GROCHOCKI Zygmut ou Siegmond

Par Annie Pennetier

Né le 9 novembre 1922 à Barlozno (Pologne), fusillé après condamnation le 20 mars 1943 au camp du Bête à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; jeune Polonais recruté de force dans la Wehrmacht ; résistant au sein du 108e régiment de grenadiers basé à La Baule.

Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes
Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes

Son père Bernard Grochocki était instituteur et directeur d’école à Barlozno, village à 90 kilomètres au sud de Gdansk, depuis 1922, année de la naissance de son deuxième enfant Zygmunt. Sa mère Agnieszka était connue dans la région la Kociewie ; le couple eut six enfants.La famille était très catholique, Zygmut devint enfant de choeur à neuf ans. En 1936, reçu à l’examen d’entrée, il intégra le lycée public de Starograd dans lequel il était un membre actif de Sodalicja Marianska, association dont le but était de former des gens courageux inspiré par l’esprit du Christ. Il participait activement aux activités de scoutisme, et lors du feu de la Saint-Jean en juin 1939, il prononça un discours enthousiaste qui disait : « Nous ne nous laisserons pas repousser jusqu’aux bords de la Baltique ». Le maire intervint pour qu’il n’ait pas d’ennuis de la part de la jeunesse allemande. Le 1er septembre, la guerre commençait, les soldats allemands détruisirent dans son village toutes les croix au bord des routes, Zygmunt fut mobilisé pour évacuer les vestiges. Les écoles, les lycées polonais fermaient, et en mars 1940 son père perdit son appartement de fonction. Zygmunt dut travailler dans une exploitation agricole, puis comme ouvrier à Peplin dans une sucrerie et ensuite, grâce à sa connaissance de l’allemand, dans une entreprise de construction de ponts à Starogard en tant que garçon de bureau. En juillet 1941, il adhéra à une organisation clandestine de la jeunesse de Kociew du nom de « Jaszczurka » (les Lézards) qui se référait à la tradition de lutte contre les Chevaliers teutoniques, datant de 1397. Elle avait noué des contacts avec l’armée de l’intérieure, organisation de résistance. Zygmunt Grochocki accepta son inscription sur la liste d’appartenance à la nationalité allemande du IIIe groupe sous la pression de son entreprise et de Jaszczurka. La conséquence fut son enrôlement dans l’armée allemande le 21 mai 1942, puis sa préparation militaire à Malbork (Marienbourg) qui se poursuivit après son départ le 8 septembre 1942, sur le front ouest en Hollande. Il était entré dans la résistance au sein de sa garnison dans le but de préparer des actions subversives et des sabotages mais, après Noël 1942, les Allemands supprimèrent l’unité, des travaux clandestins ayant certainement été découverts. Une partie des soldats furent envoyés sur le front de l’Est, et l’autre partie avec Zygmut Grochocki en France, à La Baule au sein du 108e régiment de grenadiers, composé pour l’essentiel, semble-t-il, de Polonais. Il retrouva son camarade de lycée Jozef Grzędzicki, de Chmielno. Dans ce régiment, une trentaine de résistants polonais, commandé par le caporal Franciszek Meyer (alias Zielinski) avaient des contacts avec des résistants nantais du groupe Cher-Est. Ils fournissaient des informations sur le mouvement des troupes allemandes ainsi que des armes et des munitions .Ils prévoyaient également une évasion en Angleterre avec l’aide de sous-marins britanniques. Au moment où le régiment se préparait à partir sur le front de l’Est, un « traître » le polonais Rawski de Lodz (germanisé en Rauch) fut infiltré dans leur groupe. Une enquête ouverte fin janvier 1943 provoqua des arrestations autour du 12 février 1943, période d’exécutions des condamnés à mort du "procès des 42" à Nantes. Les autorités allemandes découvrirent dans les affaires de Zygmut Grochocki des lettres, des photos et documents attestant de son action clandestine.
Vingt-sept soldats polonais internés à la prison Lafayette de Nantes, passèrent en procès devant le tribunal militaire allemand FK 518 pendant sept jours, dans la première moitié de mars. Grochocki prit toute la faute sur lui et fit une dernière intervention en accusant les Allemands d’avoir fait du tort aux Polonais, d’avoir organisé l’enrôlement illégal dans le Wehrmacht et de se comporter avec brutalité dans les pays occupés. Cinq Polonais furent condamnés à mort (Zygmut Grochocki, Jozef Grzędzicki, Alexander Majewski, Franciszek Meyer et Alojzy Schützmann) et les autres à quinze ans de prison.Les résistants réussirent à faire évader Meyer et Schützmann s’enfuit.
Zygmunt Grococki sollicita le droit de grâce deux ou trois jours après le verdict, apparemment à la demande du défenseur ou de l’aumônier militaire, mais Hitler refusa.
Grochocki et Grzędzicki ont été fusillés le 20 mars 1943 au camp de tir de Saint-Joseph à Nantes, le terrain du Bêle. Ils tombèrent en criant « Vive la Pologne ». Leurs corps furent enterrés le 22 mars 1943 au cimetière du Pont-du-Cens, dans la partie réservée par les Allemands pour les « criminels ». Le 29 avril 1947, à la demande du Ministre des Anciens combattants les corps furent exhumés, débarrassés de leurs uniformes allemands et inhumés dans la section alliée du dit-cimetière.
Depuis 1948, ils reposent dans le cimetière de la Chauvinière où la famille de Zygmunt le visita en 1992 et l’année suivante apporta des plaques commémoratives pour les deux compagnons, bénites dans l’église de Starogard-Gdanski. On peut y lire l’inscription en français gravée sur le côté droit : « A donné sa vie pour la Pologne et la liberté des peuples. Avec lui à jamais. Ses soeurs, son frère, ses parents, ses amis. Les Lézards de la Résistance ».Sous le texte se trouvent l’emblème de l’Aigle blanc, la fleur de lys et la lettre "J" symbole des Lézards (Jaszczurki).

