MAHIEUX Christian [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 5 décembre 1957 à Clichy (Seine-et-Oise) ; cheminot ; antimilitariste, syndicaliste et communiste libertaire.

Christian Mahieux (1976)
Christian Mahieux (1976)
Coll. Christian Mahieux/Archives d’AL/FACL

Fils de Louis Mahieux (né en 1926), agent de la RATP et de Jeanine Mahieux, née Bougarel, (1929-2010) qui était employée de banque. Sa famille n’était pas militante. Christian Mahieux a été élevé surtout par ses grands-parents maternels, qui habitaient Maisons-Alfort (94), jusqu’à l’âge de 9 ans ; ses parents le prenaient les week-ends. Revenu chez eux, il vécu à Fontenay-sous-Bois (94), puis à partir de 1967 à Bonneuil-sur-Marne (94). Il était alors scolarisé à Créteil (collège Laplace puis lycée Saint-Exupéry). Ayant loupé son Bac (B : sciences économiques et sociales) à l’été 1976, il arrêta là ses études.

Christian Mahieux fit ses premiers pas en politique pendant le mouvement lycéen du printemps 1973 contre les lois Debré.

C’est dans la lutte antimilitariste qu’il s’engagea en premier lieu. Adhérent à l’Union pacifiste (UP), il milita bientôt dans le cadre des comités de lutte des objecteurs (CLO).

Il participa à la campagne Opération 20 (OP20) qui consistait à réhabiliter l’objection de conscience en lui donnant une dimension collective et politique, et non plus seulement personnelle, motivée par des raisons philosophiques et religieuses. Comme plusieurs dizaines de participants, Christian Mahieux envoya à la commission juridictionnelle (CJ), qui examinait les demandes d’objection, une lettre stéréotypée invoquant textuellement les modalités d’accès au statut d’objecteur, définies par l’article L41 de la loi de 1963. La demande fut déposée le 6 janvier 1980. S’en suivirent des périodes d’illégalité et d’insoumission, passibles de 2 années de prison. Le mouvement OP20 finit par obtenir satisfaction avec la modification du statut d’objecteur en 1981, puis une forme d’amnistie des participants à OP20, classant chacun d’eux « réputé avoir rempli ses obligations militaires » (décision du 6 février 1984 dans le cas de Christian Mahieux).

Parallèlement, il participa aux mobilisations antimilitaristes et antinucléaires (Larzac, Plogoff, etc.). Entre 1977 et 1980 il participa à plusieurs actions internationales antimilitaristes dont une sur la frontière franco-espagnole, une en Allemagne avec intrusion à Berlin-Est et à Varsovie où, avec onze autres militantes et militants, il s’enchaîna pour protester contre la politique belliciste des deux blocs.

Entre-temps, le 29 novembre 1976, il était entré à la SNCF comme guichetier à Maisons-Alfort. Il fut muté en novembre 1978 à la gare de Lyon où devait se baser par la suite l’essentiel de son activité militante. En 1977 il adhéra à la CFDT et, de 1978 à 1980, participa à Voie libre, « organe de liaison des cheminots de la FA ». Il adhéra néanmoins à l’Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL, voir Thierry Renard, Patrice Spadoni) ; il habitait alors en communauté à Villeneuve-Saint-Georges avec, notamment, Henri Célié. Avec ce dernier et Michel Desmars, il allait participer à la publication de Cheminot en lutte, puis Lutter ! Transports, bulletins des cheminots de l’UTCL.

Il devint secrétaire du syndicat CFDT de la gare de Lyon en 1980. Puis, toujours guichetier, il assura jusqu’en décembre 1995 divers mandats de représentant du personnel (DP, CE, CHSCT) et au sein de la fédération CFDT. Il participait aussi aux activités de l’union départementale CFDT du Val-de-Marne (voir Jacques Blaize).

À cette époque, avec sa compagne, Catherine Mombrial, cheminote et militante syndicale, il eut deux enfants nés en 1984 et en 1988.

Christian Mahieux fut en décembre 1986 un des initiateurs de la grève nationale des guichetiers qui préluda la célèbre grève générale des cheminots marquée par la pratique des assemblées générales et l’apparition des coordinations de grévistes. La fédération CFDT-cheminots, animée notamment par des militantes et militants révolutionnaires (syndicalistes révolutionnaires, UTCL, LCR), fut en phase avec cette façon de conduire la lutte.

En avril-mai 1987, Christian fit, avec un gréviste CFDT révoqué, Jean-Luc Costedoat, douze jours de grève de la faim pour sa réintégration. D’abord installé dans la gare de Lyon, les deux militants et leurs soutiens furent ensuite évacués et achevèrent leur action dans les locaux de la CFDT. Le 1er mai, ils reçurent le soutien de plusieurs délégations, dont les Russes Feinberg et Borissov, responsables du syndicat libre SMOT, avec lequel l’UTCL entretenait des relations.

La section CFDT de gare de Lyon devint majoritaire en 1989 et devait le rester jusqu’en 1996. Devenue SUD-Rail en 1996, elle devait rester majoritaire jusqu’en 2013. Christian Mahieux y prit en charge durant une trentaine d’années le journal mensuel du syndicat, Le Fer peinard, et le bulletin mensuel de la section syndicale, L’Insurgé.

En 1990, Christian Mahieux fut un des signataires de l’Appel pour une alternative libertaire, qui devait conduire à la création d’Alternative libertaire en 1991.

