PUJOL Joseph, Louis, Daniel

Par André Balent

Né à Torroella de Montgrí le 21 mars 1908 (province de Gérone, Espagne), mort le 1er mai 1992 à Thuir (Pyrénées-Orientales) ; chauffeur de poids lourds puis garagiste à Thuir (Pyrénées-Orientales) ; militant communiste ; résistant.

Joseph Pujol était le fils de François Pujol et d’Adèle Sala (prénoms selon les registres de l’état civil de Thuir). C’était le quatrième d’une fratrie de cinq : trois autres frères (Jean — son frère aîné, qui fut volontaire en Espagne républicaine —, Denis — wattman en 1930, sans doute aux Tramways électriques de Perpignan, il fut son témoin de mariage —, Marie, et Casimir, son cadet qui adhéra aussi au PCF). Son père, boucher à Torroella de Montgrí, grosse bourgade de l’Ampourdan, était issu d’une famille aisée. Il possédait une grande boucherie et un élevage de porcs et de bovins. Aîné, il avait, d’après le droit civil catalan (en vigueur seulement en Catalogne), le statut d’héritier. Mais d’après son fils, il n’était « pas sérieux » et menait la « grande vie » à Barcelone. Ses parents le déshéritèrent donc au profit de son cadet et il franchit la frontière vers 1915 pour s’installer avec sa femme et ses cinq enfants en Roussillon, à moins de 100 km de son lieu de naissance. À Thuir, il loua d’abord la charcuterie Argence, puis, après de mauvaises affaires, il fonda dans cette ville une épicerie pour laquelle il faisait importer par des contrebandiers des produits espagnols. Plus tard, il se consacra à l’abattage d’arbres le long des routes. Il mourut à l’âge de quarante-neuf ans.

Joseph Pujol se maria le 29 août avec Sarah Muñoz née à Chiva (ou Xiva, province de Valence, Espagne) le 19 janvier 1910, fille d’un journalier de Thuir, Lino Muñoz. Le couple eut quatre enfants, un garçon et trois filles. L’aîné, Yvan, reprit le garage de son père. Il résidait dans la même maison que ses parents.

Joseph Pujol fut baptisé et fit la communion. Il fut un bon élève de l’école primaire de Thuir qu’il fréquenta de sept à quatorze ans. Il n’a pas voulu poursuivre ses études au delà du certificat d’études en dépit de l’insistance du directeur de l’école. Il effectua donc un apprentissage de mécanique automobile chez Serrano à Thuir. À dix-huit ans, il fut embauché à Thuir comme mécanicien chez Parès, puis fut employé successivement chez David, puis, à nouveau chez Serrano.

Pujol fit le service militaire en 1928-1929 à Castres (Tarn) au 363e régiment d’artillerie lourde. Antimilitariste, il refusa de manier des armes et « faire le peloton » pour devenir sous-officier. Un capitaine compréhensif l’affecta au garage du régiment.

De retour à Thuir, il occupa emplois de chauffeurs de poids lourds — à l’entreprise de maçonnerie de Jean Coyo, à la distillerie, chez Badrignans, puis Roque — , où plus tard comme mécanicien et chauffeur d’autobus chez Casadessus. Il fut licencié de chez Coyo pour grève.

Pujol avait adhéré au Parti communiste à l’âge de dix-huit ans, en 1926 avant son départ pur le service militaire. Le PC thuirinois groupait alors des militants parmi lesquels Émile Lassalle*, Sauveur Quintane*, Michel Léal*, Georges Parent, Albert Mestres (père de Gilbert Mestres*), Étienne Roig, Sylvestre Doutres, Auguste Mariano, Jacques Xatard*. Il fut un moment secrétaire de cellule, vers 1928-1930, poste où il remplaça Sauveur Quintane.

