MIAILHE Mireille [née GLODEK Mireille]

Par Anysia L’Hôtellier

Née le 20 mars 1921 à Paris, morte le 6 décembre 2010 ; artiste-peintre, illustratrice, enseignante, résistante, militante communiste

Mireille Miailhe vers 19500.
Journal L’Humanité

Mireille Glodek naquit à Paris, au sein d’une famille juive réfugiée d’Europe de l’Est. Dès son plus jeune âge, elle fut attirée par les arts plastiques et passait son temps à dessiner. Elle fit ses études secondaires au lycée Lamartine de Paris et commença à peindre à quinze ans. Commerçant dans le quartier juif de Paris, son père Félix adorait l’art et encouragea sa fille. Mireille suivit les conseils du peintre Mané-Katz, cet ami de Chagall lui offrit son premier chevalet.

Dans les années 1930, elle fréquenta le Centre laïque des Auberges de jeunesse, créé dans le sillon du Front populaire. Elle y noua des amitiés durables et sa conscience politique s’éveilla dans ce milieu où régnaient l’antifascisme, le sens de la solidarité et la justice sociale. Après son baccalauréat, Mireille souhaitait intégrer les Beaux-Arts. Mais la guerre l’empêcha de poursuivre son rêve.

En 1940, durant l’exode, elle fut contrainte de fuir la capitale. Pendant les années noires, la famille Glodek dut se séparer et ne jamais rester trop longtemps au même endroit pour échapper aux persécutions antisémites. Mireille passa ainsi par Lyon, Grenoble, Rodez, Perpignan, Toulouse, Banyuls…

C’est à cette époque qu’elle rencontra Jean Miailhe, un Languedocien né à Cabrespine, militant communiste, prisonnier de guerre, évadé, et résistant. Avec Jean-Pierre Vernant et Victor Leduc, ces trois anciens militants des Étudiants communistes de Paris et de l’Union fédérale des étudiants organisèrent la résistance dans le sud de la France. Mireille ne quitta plus Jean et le suivit à Toulouse où il était commandant Garry, l’adjoint de Jean-Pierre Vernant, chef départemental militaire du mouvement Libération sud. Elle se lança à leurs côtés dans l’action clandestine contre l’occupant en devenant agent de liaison. Elle transportait de tout : messages, armes, argent, médicaments. Durant certains combats, elle fit preuve de courage en n’hésitant pas à ramasser les blessés. Elle travailla au sein du service social des Forces Françaises de l’Intérieur. Pendant quelque temps, Jean et Mireille furent recherchés par la Gestapo. Jean-Pierre Vernant et Jeanne Modigliani se souviendront de la Mireille de ces années-là. Souvent prise pour une jeune gitane, elle aimait se promener pieds nus et chanter des flamencos.

Tout en menant des actions clandestines, elle continuait à créer. Durant quelque temps, elle se réfugia chez le sculpteur Aristide Maillol à Banyuls. L’artiste lui accorda l’hospitalité grâce à la complicité de Dina Vierny, une amie des Auberges de jeunesse, devenue la muse et le modèle du sculpteur. Mireille dessina Maillol, il fut même le thème de ses premières œuvres exposées en novembre 1941 dans une galerie grenobloise. Lors de son passage à Lyon, elle consacra de longues heures à dessiner les écorchés de la morgue. À partir de 1943, la peinture de Mireille prit des tons plus modernes. Lorsqu’elle était à Toulouse, elle prit pour modèle sa logeuse. La femme au coq (1944), tableau d’un humour féroce et allègre, représente la vieille femme chauve et querelleuse qui avait une poule comme animal de compagnie.

À la Libération, de retour à Paris, elle épousa Jean Miailhe. Ils auront deux filles, Florence et Manuelle, nées en 1956 et 1957. Elle consacra sa vie à la peinture et au dessin. Elle peignait sur des thèmes politiques et sociaux. Sa série très originale Les Veuves évoque la mort de ses camarades pendant la guerre. Pour sa série Les Halles (vers 1948), Mireille se leva des mois durant à 4 heures du matin pour aller se planter au milieu des marchandes de fleurs et de légumes.

