LOUP Jeanne [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Née à Boufarik en 1898, morte sur sa ferme de la Mitidja à Birtouta le 22 novembre 1947 ; sympathisante du PCA depuis 1936, le Front populaire et la guerre d’Espagne ; après 1945, candidate aux élections présentée par le PCA sur les listes de Front démocratique.

Venue toute jeune d’Espagne vers 1890, la mère de Jeanne Loup, Victorine, de son prénom francisé, avait arrondi les terres achetées de son côté et des terres de sa belle-famille dans la Mitidja. Elle laisse une ferme-orangeraie d’une centaine d’hectares à Birtouta en propriété à sa fille. Jeanne Loup dirige elle-même ce beau domaine en zone d’irrigation. En se faisant enlever, car une fille d’espagnole était encore une mésalliance dans le milieu colonial, Jeanne Loup a pour mari un sous-officier de l’armée de l’air né près de là dans la Mitidja à Sidi-Moussa. « Face à l’autoritarisme de ma mère, rapporte Elyette Loup, il n’existait pas, il a vite compris, est parti au Maroc, puis en France avec la bonne espagnole ». Jeanne Loup voulait un garçon, elle demeure sur la ferme avec trois filles.

L’idéal était progressiste ; le jeune couple avait fait un voyage en URSS en 1936 ; la guerre d’Espagne, quelque peu son pays de famille, avait placé Jeanne Loup dans le camp communiste. Elle n’adhère pas au PCA mais l’accompagne. En 1943, elle accueille à la ferme, les détenus communistes français qui sortent du camp de Djenien Bou Rezg et hébergent plus longuement des réfugiés communistes espagnols eux-aussi libérés. « Patron paternaliste » selon sa fille, elle fait construire des logements en dur pour les familles de ses ouvriers, fait ouvrir un dispensaire par la commune, se bat pour que tous les enfants soient scolarisés. Aussi est-elle rejetée par les autres colons de la Mitidja. Le PCA en fait sa candidate sur les listes d’union démocratique.

À sa mort en 1947, le journal du PCA Liberté rend hommage à « l’ardente démocrate qui consacra toute sa vie au combat contre le régime colonialiste ». Jeanne Loup a tenu à être enterrée au cimetière musulman ; sur sa tombe, son nom est inscrit en arabe et en français. La ferme est encore appelé aujourd’hui « haouch madame Loup » (le domaine Mme Loup). Après l’indépendance, en 1963, sa fille Elyette Loup donne les terres et la ferme pour en faire une coopérative socialiste à l’heure de l’autogestion agricole.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158577, notice LOUP Jeanne [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 2 mai 2014, dernière modification le 25 octobre 2022.

Par René Gallissot

SOURCE : Liberté, novembre 1947. — A. Dore-Audibert, Des Françaises d’Algérie dans la guerre de libération, Karthala, Paris, 1995. — H. Alleg, Mémoire algérienne, Stock, Paris, 2005.

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