Il milita aussi au Secours rouge international dont il fut le secrétaire local et, surtout, dans le mouvement syndical. Adhérent du syndicat des ouvriers agricoles de la CGTU, puis CGT (qu’il fallait « renforcer » car, expliquait-il en 1985, ses militants « vieillissaient » et dont il devint l’un des piliers), il fut, vers 1928-1930 membre du bureau d’abord trésorier puis secrétaire. Parmi les principaux adhérents du syndicat : Pierre Pal*, Jacques Xatard*, Bonaventure Ausseil*, Jacques Llobères*. Il fut aussi secrétaire de l’UL des syndicats de Thuir.

Il eut l’occasion, aussi, d’animer, en 1938, la grève des employés de la Société des industries électriques Écoiffier (SIEE). Les principaux syndiqués grévistes de la SIIE (Marceau Vidal* secrétaire du syndicat de l’entreprise, Georges Parent, Germain Duran et Paul Ribes) furent licenciés. Joseph Pujol et Marceau Vidal, défendus par Léon-Jean Grégory*, de Thuir, furent tous deux condamnés à 15 jours de travail et 50 Fr. d’amende par le tribunal correctionnel de Perpignan pour entrave à la liberté du travail et coups et blessures. Ayant fait appel et défendus à Montpellier (Hérault) par Louis Noguères* député maire de Thuir, ils furent acquittés.

Au début de la guerre civile d’Espagne, Joseph Pujol se porta volontaire afin de combattre dans les Brigades internationales. L’engagement lui fut refusé car il était père de trois enfants. Il devint donc un militant actif du comité d’entraide franco-espagnol des Pyrénées-Orientales. Recruté par Joseph Baurès*, il travailla pour cette organisation comme chauffeur routier pour ce comité. De la fin de 1936 au début de 1939, il effectua jusqu’à deux allers et retours entre Béziers et Barcelone, acheminant des vivres, des produits divers (optique) et, camouflés des volontaires pour les Brigades internationales. Cette action, conçue depuis Béziers, n’interférait pas avec celles qui s’effectuaient depuis les Pyrénées-Orientales comme celle dirigée par André Gendre* depuis Millas. Joseph Pujol bénéficia de la complicité des douaniers en poste au Perthus.

Avant 1939, Pujol était parfaitement inséré dans la vie thuirinoise, participant à de nombreuses activités qui entretenaient la sociabilité. Sportif, amateur de rugby à XV, il joua à l’Union sportive thuirinoise dont il devint un des dirigeants. Il pratiqua aussi la boxe et présida le club local d’athlétisme.

Lors qu’éclata la Seconde Guerre mondiale, Pujol fut d’abord mobilisé à Perpignan et affecté dans la 3e réserve du fait de sa qualité de père de trois enfants. Affecté à Castres (Tarn), puis à Mont-Louis (Pyrénées-Orientales) où il était chauffeur d’un lieutenant, il revint à Castres avant d’être muté au camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) grâce à la complaisance du même officier qui l’avait déjà protégé pendant le service militaire. Il fut démobilisé à Rivesaltes.

En 1939, selon son témoignage, il n’avait pas compris le pacte germano-soviétique. Finalement, il s’en « accommoda » notamment, après des discussions et en en faisant un effort d’analyse.

Professionnellement, il s’était installé à son compte comme mécanicien de cycles dès la fin de la guerre d’Espagne en février 1939. Il reprit son atelier pendant l’été 1939 et l’agrandit, en pratiquant également la mécanique auto. Il agrandit encore les installations de son entreprise en 1955.

Dès l’été 1940, avec Lassalle, Llobères et Quintane il reprit contact avec le PC clandestin. Lorsque l’organisation clandestine thuirinoise prit de l’ampleur, Pujol, d’après son témoignage (1985) ne comprenait pas toujours la différence entre le PC et le Front national que ses camarades s’efforçaient aussi de construire. Il distribua des tracts et de la récupération d’armes (dès 1942). En contact avec des républicains espagnols qui avaient caché des armes après la Retirada dans les montagnes des Aspres, proches de Thuir. Il les portait à son atelier et chez Gilbert Ausseil, boucher, qui les entreposait aussi dans on grenier. Là, tous deux les réparaient. La confection de gerbes pour les commémorations clandestines des 14 juillet et 11 novembre avaient lieu dans le garage de Pujol.