En parallèle, elle milita au sein du Parti communiste français auquel elle adhéra à la Libération. À partir de 1944, elle fut secrétaire de cellule à Paris. Elle participa à un atelier collectif à Ivry où étaient réalisés les fresques et décors pour la propagande du parti. Elle fut membre du bureau du Comité de la paix de son quartier Croulebarbe-Arago-Gobelins, elle fit également partie de l’Union des femmes françaises (UFF), de France-URSS, et de l’Union des Arts plastiques à partir de 1947. Pendant plusieurs années, elle réalisa de nombreux dessins et illustrations pour les Lettres Françaises et Action. Comme beaucoup de militants communistes, il lui arrivait de vendre l’Humanité.

En 1946, elle exposa au Salon des moins de 30 ans, devenu par la suite le Salon de la Jeune Peinture auquel elle participa également. À partir de 1953, elle fit même partie du comité qui choisissait les œuvres du prochain Salon. Elle exposa en 1947 avec Boris Taslitzky et Jean Amblard à la galerie la Gentilhommière. En 1949, sa première exposition personnelle se tint à la Galerie du Bac. Louis Aragon, Francis Jourdain et Georges Besson, vinrent l’encourager. En 1949, le Musée d’art moderne dirigé par Jean Cassou acquit une de ses toiles. En 1953, L’État acheta une autre œuvre de Mireille Miailhe.

Avec André Fougeron, Boris Taslitzky, Jean Amblard, Jean Vénitien ou encore Gérard Singer, Mireille Miailhe fit partie des artistes représentant le réalisme socialiste à la française ou « Nouveau réalisme ». Entre 1947 et 1954, ce mouvement pictural fut soutenu par le Parti communiste français. Dans la revue Arts de France en 1948, le peintre Jean Milhau, à l’origine de l’appellation « Nouveau réalisme », définissait ce jeune mouvement : « Un courant se dessine qui, sans renier les acquis de la culture et de la technique moderne, nie la primauté des recherches formelles, préconise le retour à la réalité objective et au sujet, et met l’accent sur le contenu social de toute réalité ». Mireille Miailhe fut la première artiste peintre à recevoir le prix Fénéon qui récompensait des artistes de moins de trente-cinq ans, grâce au soutien de Georges Besson et de Louis Aragon. Comme Irène Joliot- Curie, Lucie Aubrac, Hélène Langevin, ou encore Marie Bell, Mireille Miailhe faisait partie de « l’avant-garde » des femmes scientifiques, artistes et intellectuelles mises en avant par le PCF. En 1948, elle fut invitée à dessiner des mineurs du Nord de la France en grève. En 1950, avec Boris Taslitzky, André Graciès, Gérard Singer et Louis Bancel, elle réalisa les fresques de 350 m² qui décorèrent la salle du congrès du PCF à Gennevilliers. En janvier 1952, Mireille Miailhe et le peintre Boris Taslitzky furent invités par le Parti communiste algérien. L’objectif des deux artistes était de réaliser un reportage en peinture sur les conditions de vie de la population. Mireille assista notamment au procès des 56 de Blida. Elle dessina beaucoup et prit de notes. Le séjour des deux artistes dura deux mois. De retour à Paris, elle réalisa ses œuvres finales. Les deux artistes présentèrent leur travail à la Galerie André Weil, sous la forme d’une exposition-reportage « Algérie 52 » dont le côté dénonciateur fit scandale. Plus de 60 dessins et quelque 40 peintures témoignaient des tensions politiques et sociales en Algérie à la veille de l’insurrection. En mai 1953, Mireille Miailhe participa à l’exposition « De Marx à Staline » organisée par le PCF à la Maison des métallurgistes à Paris.

