FAYET Pierre [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 12 février 1887 à Beaucaire (Gard, France), mort le 31 octobre 1977 au Kremlin-Bicêtre au sud de Paris ; ouvrier ébéniste, en 1922 secrétaire de la Fédération CGTU du bois, membre de la commission exécutive de la CGTU (1923-1935), membre depuis 1925 du comité central et en 1933 de la section syndicale centrale du PC en France ; chargé à la commission coloniale de la CGTU de la propagande dans les colonies en liaison avec André Ferrat* à la section coloniale du parti en 1934, envoyé en Algérie ; secrétaire de l’UD-CGT réunifiée d’Alger conduisant les grèves de 1936 dans le département d’Alger ; membre du Comité central du PCA (1936-1939) ; interné en Algérie de 1940 à 1943 ; député communiste d’Alger aux assemblées constituantes en 1946 et à l’Assemblée législative à Paris jusqu’en 1955.

Très jeune, ouvrier ébéniste, Pierre Fayet est monté travailler à Paris ; il loge chez sa mère dans le XIIIe arrondissement ; il aurait adhéré aux Jeunesses socialistes dès 1906 passant ensuite à la SFIO et militant à la CGT à partir de 1907. Mobilisé en 1914, il est blessé à la guerre et fait prisonnier. En 1920 il rallie le communisme et en 1921 lors de la scission de la CGT, entraîne à la CGTU, le syndicat des ébénistes de la Seine dont il est secrétaire. En février 1922, il est le fondateur et le gérant du journal L’Ouvrier en meubles, qui devient ensuite L’Ouvrier du bois, pour être l’organe de la Fédération CGTU du bois et dont il est gérant à partir de 1924. Depuis novembre 1923, il est membre de la CE de la CGTU et le demeure jusqu’à la réunification dans la CGT en 1935. En 1928, il devient aussi administrateur pour la CGTU de la Caisse syndicale de solidarité ouvrière.

Si les responsabilités sont syndicales, son engagement est politique en ces temps où le communisme ouvrier est encore marqué par le syndicalisme révolutionnaire. Pierre Fayet a participé activement à la campagne communiste contre l’occupation française de la Ruhr qui manifeste un activisme antimilitariste et anticolonialiste en s’adressant aux troupes coloniales. Il entre comme suppléant en 1925 et titulaire en 1926 au Comité central du parti communiste.

Après la crise du groupe des jeunesses, il est membre de la section syndicale centrale du parti en 1933 ; il est en relation avec André Ferrat* qui est à la tête de la section coloniale ; tous deux travaillent de concert car la commission coloniale de la CGTU charge Pierre Fayet de la propagande auprès des travailleurs d’Outre-mer. Aussi quand André Ferrat part en Algérie pour réorganiser la Région communiste au printemps 1934, parallèlement Pierre Fayet reçoit une mission semblable pour la CGTU. Après son mariage (ci-dessous Sophie Fayet), il reste à Alger alors que A. Ferrat, de retour à Paris va connaître l’exclusion du PC.

Avec la montée de l’unité d’action entre le PCF et la SFIO puis la marche au Front populaire, Pierre Fayet conduit la réunification de la CGTU et de la CGT dans l’UD CGT d’Alger dont il va devenir le secrétaire. Au début de 1936 quand l’agitation grandit sur les fermes coloniales de la Mitidja, il crée des syndicats d’ouvriers agricoles mais peine à les faire admettre à la CGT car les anciens cégétistes socialistes français sont encore très présents sinon majoritaires ; finalement il invente la formule des « groupes paysans » liés à la CGT sans y appartenir directement ; cette pratique sera poursuivie par le syndicalisme communiste et reconduite après 1945.

Surtout Pierre Fayet est l’orateur et le répondant de la CGT lors des grèves dites de Front populaire de juin et juillet 1936. Le phénomène de masse rend la Bourse du travail (Foyer civique, aujourd’hui Maison du Peuple) insuffisante pour les assemblées qui vont se tenir au stade municipal en une sorte d’assemblée générale permanente à laquelle Pierre Fayet vient rendre compte presque chaque jour ; il est, dans tous les sens du mot, un orateur populaire. Ces assemblées sont entrecoupées par les rassemblements de Front populaire, ainsi celui du 2 août 1936 où paraît Messali*.

En octobre 1936, sous la houlette d’un autre syndicaliste de combat, et qui est l’instructeur communiste Jean Chaintron dit Barthel*, se tient le congrès constitutif du PCA. Pierre Fayet entre au comité central du PCA ; mais comme il est le dirigeant syndical, un peu comme Benoît Frachon en France communiste à la CGT, Pierre Fayet suit l’action syndicale sans avoir à entrer dans les méandres ou ambiguïtés du parti et peut se dispenser du discours d’Union avec le Peuple de France. Vétéran du syndicalisme, il s’emploie à l’algérianisation de la CGT ; il conservera cette place ou cette image en 1945 et après, comme son homologue à l’UD-CGT d’Oran, Élie Angonin*.
Avec sa femme suspecte comme juive polonaise dite étrangère, Pierre Fayet revient à Paris après la déclaration de guerre et l’interdiction des PC, PCA et PCF (et du PPA). Il est arrêté le 5 mars 1940, interné en France puis transféré en Algérie aux camps de Bossuet puis de Djelfa. Libéré le 30 mai 1943 soit sept mois après le débarquement allié en Algérie, il reprend sa place à la direction de l’UD CGT ; il est alors le délégué de la CGT à l’Assemblée consultative qui entoure le gouvernement provisoire du général De Gaulle.
Porté par ce mouvement de retour de la République française, il est élu député à l’Assemblée constituante en 1946. En faisant revenir à Alger pour la campagne électorale, la grande figure de la Résistance conjointement communiste et gaulliste qu’est le docteur José Aboulker*, le parti communiste sauve dans le département d’Alger un siège de député pour Pierre Fayet qui achève son mandat en décembre 1955. À l’Assemblée, il s’est battu notamment pour une application élargie en Algérie de la Sécurité sociale.
En 1957 son dernier acte politique notoire sera de signer à l’adresse du gouvernement français avec sa camarade Alice Sportisse*, qui avait été aussi député communiste d’Algérie, un télégramme affirmant que « seule la négociation pourra mettre fin à l’effusion de sang ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158442, notice FAYET Pierre [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 5 mai 2014, dernière modification le 24 avril 2014.

Par René Gallissot

SOURCES : Arch. citées dans les notices Pierre et Sophie Fayet dans Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, op. cit. t. 27. — La Lutte Sociale, 1936. — A. Taleb-Bendiab, Chronologie des faits et mouvements sociaux en Algérie, op. cit., et notes d’entretiens avec P. Fayet. — N. Benallègue-Chaouia, Algérie. Mouvement ouvrier et question nationale. 1919-1954. OPU, Alger 2004.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable