Par Jean-Paul Nicolas
Né le 21 juillet 1920 à Saint-Pierre-le-Viger (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), fusillé comme otage le 21 février 1942, à la centrale de Poissy ou au Mont-Valérien où il n’est pas répertorié, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; commis boucher aux abattoirs de Rouen.
Fils de Léon Lahaye et de Marguerite Thieury, journaliers, Ernest Lahaye était commis boucher aux abattoirs de Sotteville-lès-Rouen, Ernest Lahaye fut arrêté en août 1941 lors d’une perquisition à son domicile : emprisonné sur le champ à la maison d’arrêt de Rouen Bonne-Nouvelle, il fut condamné le 17 septembre 1941 par le tribunal spécial de Rouen à quatre ans de prison pour activité communiste. Il fut ensuite transféré à la centrale de Poissy pour y purger sa peine.
Célibataire, il habitait chez son beau-frère, Lucien Capron, maçon, époux de sa sœur Albertine Lahaye, 14 impasse Flaubert à Sotteville-lès-Rouen. C’est à ce domicile qu’avaient été découverts plusieurs numéros de l’Humanité clandestine et de L’Avant-Garde. « Il faisait partie d’une avant-garde communiste et distribuait des tracts la nuit à Rouen et Sotteville », écrivait dans un rapport le commissaire de police de Sotteville-lès-Rouen.
Dans un document sonore des archives départementales de Seine-Maritime datant de 1983 le Rouennais André Charbonnel, rescapé de Buchenwald, nous apprend qu’il était organisé, dans la lutte clandestine des jeunesses communistes de Rouen-Centre, en « triangle » avec Michel Muzard et Ernest Lahaye. André Charbonnel, arrêté un mois avant Ernest Lahaye, fut comme lui jugé par le tribunal spécial puis incarcéré à Poissy durant dix-neuf mois. Il fut compagnon de cellule de Roland Duru (de Malaunay-Maromme) qu’on vint chercher un soir pour l’emmener au Mont-Valérien. Ce fut peut-être le cas d’Ernest Lahaye, mais son nom n’est pas répertorié dans les fusillés du Mont-Valérien. De plus aucun avis de décès officiel ne fut, semble-t-il, édité suite à son exécution. Aucun avis ou mention à l’état civil des communes de naissance et de domicile n’ont été retrouvés suite à des recherches faites en 2014.
L’exécution d’Ernest Lahaye, s’inscrivait parmi un total de vingt-quatre mises à mort le même jour, en France occupée. Les fusillés du 21 février 1942 le furent par mesures de représailles de la part des autorités allemandes à l’encontre d’otages emprisonnés, « communistes ou Juifs », à la suite de deux attentats récents contre des militaires allemands à Tours et à Rouen. Le 21 février 1942 vit l’exécution de seize otages pour le seul Mont-Valérien. Ce jour-là, treize otages, la plupart Israélites Polonais, furent extraits du camp de Drancy et menés au Mont-Valérien pour y périr sous les balles. Parmi eux, citons Gartner Abraham, Lipka Towia, Korzuch Mordka, Kape Joseph, Miller Aron, et huit autres. À ces treize otages juifs de Drancy, vinrent s’ajouter quatre otages considérés par l’administration préfectorale comme des ressortissants français détenus pour activité communiste et extraits des prisons. Ces quatre otages étaient : Honoré Sohier, Jacques Potel, Henri Ayrald et Ernest Lahaye. Les trois premiers cités qui étaient incarcérés à Villeneuve-Saint-Georges (Seine, Val-de-Marne) sont aujourd’hui répertoriés comme exécutés au Mont-Valérien mais pas Ernest Lahaye.
En lien avec l’attentat de Tours, six détenus pour activité communiste de la région ouest, incarcérés à la maison centrale de Fontevrault-l’Abbaye (actuellement Fontevraud) y furent exécutés également le 21 février, venant grossir un peu plus la liste des exécutés de Suresnes. De même, le Rouennais Arthur Lefebvre, détenu au Front Stalag 122 de Compiègne-Royallieu, fut exécuté (avec deux autres otages politiques) le 21 février, dans les environs de ce vaste camp, antichambre de la déportation à l’Est.
Le préfet de Seine-et-Oise prévint le 6 mars 1942, par lettre, celui de Seine-Inférieure qu’Ernest Lahaye, détenu à la centrale de Poissy avait été fusillé le 21 février 1942, sans préciser le lieu exact d’exécution. Il lui demanda de faire prévenir sa famille ainsi que de communiquer à ses proches l’ultime lettre d’adieu du jeune homme. Lucien et Albertine Capron reçurent, à Sotteville, cette lettre des mains d’un policier local et en accusèrent réception. Le préfet de Seine-et-Oise les informait, de plus, qu’il tenait à leur disposition les vêtements d’Ernest et une somme de 590,40 francs lui appartenant : à eux de venir chercher ces affaires depuis Sotteville dans son département.
Une archive du DAVCC donne comme lieu d’exécution d’Ernest Lahaye Grand-Quevilly (Seine-Inférieure, Seine-Maritime). Cette hypothèse est infirmée par les courriers allemands (FK de Saint-Cloud) et préfectoraux de la Seine-et-Oise qui suggèrent que l’exécution a eu lieu dans ce département ou celui de la Seine. De plus, Ernest Lahaye est absent de la liste, solidement établie, des soixante-seize fusillés au stand de tir du Madrillet, Grand-Quevilly, entre 1940 et 1944, stand où son nom n’a pas été gravé.
Ernest Lahaye fut-il exécuté à Suresnes, c’est-à-dire au Mont-Valérien, comme les autres otages de Poissy ? L’on sait seulement, avec certitude qu’il a été fusillé le 21 février 1942 en même temps que vingt-cinq autres otages à travers le pays occupé, à Suresnes, à Fontevrault, à Compiègne.
Par Jean-Paul Nicolas
SOURCES : DAVCC, Caen, BVIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Seine-Maritime, cote 51W428 (Rapports des RG aux préfets sur les fusillés du département), et cote 51W412 (arrestations 39-45). – Archives sonores des Arch. Dép. Seine-Maritime : André Charbonnel interrogé à Rouen en 1983. – Archives allemandes CDJC XLVa-2. Arch. PPo. BA 2117 : lettre en date du 12 mars 1942, Préfet de Seine-et-Oise aux RG de préfecture de police. – S. Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit., p. 50-52. – Arsène Katchakarian, Les fusillés du Mont-Valérien, Comité national du souvenir des fusillés du Mont-Valérien, 1991, p. 77. – Site Internet Mémoire des Hommes. – État civil.