PRÉAUX René, Auguste alias « Gaston »

Par Jean Quellien, Jean-Pierre Ravery

Né le 7 janvier 1905 à Saint-Dizier (Haute-Marne), fusillé le 14 août 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; garagiste ; résistant, membre des FTPF et du Front national.

René Préaux était garagiste à Lisieux (Calvados), à la tête de la "Station électro-mécanique". Résistant, il était membre du Front national, de même que deux de ses jeunes ouvriers, Henri Papin et Henri Rebut.
À la suite d’une tentative de sabotage manquée sur la voie de chemin de fer près de Lisieux, la police française parvint à identifier et à appréhender Henri Rebut, ce qui déclencha un vaste coup de filet contre le groupe FTPF du pays d’Auge.
René Préaux lui-même fut arrêté le 22 décembre 1942 à son domicile par la police française, route de Paris à Saint-Jacques-de-Lisieux. Remis aux Allemands, il fut incarcéré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) et traduit le 13 juillet 1943 devant la cour martiale du Gross Paris, en même temps qu’une vingtaine de ses camarades. Condamné à mort pour « actes de franc-tireuir », René Préaux a été fusillé au Mont-Valérien le 14 août 1943, comme treize autres d’entre eux.
D’abord inhumé anonymement au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine, il fut réinhumé dans le carré mixte tous conflits du cimetière communal de Lisieux, rang7, tombe 8. René Préaux fut homologué à titre posthume au grade d’adjudant-chef. La médaille de la Résistance lui fut attribuée en 1958.

Dernière lettre
Fresnes le 14 août 1943
 
Ma chère Yvonne, Mes pauvres Parents,
Cette fois c’est fini, nous ne nous verrons pas le crépuscule de cette triste journée. Je remercie M. Robaglia et Gaby ainsi que tous les amis qui ont pensé à moi.
Sachez que malgré le ferme espoir que j’ai eu jusqu’à hier soir, je ne faiblirai pas, au contraire, je veux mourir en Français. C’est à dire courageusement, sans haine et je souhaite à tous de faire de même.
Ma pauvre Yvonne, je te remercie pour tout le bonheur que tu m’as donné et je rends hommage à la vie agréable que j’ai eu avec toi, mille fois merci ; car tu as toujours été honnête et courageuse, ne change pas aujourd’hui, sois fière, car j’aurais tout donné à la France, sois calme et digne en face du malheur que nous n’avons pas mérité. Je te demanderais dans l’avenir de ne pas oublier nos Parents, remplace moi auprès d’eux, hélas, ils n’avaient que moi, surtout ne les laisse pas dans le besoin, ce sera ma dernière consolation . Mon pauvre Balligand et Coquillat et les amis, merci à tous. Embrasse bien ta mère pour moi qui a toujours été bonne pour moi.(Eroietis) Léon les enfants, la famille de Cherbourg etc... je ne voudrais oublier personne, à tous adieu.
Pour mes pauvres Parents, je suis peiné de leur faire involontairement beaucoup de mal, je n’ai pas voulu cela et je demande qu’une bonne amitié unisse nos deux familles dans le malheur, soyez bons les uns pour les autres, la vie est si courte, il faut profiter des bons moments. Yvonne a été gentille, notre bonheur a été trop beau pour être interrompu de la sorte. N’oubliez pas la famille de Saint-Dizier adieu à tous et je souhaite pour tous, une vie meilleure après cette terrible guerre qui aura frappé à tort et à travers, la haine et la lâcheté des uns et des autres ont donné de piteux résultats. Si notre sacrifice peut servir à quelque chose encore.
Nous venons d’assister à la messe, j’ai communié et je suis content, car hélas, les plus malheureux ne sont pas ceux qui partent, mais ceux qui restent, dites à M. le Curé de Saint-Dizier que je le remercie pour ces bonnes prières et que je suis parti en bon chrétien et en bon Français, je n’ai pas eu une seule larme si ce n’est l’autre jour avec toi et Papa. J’espère avoir le courage absolu de ne pas montrer cette marque de faiblesse.
Je veux être brave, soyez le aussi, je le souhaite ardemment. Adieu à la famille de Beson tante Pauline et Marthe. Je n’ai pas eu le temps de manger tout, aussi je donne le restant pour ceux qui attendent leur tour. J’ai mangé la bonne tarte de Gaby à l’instant, merci car elle était bien bonne, le (pa...ad) aussi. Allons nous avons bon mois à 4. Nous avons bien ri et j’avais (t..) après ce que m’avait dit M. Rogliola.
Ma chérie, je t’aimais avec ferveur, j’ai été trop heureux, encore une fois merci, car c’est avec toi que j’ai connu le bonheur, le vrai et c’est avec toute ma reconnaissance que je quitte cette vie. Je l’embrasse une dernière fois ardemment, adieu.
Mes chers Parents, merci à vous, vous n’(...) le meilleur de votre noce pour mon bonheur. Ma reconnaissance est absolue. Je vous embrasse bien fort tous les deux.
Je pense être à Sarcelles car je me doute que nous allons au Mont-Valérien.
René Préaux
Route de Paris
Saint-Jacques de Lisieux.
 
Yvonne ! J’embrasse bien ta mère.
Courage
Vive la France
 
Recopié et dactylographié par la famille, sur un papier à en-tête : Station électro-mécanique. R. Préaux, spécialiste électricien. Saint-Jacques-de-Lisieux. Route de Paris.
Le document a été plié en quatre et la lecture est difficile sur les pliures.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158417, notice PRÉAUX René, Auguste alias « Gaston » par Jean Quellien, Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 23 avril 2014, dernière modification le 24 avril 2022.

Par Jean Quellien, Jean-Pierre Ravery

Copie de la première page de la dernière lettre.

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – J. Quellien (sous la dir.), Livre mémorial des victimes du nazisme dans le Calvados, op. cit.. — Dernière lettre communiquée par Jean-Pierre Ravery, 2021. — Recherches iconographiques et recherche de la dernière lettre par Jean-Pierre Ravery.

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