Les trois sœurs de Zygmunt avaient été déportés en mai-juin 1943.
En 1947, dans son village de Barlozno, en face de l’école, à l’initiative entre autres de son frère Bernard Grochocki, a été érigé un monument à la mémoire des victimes de la guerre 1939-1945 sur lequel parmi les 22 noms figure Zygmunt Grochocki.Après une période d’oubli, c’est en 1956 que la presse raviva leur souvenir, et un monument fut érigé en mémoire des scouts de Starogard, et en 1970 une patrouille scoute polonaise prit son nom.

Dernière lettre
 
0M 20 mars 1943
Mes Chers parents et frères et sœurs !
J’ai 2 heures avant l’exécution. Dans deux heures, je ne vais plus vivre. Dommage, la vie était belle. Pour moi sonne la dernière heure. Depuis ici, je vous dis merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. Mes aimés ! Le Seigneur Dieu vous récompensera pour cela. Qu’il vous garde toujours sous sa protection et vous soutienne de sa grâce. Il est difficile pour un jeune de 20 ans de souffrir un tel châtiment. Que Dieu in ’aide, à mourir en fidèle adepte de la foi catholique. Je meurs pour les autres. Que les jeunes continuent à vivre. Je vis mes 2 dernières heures. Mes aimés, je vous donne l’ordre suivant : Semez l’amour parmi les hommes, tout ira bien avec l’aide de Dieu et l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie.
Père, Mère, Jadwiga, Anna, Zofla, Urszula, Augustsn, je suis content de mourir parce que je sais que ce sera mieux dans le ciel que sur la terre. Ne pleurez pas, dans 2 heures je meurs innocent et je vais à Dieu. Je vous salue tous. Nous nous reverrons tous dans le ciel. Au revoir. Votre fils et frère pécheur Zygmunt.
« Nos cum parole Pia benedicat Virgo Maria », Zygmuni. Je me suis confessé et j’ai reçu la Sainte Communion,
Votre Zygmunt ».
 
La lettre de Zygmunt a été rédigée à l’encre. Sur le papier, il y a deux taches d’eau. Peut-être ses propres larmes.
 
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Jozef Bakowski, un ami de Zygmunt, a aussi reçu une lettre d’adieu en allemand,
 
« Le 20 mars 1943
Mon cher ami !
Hier, j’ai fêté ton prénom (St Joseph), ici sur terre. Demain, peut-être même dans une heure, je dirai adieu à la terre. Jozef ! Je suis heureux de pouvoir mourir, parce que Marie, ma reine, est avec moi jusqu’à la mort. Mais mes parents et mes frères et soeurs auront à souffrir à cause de moi. Jozef ! Merci pour tout ce que tu m’as donné. Le Seigneur Dieu te donnera la force dont tu as besoin dans la vie pour persévérer jusqu ’à la fin. Mon ami ! Je vois encore ce monde ; demain, je serai près de Dieu.
Je te salue une dernière fois.
Ton ami Zygmunt ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158519, notice GROCHOCKI Zygmut ou Siegmond par Annie Pennetier, version mise en ligne le 28 avril 2014, dernière modification le 2 décembre 2019.

Par Annie Pennetier

Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes
Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes

SOURCES : Jean Chauvin, « Des Malgré-nous polonais dans la Résistance », L’Oribus 90, 2014. – Publication en polonais du Prof. Kazimierz Makosa, camarade de lycée de Zygmut Grochocki, 2003.

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