En décembre 1995, il fut parmi les animateurs de la grève des cheminots et, en janvier 1996, un des fondateurs et cosecrétaire du premier syndicat SUD dans le secteur ferroviaire : SUD Cheminots Paris Sud Est – qui devint rapidement SUD-Rail Paris-Sud-Est. Membre du bureau provisoire de la nouvelle structure syndicale, il coorganisa son Ier congrès, tenu en avril 1996. Tandis qu’Henri Célié était élu au bureau fédéral, Christian Mahieux renonça à y siéger, notamment pour ne pas prêter le flanc aux rumeurs d’instrumentalisation de la nouvelle structure par les communistes libertaires.

Il entra finalement au bureau fédéral en 1999 et y accomplit ensuite 3 mandats jusqu’en octobre 2009. À ce titre, il fut de ceux et celles qui gérèrent l’arrivée de nombreuses équipes CFDT en 2003, suite au nouveau soutien de la confédération CFDT à une contre-réforme des retraites. Durant ces années, Christian Mahieux fut un des coordinateurs du bureau fédéral SUD-Rail, et il suivait particulièrement les relations interfédérales, l’interprofessionnel, l’international, l’information, l’action revendicative et le droit statutaire et conventionnel.

En 2000, après des années d’empêchement par la direction, il put passer la seconde partie d’un examen donnant accès aux grades de maîtrise SNCF dont il avait la première partie depuis 1986. Reçu, il passa au secteur administratif de la gare de Lyon en 2000, où il fut cosecrétaire du syndicat régional jusqu’en 2011 et, selon les années, titulaire de mandats DP, CE et CHSCT. Toujours militant d’Alternative libertaire, il écrivait régulièrement dans le mensuel de cette organisation (articles souvent signés Mouldi C.), notamment des articles sur le syndicalisme en général et dans les chemins de fer en particulier.

Christian Mahieux fut assez fortement médiatisé à l’occasion de la grève pour la défense du régime spécial de retraite des cheminots en octobre 2007, marquée par le lâchage de la CGT et la percée de SUD-Rail, puis de nouveau en janvier 2009 à l’occasion d’une grève à Saint-Lazare au cours de laquelle le président de la République mit directement en cause SUD-Rail.

Au fil de sa carrière professionnelle et de ses engagements syndicaux, il siégea dans de nombreuses instances nationales : commission professionnelle centrale transport-commercial (CPC-TC), commission mixte du statut (CMS), comité central d’entreprise (CCE), commission nationale mixte (CNM), commission paritaire du secteur ferroviaire.

En 2008, Christian Mahieux devint membre du secrétariat national de l’Union syndicale Solidaires. Il prit en charge notamment l’information aux équipes militantes, la syndicalisation et l’international, dans la suite de ses activités sur ces questions au sein de SUD-Rail. À compter de 2010, il siégea au conseil d’administration de la SNCF pour la fédération SUD-Rail.

Il prit sa retraite le jour de la fin de son mandat au conseil d’administration, le 1er mars 2013.

Retraité, il poursuivit ses activités syndicales. Toujours actif au sein de la commission internationale de l’Union syndicale Solidaires, il participa à la création, puis coanima le Réseau syndical international de solidarité et de luttes (RSISL). Il représenta Solidaires dans divers collectifs unitaires nationaux : Solidarité Kanaky, Semaine anticoloniale et antiraciste, Soutien aux prisonniers politiques de Catalogne, Solidarité avec les prisonniers politiques en Russie, Non au Service national universel, 150 ans de la Commune de Paris, etc. Il était alors membre du bureau de l’Union départementale Solidaires Val-de-Marne.

En 2015, il fut à l’origine des Cahiers Les Utopiques, revue publiée par l’Union syndicale Solidaires dont il assura la coordination et dans laquelle il publiait des articles quasiment à chaque numéro.

Christian Mahieux était également membre du bureau du Dictionnaire Maitron (2021), du comité de rédaction de Cerises, la coopérative, de celui de La Révolution prolétarienne, président de l’association Éditions Syllepse, membre des Ami∙es de la Commune de Paris (1871), de la Libre Pensée, de l’Association pour l’autogestion, du Cedetim, Citoyen du monde. Il était aussi coopérateur du local Émancipation, impasse Crozatier à Paris, membre des Amis des Éditions Spartacus et des Ami∙es des Éditions Noir et Rouge. Il était également sociétaire de Rails et histoire ainsi que de Ferinter.

Il participa au congrès de fondation de l’Union communiste libertaire (UCL) en juin 2019 et écrivait toujours dans le mensuel Alternative libertaire. En 2021 il était toujours syndiqué à SUD-Rail et adhérent de l’Union communiste libertaire.

Christian Mahieux habitait depuis 1981 à Villeneuve-Saint-Georges. Sur le plan personnel, il vécut jusqu’en 2014 avec Catherine Mombrial, cheminote et militante syndicale, avec qui avait eu deux enfants en 1984 (Didier) et en 1988 (Frédéric). Il vécut ensuite à Villeneuve-Saint-Georges (94) et à Aspet (31) avec Nara Cladera, professeure des écoles et syndicaliste Sud-Éducation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158425, notice MAHIEUX Christian [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 23 avril 2014, dernière modification le 27 mai 2021.

Par Guillaume Davranche

Christian Mahieux (1976)
Christian Mahieux (1976)
Coll. Christian Mahieux/Archives d’AL/FACL

SOURCES : témoignage de Christian Mahieux ― notes de Robert Kosmann ― René Bianco, Cent ans de presse... ― Jean-Michel Dauvel, « Décembre 1986, les coordinations de grévistes ouvrent une ère nouvelle », Alternative libertaire, décembre 2006 ― Régis Forgeot, L’Objection de conscience et le service civil des objecteurs à travers le service civil international et le comité de coordination pour le service civil (1963-1976), mémoire de maîtrise de juin 2004, université Paris-VIII ― Théo Rival, Syndicalistes et libertaires. Une histoire de l’UTCL (1974-1991), Alternative libertaire, 2013.

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