Par Francis Sartorius
Puget-Théniers (département des Alpes-Maritimes, France), 8 février 1805 − Paris, 1er janvier 1881. Révolutionnaire français ayant séjourné en Belgique où il fréquente les milieux rationalistes et internationalistes.
Ayant fait du secret en tout une règle de vie qui lui avait été dictée par les avatars de son itinéraire personnel, Auguste Blanqui rend la tâche particulièrement difficile aux historiens. Ses séjours en Belgique, les contacts qu’il y noue, l’influence qu’il veut y exercer sont, même encore actuellement, loin d’être parfaitement connus. On sait néanmoins un certain nombre de choses. Il passe quelques mois à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) fin 1859 - début 1860. Blanqui tente à cette époque de relancer le journal, Le bien-être social, publié dans la capitale belge et dirigé en sous-main par le docteur Louis Watteau qui deviendra, au fil des ans, un de ses plus ardents prosélytes. Ce séjour semi-clandestin de 1859-1860 passe, comme l’écrit plus tard l’historiographe de la proscription française sous le Second Empire, Saint-Ferréol, presque inaperçu.
Malgré son caractère fugace, ce séjour permet toutefois à Auguste Blanqui d’avoir des contacts avec des démocrates belges et français mais, surtout, de se faire une idée claire de la situation politique et sociale de la Belgique de l’époque. Tout cela nous est connu car évoqué plus tard dans la correspondance qu’il entretiendra avec son hôte devenu son ami, avant qu’une brouille n’intervienne, le docteur Watteau. Nous verrons, par exemple, à cette époque, en 1864, que Blanqui veut créer à distance un journal à Bruxelles ou tout au moins se servir du journal, L’Espiègle et de son rédacteur, Odilon Delimal, pour diffuser ses idées.
Un peu plus tard, fin août 1865, Auguste Blanqui s’évade de l’hôpital Necker à Paris et gagne Bruxelles où il est hébergé une nouvelle fois par le docteur Watteau. Entre 1865 et 1870, années qui précèdent la chute du Second Empire, il fait de longs séjours en Belgique, entrecoupés de voyages en Espagne chez son autre lieutenant, Lacambre, ou de manière clandestine à Paris, où il prépare une insurrection qui devrait mettre fin au régime de Napoléon III.
Quand Auguste Blanqui est à Bruxelles, son activité est incessante. En 1865, par exemple, une brochure du même Lacambre, Évasion des prisons des conseils de guerre. Épisode de juin 1848, est publié chez Verteneuil. Or, ce texte a été si profondément remanié par Blanqui que l’on peut considérer ce dernier comme en étant le principal auteur. En 1866, sous le pseudonyme de Suzamel, il publie dans Candide, petit journal édité à Paris par ses amis politiques, Foi et science ou la sainte mixture du R.P. Gratry, mais, très vite, le journal est suspendu et le pamphlet de Blanqui ne peut être publié en totalité. Il est alors repris la même année par La Tribune du peuple de Bruxelles et, un peu plus tard, dès que l’impression est terminée, diffusé sous forme de brochure imprimée par Désiré Brismée. Ces textes sont commentés dans la presse de gauche lors de leurs sorties à Bruxelles, ce qui donne aux activités de Blanqui un caractère public qu’elles n’ont pas précédemment.
Toujours à la fin du Second Empire, un jeune homme se fait connaître en prenant part de manière bruyante à la manifestation Baudin. Il s’agit d’Emmanuel Chauvière qui, à cette occasion, a ses premiers contacts avec les blanquistes et est gagné à leurs idées. Plus tard, autour de 1880 à Bruxelles, il aura une grande influence sur une partie non négligeable des ouvriers bruxellois et, ironie de l’histoire, les idées de Auguste Blanqui seront diffusées au moment où ce dernier sera sur le point de disparaître. Mais, à la fin des années 1860, le jeune révolutionnaire en qui Blanqui met le plus d’espoir est Gustave Tridon. Celui-ci est aussi très souvent en Belgique et sert de trait d’union entre Auguste Blanqui et la turbulente jeunesse universitaire qui, dégagée de la frayeur de ses pères vis-à-vis du régime de Napoléon III, tente de changer les choses en France et participe, en Belgique, aux congrès internationaux d’étudiants qui s’y tiennent. Blanqui est attentif à tout cela et s’intéresse en outre aux activités de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Par exemple, il assiste au Congrès de l’AIT de 1868 à Bruxelles.
Sans que l’on puisse affirmer que Auguste Blanqui ait fait de nombreux disciples en Belgique, on peut toutefois avancer raisonnablement que la personnalité de l’homme, auréolé d’un long martyrologe, impose le respect aux leaders du mouvement ouvrier et démocratique de l’époque. Outre César De Paepe* qui exprime publiquement son admiration pour Blanqui et sans vouloir dresser une liste complète de ses intimes et sympathisants en Belgique, on peut néanmoins citer : Désiré Brismée, Delesalle, Deleau, Vuilmet, Benoit, Van Goidtsenhoven, le photographe Delabarre, Mme Sebert, Van Bemmel, futur recteur de l’université de Bruxelles, Paul Janson, le peintre Wiertz et bien sûr, le docteur Louis Watteau.
À l’aube du XXe siècle, à Bruxelles, subsistent quelques petits groupes blanquistes, écume d’un grand mouvement qui a trouvé son apogée durant les années 1860 en captivant et en enthousiasmant la jeunesse universitaire qui y voyait un recours contre l’affairisme ambiant du régime de Napoléon III.
À consulter également : « Blanqui Auguste », notice remaniée et complétée par CORDILLOT M. et RISACHER J., dans Site Web : maitron.fr.
Par Francis Sartorius
SOURCES : DU COSTA Ch., Les blanquistes, Paris, 1912 − SARTORIUS F., « Les amis de Saint-Josse-ten-Noode. À propos de quelques relations qu’Auguste Blanqui entretint avec la Belgique durant les années 1850-1860 », Les Cahiers bruxellois, t. XXVII, (1985-1986) − DOMMANGET M., Blanqui et l’opposition révolutionnaire à la fin du Second Empire, Paris, 1960 − PAZ M., Lettres familières d’Auguste Blanqui et du docteur Louis Watteau, s.l., 1976 − BARTIER J., Odilon Delimal, un journaliste franc-tireur au temps de la Première Internationale, édité et présenté par F. Sartorius, Bruxelles, 1983.