LYOTARD Jean-François dit François LABORDE [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 10 août 1924 à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines, France), mort le 21 avril 1998 à Paris (XVe arr.) ; agrégé de philosophie (1950), professeur au lycée de Constantine (1950-1952), puis au Prytanée militaire de La Flèche (Sarthe, France) de 1952 à 1959 ; assistant à la Sorbonne de 1959 à 1967 ; militant de « Socialisme ou Barbarie » de 1954 à 1963, puis du groupe « Pouvoir ouvrier » jusqu’en 1966 ; partisan de l’indépendance algérienne, aidant le FLN par le réseau Curiel ; docteur ès lettres et sciences humaines (1971), maître de conférences à l’université de Nanterre ; intellectuel « post-moderne ».

Fils de Jean-Marc Lyotard, représentant de commerce, et de Madeleine Cavalli, dernier de trois enfants, Jean-François Lyotard est, adolescent, tenté par une vocation monastique. Après des études secondaires à Paris au lycée Buffon, il suit la khâgne du lycée Louis-le-Grand, puis entame des études de philosophie à la Sorbonne, lié d’amitié avec Michel Butor et François Châtelet. Jeune enseignant, de 1948 à 1950, à l’École militaire préparatoire d’Autun (Saône-et-Loire), il obtient son agrégation de philosophie en 1950. Il est alors affecté deux années au lycée d’Aumale à Constantine.

Pour son éveil politique, il fait une rencontre décisive, celle de Pierre Souyri* (1925-1979) qui est professeur d’histoire au lycée de Philippeville (Skikda), ayant notamment pour élève Mohammed Harbi. Selon ses propos, en Algérie, il côtoyait un « peuple entier de haute civilisation offensé, humilié, interdit à lui-même ».

De retour en métropole, en 1952, les deux amis adhèrent à « Socialisme ou Barbarie », groupe intellectuel radical reprenant une formule de Rosa Luxembourg. Jean-François Lyotard continue sa carrière d’enseignant au Prytanée militaire de La Flèche (Sarthe), de 1952 à 1959. Philosophe engagé peu à peu dans une lecture révolutionnaire critique de Marx, Lyotard entend militer à l’extrême gauche.

Dans la notice LYOTARD Jean-François, du DBMOMS (t.8), Philippe Bourrinet met en valeur les articles d’engagement sur la question nationale algérienne, publiés sous le pseudonyme de François Laborde, dans la revue : Socialisme ou Barbarie. Il précise : « Tout en affirmant que l’insurrection en Algérie ouvrait un processus révolutionnaire, Lyotard […] soulignait que dans ce processus la lutte de classe risquait de passer à l’arrière-plan, ‘les frontières de classe’ étant ‘recouvertes par les frontières ethniques’ ». Il ajoute : « Cependant, même s’il jugeait que dans cette guerre contre l’État colonial, ‘une conscience de classe [était] impossible’, Lyotard, à titre purement personnel, aida des militants du FLN par le biais du réseau d’Henri Curiel, mais sans nourrir la moindre illusion sur la ‘nature bureaucratique’ de ce mouvement ».

Lors de la scission interne à « Socialisme ou Barbarie » en 1958, Jean-François Lyotard milite dans la fraction qui publie le mensuel Pouvoir ouvrier, édité par « SouB ». Très bien noté par l’inspection académique (« excellent professeur à tous points de vue »), il est nommé assistant de philosophie à la Sorbonne, où il peut animer un cercle d’études ouvert jusqu’en 1967. N’étant plus dans une école militaire, depuis décembre 1959 (n° 29), J.-F. Lyotard pouvait s’exprimer publiquement, sous son véritable patronyme, sans crainte de représailles, dans la revue Socialisme ou barbarie. En septembre 1966, il donne sa démission de « Pouvoir ouvrier » et cesse de militer.

Nommé maître de conférences à l’université de Nanterre en 1967, J.-F. Lyotard s’implique dans les événements de mai 1968 ; son influence est très forte ensuite au département de philosophie du Centre universitaire de Vincennes. Il soutient sa thèse de doctorat d’État ès lettres Discours, figure, en 1971, à l’université de Paris-X-Nanterre. Comme l’écrit Philippe Bourrinet, : « Il passait de la praxis marxiste à une critique théorique et esthétique de la société postmoderne ». Ses anciens écrits sur « la guerre des Algériens » sont republiés en 1989.

Il meurt des suites d’une leucémie à Paris le 21 avril 1998, quelques mois à peine après la disparation du principal fondateur de « Socialisme ou Barbarie », Cornélius Castoriadis. Dans son essai publié en 1993, sur les Moralités postmodernes, il concluait : « Dieu et l’Homme étant morts, les grands projets modernes désaffectés, le monde se survit, sans queue ni tête, à ronger son cadavre. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158581, notice LYOTARD Jean-François dit François LABORDE [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 2 mai 2014, dernière modification le 2 mai 2014.

Par René Gallissot

ŒUVRE : sur l’Algérie : La guerre des Algériens, écrits 1956-1963, Galilée, Paris, 1989 (recueil d’articles parus dans Socialisme ou Barbarie, présentés par Mohammed Ramdani ; note introductive de J-F. L.).

SOURCES : Pour les autres œuvres et sur les archives et témoignages, se reporter à la notice faite par Philippe Bourrinet, Jean-François Lyotard du DBMOMS (t.8, 2011).

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