Le maquis FTPF de Caixas (Pyrénées-Orientales) dans les montagnes proches de Thuir fut le premier du département. Créé à l’initiative de Pierre Mach* afin de cacher les premiers réfractaires au STO de Thuir et des environs (Voir Llobères Charles, Mestres Gilbert), sa logistique fut assurée, entre autres, par Joseph Pujol, Jacques Llobères*, Émile Lassalle*, le cadet des frères Mach, René. Peu avant la Libération, alors que le Thuirinois Gilbert Mestres* était devenu l’un des chefs du maquis « Henri-Barbusse » du Canigou, il serait descendu de la montagne accompagné par Antoine Juanola (« Toni ») un autre maquisard thuirinois, avec l’intention d’exécuter une dizaine d’habitants de la commune connues pour leurs idées de droite et collaborationnistes. Toujours selon son témoignage, Joseph Pujol les en aurait dissuadés. Joseph Pujol échappa à trois contrôles de la police française et, surtout, à un contrôle de la police allemande. Lorsque cette dernière vint pour l’arrêter, un mois environ avant la Libération, il réussit à s’enfuir par le toit et à se cacher dans un mas isolé, route de Saint-Feliu d’Avall tout en maintenant le contact avec le PC et le FN. La mise en place du CLL de Thuir eut lieu à son domicile peu avant cet épisode. Le CLL s’installa le 19 août 1944, jour de la Libération. Il comprenait des communistes (Quintane, Léal, Pujol, Georges Parent), des socialistes SFIO (Pierre Payré, Lambert Radondy, Jean Jules*), des radicaux comme le pharmacien Raffi et d’autres « républicains » comme Georges Goze et Louis Escudier (qui, plus tard adhéra au PCF). Ce comité céda rapidement la place à une municipalité provisoire. Mais aux élections municipales d’avril-mai 1945, le PCF fut battu.

Joseph Pujol fut à neuf reprises candidat aux élections municipales à Thuir : 1929, 1935, 1945, 1947, 1953, 1959, 1965, 1971, 1977. Il refusa de se représenter en 1983.

Il fut trésorier d’une cellule communiste de Thuir entre 1944 et 1981 et siégea au comité de section. D’après ses dires (1985) Joseph Pujol aurait été exclu du PCF (ou de la direction d’une cellule et de la section de Thuir ?) en 1983 par le seul Émile Lassalle* qui lui reprochait d’avoir été l’ « ami » du sénateur maire Grégory* connu dès l’école primaire. Toutefois, le compte-rendu de ses obsèques dans Le Travailleur catalan, bien que relativement court en comparaison avec ceux de militants de même importance (comme par exemple, dans le même numéro, celui de Louis Vigo*, d’Estagel), indique qu’il est resté membre du PCF dont seule la maladie, à la fin de sa vie, l’a tenu à l’écart. Raoul Vignettes*, ancien dirigeant du PCF départemental, secrétaire général de l’ANACR des Pyrénées-Orientales, fit son éloge funèbre lors de ses obsèques civiles au cimetière de Thuir.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158535, notice PUJOL Joseph, Louis, Daniel par André Balent, version mise en ligne le 30 avril 2014, dernière modification le 29 mars 2022.

Par André Balent

SOURCES : Arch. com. Thuir, état civil, actes de mariage entre Joseph Pujol et Sara Muñoz et de décès de Joseph Pujol. — Ramon Gual et Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 538. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994, 182 p. [p. 133]. — Le Travailleur catalan, 8 mai 1992. — Entretien avec Joseph Pujol, Thuir, 2 avril 1985 et notes manuscrites de l’intéressé remises à l’auteur de la notice.

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