amicale des instituteurs de Seine-et-Oise, et se présenta en 1912, sans succès, aux élections au Conseil supérieur de l’Instruction publique. Ses engagements étaient enracinés dans son adhésion à la franc-maçonnerie. Il avait été initié en 1894 dans la loge « Étoile de l’Espérance » du Grand Orient de France de Beauvais, et avait reçu l’année suivante, les grades de compagnon et de maître. En mai 1907, à Versailles, il s’affilia à la loge des « Amis philanthropes et discrets réunis » qu’il ne devait plus quitter.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, il renoua avec l’enseignement comme professeur à l’école de la ville de Paris Jean-Baptiste-Say où il prit sa retraite en octobre 1927, avant de se retirer à Viroflay (Seine-et-Oise, Yvelines). Ses enfants furent pris en compte pour le calcul de sa pension de retraite.

Il poursuivit ses activités maçonniques, fonda et prit la direction locale des « Amitiés laïques » et devint délégué cantonal. Autant d’organisations où il pouvait partager ses idéaux républicains dans le but, comme il l’écrivait en 1937, « de sauver ce qu’il y a de meilleur en nous, en le rattachant à quelque chose d’éternel comme la liberté, la justice, la bonté, la fraternité humaine ». Et il se consacra à la rédaction de livres : une grammaire anglaise, des ouvrages de pédagogie et de philosophie, ainsi que deux romans autobiographiques : Louiset Vignol, enfant du peuple et Frères ennemis.

Le choix de la Résistance s’inscrivit dans la continuité de ses engagements. Il ne pouvait bien se sentir dans l’État français qui tournait le dos à ses convictions républicaines, d’autant que le régime de Vichy collaborait avec l’occupant nazi. Un de ses anciens élèves, le colonel Fosse, qui avait rejoint l’OCM, le contacta dès 1941. Sa maison de Viroflay devint bureau de renseignement, centre de diffusion de journaux et de tracts, de confection de faux papiers pour les réfractaires au STO. Il recueillait des renseignements pour Libé-Nord (groupe de Versailles) et Ceux de la Libération (groupe de Saint-Germain-en-Laye).

Le 27 juin 1944, à la suite d’une dénonciation, il fut arrêté à son domicile. Conduit à la prison Saint-Pierre de Versailles, il fut transféré à Fresnes puis déporté le 15 août, par le dernier convoi, à Buchenwald où, épuisé par la fatigue et la dysenterie, il mourut le 8 novembre 1944.

Louis Bascan fut homologué sous-lieutenant au titre du réseau CDLL (JO du 1er novembre 1947), reçut la médaille de la Résistance à titre posthume (JO du 27 décembre 1948) avec la citation suivante : « Agent de SR en territoire occupé par l’ennemi. Membre de Ceux de la Libération depuis 1941, affecté au service de renseignements. Arrêté en 1944, déporté en Allemagne, a payé de sa vie son dévouement à la cause de la libération nationale. »

Une rue de Viroflay porte son nom, ainsi que son ancienne EPS de Rambouillet, devenue collège en 1942 (JO du 2 juillet 1948). C’est seulement depuis le 18 novembre 2000, que le lycée qui succéda, porte officiellement son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15836, notice BASCAN Louis, Paul par Alain Dalançon, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 28 octobre 2022.

Par Alain Dalançon

Louis Bascan
Louis Bascan

ŒUVRE : Monologues normands, Champion, 1903. — Louiset Vignol, enfant du peuple, éditions de Paris, 1937. — Légendes de Normandie, réédition, EDR, Cressé, 2011.

SOURCES : Arch. Dép. Seine-et-Oise, série M, non cl. — Arch. Paris, état civil 1868. — Arch. Dép. Oise, registre matricule classe 1888 n° 160 ; recensements et état civil de Méru. — JO, lois et décrets, 29 juillet 1892, 31 août 1901, 22 mai 1912, 24 juin 1928, 22 août 1941, 1er novembre 1947, 2 juillet 1948, 27 décembre 1948. — Deuxième Livre d’Or de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, 1939-1945 publié par l’Association des anciens élèves (Alençon, 1953, préface de Maximilien Sorre, p. 235-240), communiqué par Christine de Buzon — Fabrice Bourrée, Louis Bascan in DVD-ROM, La Résistance en Île-de-France, AERI, 2004. — Biographie par Didier Fischer, Louis Bascan ou l’exigeante liberté (1868-1944), site du lycée Louis Bascan.

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