On lui demanda d’aller faire le portrait d’Aragon alors qu’il était en train de corriger les épreuves du Fou d’Elsa en 1963. Dans son roman, Blanche ou l’oubli (1967), Aragon écrit un beau paragraphe sur Mireille Miailhe qu’il décrit comme « une femme peintre, d’un très grand talent, dont la peinture me plaît au-delà de ce qu’on en exprime ».

À partir de 1957, les expositions de Mireille Miailhe rencontrèrent un écho grandissant : Galerie Saint-Placide (1959-1962), Galerie Katia Granoff (1965), Galerie de saxe (1967), Galerie Marigny (1971), Artcurial (1977). Elle se lia durant quelques années à cette galerie Artcurial. Elle exposa également en banlieue et en province : au musée de Saint-Ouen (1965), en 1967 à Lille, en 1965 à la Galerie Maurice Œillet à Toulouse, en 1985 et 1996 à l’Espace Croix Baragnon de Toulouse qu’elle inaugura, en 1989 à la Fondation Firmin Bauby de Perpignan. Elle tint aussi des expositions à l’étranger : Suisse, Portugal, Angleterre, Roumanie, Pologne, Hongrie, URSS, Tchécoslovaquie, Italie.

Parallèlement, Mireille Miailhe poursuivait ses œuvres d’illustrations. Elle exécuta des lithographies et des illustrations, notamment pour Francis Jourdain (Amour de Paris, 1955) ou Pierre Gamarra (La Rose des Karpathe, 1955). Dans le cadre de la loi du 1 %, Mireille Miailhe réalisa également de nombreuses décorations (mosaïques, fresques, céramiques, sculptures). En 1958, elle réalisa une fresque pour une école maternelle de Montreuil. La peinture qui, depuis 1962, orne le groupe scolaire Paul Eluard à Blanc Mesnil, fut exécutée par l’artiste en émaux de lave de Volvic. La fresque réalisée par Mireille Miailhe dans une école de la Courneuve dans les années 1960 est en cours de sauvetage, les bâtiments étant voués à la démolition.

En 1968, avant même la répression soviétique en Tchécoslovaquie, elle quitta le PCF « sur la pointe des pieds » comme le rapportent les auteurs de sa biographie publiée en 2007.

Durant les années 1980, elle enseigna à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, l’ENSAD, rue d’Ulm.

Autodidacte, Mireille Miailhe créa toute sa vie, partageant son temps entre ses deux ateliers, l’un à Paris, l’autre à Cabrespine au pied de la Montagne Noire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158605, notice MIAILHE Mireille [née GLODEK Mireille] par Anysia L’Hôtellier, version mise en ligne le 4 mai 2014, dernière modification le 6 avril 2022.

Par Anysia L’Hôtellier

Mireille Miailhe vers 19500.
Journal L’Humanité

ŒUVRE : Principales institutions conservant les œuvres de Mireille Miailhe : Musée national d’art moderne - Centre Georges Pompidou, Musée d’art et d’histoire de Saint-Ouen, Musée des Augustins de Toulouse, Musée des beaux-arts de Besançon, Musée de Belgrade, Musée de Bucarest, collections privées en France et à l’étranger.

SOURCES : Jacques Dubois, Deux peintres et un poète, retour d’Algérie. Boris Taslitzky, Mireille Miailhe et Jacques Dubois, introduction de Jeanne Modigliani, Paris, Cercle d’Art, 1952, 29 p. — Lucie Fougeron, « Le Réalisme socialiste dans les arts plastiques en France (1947–1954) », Sociétés et représentations, n° 15, décembre 2002, pp 195-214. — Pascale Froment, Isabelle Rollin-Royer, Mireille Glodek Miailhe, éditions Biro, 2007. — Un Voyage singulier, deux peintres en Algérie à la veille de l’insurrection (1951-1952) : Mireille Miailhe et Boris Taslitzky, catalogue d’exposition, Association "Art et Mémoire", Vitry-sur-Seine / Bibliothèque Nelson Mandela, 2009, 27 p. — site internet consacré à l’artiste http://www.mireilleglodekmiailhe.com — Archives du PCF.

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