BATAS Jean-Marie

Par Armand Rébillon, Claude Geslin

Né le 20 décembre 1872 au hameau du Gué-en-Paramé, près de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), mort le 2 juillet 1944 à Combourg (Ille-et-Vilaine) ; tailleur de pierre ; militant syndicaliste d’Ille-et-Vilaine.

Fils d’un tailleur de pierre, Jean-Marie Batas fit l’apprentissage du même métier chez divers patrons de Saint-Malo, Saint-Servan, Paramé. Comme fils aîné de veuve, il fut dispensé du service militaire actif. Il se maria le 31 mai 1899 et se fixa à Paramé où naquirent ses quatre enfants.
Peu après son mariage, il adhéra au syndicat du bâtiment de la région malouine qui venait de se fonder. C’était l’époque où l’organisation syndicale commençait à prendre corps dans la région et l’Union locale des syndicats fut créée en avril 1907. En septembre 1907, une grève de charbonniers - le port de Saint-Malo - Saint-Servan était alors un centre important d’importation des charbons britanniques - et, en avril 1908, une grève du bâtiment qui durèrent respectivement quinze jours et un mois aboutirent à l’obtention de contrats de travail avantageux. Jean Batas était alors secrétaire du syndicat du Bâtiment. Au début de 1909, après le décès de Bouteau qui avait été le premier secrétaire de l’Union locale des syndicats, Batas prit le secrétariat de cette Union qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1944. Avec la plus grande fermeté, mais en même temps avec un sentiment de la mesure et des qualités de caractère qui lui valurent estime et crédit, même en dehors des milieux ouvriers, Jean-Marie Batas fut l’un des militants qui servirent le plus courageusement et le plus efficacement la cause ouvrière dans le département. Malgré son attachement aux idées socialistes, il n’adhéra jamais à une organisation politique dans l’intérêt de son action syndicale, mais accepta les fonctions de conseiller municipal.

Sa tâche fut particulièrement difficile au cours des violents conflits du travail de la période 1909-1913 : grève des dockers en novembre 1909, importante grève du bâtiment en 1910 ; grève des charbonniers en 1912. L’intervention de briseurs de grève fournis par « La Liberté du Travail » et l’action personnelle du commissaire spécial Gérard, ennemi déterminé des militants ouvriers, provoquèrent de multiples incidents. Mais le plus remarquable événement de la vie ouvrière dans la région malouine à cette époque fut le mouvement des marins de la grande pêche (les Terre-neuvas) que Bouteau et Batas avaient commencé d’organiser à la suite des nombreux naufrages de 1907. Un syndicat fut constitué en 1910 et une grève, de Cancale à Saint-Malo - Saint-Servan, avant la campagne de 1911, aboutit à l’obtention d’une charte-partie, qui ne fut acquise qu’après une seconde grève avant la campagne de 1912 ; deux grèves fertiles en incidents et pour lesquelles Batas eut le concours de Rivelli, secrétaire de la Fédération nationale des Inscrits maritimes, venu sur place.
Les poursuites engagées un peu partout, en 1913, contre les militants syndicalistes à l’occasion de l’affaire du « Sou du Soldat » fournirent au commissaire Gérard l’occasion d’atteindre Jean Batas. À la suite de la découverte, dans le paquetage d’un jeune syndiqué de Saint-Malo incorporé au 2e régiment d’infanterie à Granville, de la trace d’un mandat de cinq francs envoyé par Batas, celui-ci fut arrêté le 1er juillet 1913, emmené à Paris et détenu trois mois à la Santé, sans jugement. Il fut à nouveau condamné le 26 mars 1914 par le tribunal correctionnel de la Seine à six mois de prison et 100 F d’amende pour menées antimilitaristes.

Mobilisé le 1er novembre 1914, son inscription au carnet B lui valut d’être envoyé, malgré son âge (42 ans), au 9e régiment de zouaves. L’armistice le trouva atteint de rhumatismes et gazé. Ses camarades de l’Union locale et de l’Union départementale des syndicats lui procurèrent les moyens de faire, à Amélie-les-Bains, une cure qui lui permit de reprendre sa tâche de militant.
Il mena alors à bien la construction à Saint-Malo d’une Maison du Peuple qui fut dès lors pour la région le foyer d’une action ouvrière en progrès.

De 1918 à 1939, Batas fut un des militants les plus en vue et les plus écoutés du mouvement syndical en Ille-et-Vilaine malgré des épreuves personnelles de toutes sortes. Il fut en août 1927 victime d’un grave accident, étant renversé par une automobile alors qu’il circulait à bicyclette. Il perdait son fils aîné Jean en 1928 puis sa belle-fille en 1931 et un frère en 1932...

Il fut pendant toute cette période secrétaire du syndicat du Bâtiment et des constructions navales de Saint-Malo et secrétaire de l’Union locale de la même ville. Secrétaire adjoint de l’Union départementale CGT d’Ille-et-Vilaine depuis sa création jusqu’en 1939, il fut secrétaire des centres carriers dans le cadre de la 6e région des syndicats confédérés du Bâtiment en 1934-1935. Il fut un des treize délégués d’Ille-et-Vilaine qui participèrent au congrès de l’unité de la CGT à Toulouse le 2 mars 1936 et le 28 novembre 1938, il fit partie de la commission de l’UD qui signa un tract appelant à la grève générale pour le 30 novembre...

Il collabora d’une façon constante au Semeur de l’Ouest, organe de l’UD, rédigeant en particulier de très nombreux éditoriaux.

Mais l’occupation allemande, en 1940, allait être une dernière source d’épreuves pour Jean-Marie Batas. La Maison du Peuple fut occupée et pillée. Évacué d’office à la campagne avec sa femme en 1943 comme tous les vieillards valides de la place de Saint-Malo, il fut ramené bientôt à l’hôpital de cette ville. Sa femme y mourut en novembre ; lui-même fut évacué, après le débarquement des alliés, à l’hôpital de Combourg où il mourut le 2 juillet 1944.

Son fils, Jean Batas, fut conseiller municipal socialiste de Châtenay-Malabry (Seine).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15883, notice BATAS Jean-Marie par Armand Rébillon, Claude Geslin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 31 octobre 2022.

Par Armand Rébillon, Claude Geslin

SOURCES : Arch. Nat. F7/13567 et/13 603. — Arch. Dép., Ille-et-Vilaine, 61 M 4 et série U non classée — Le Semeur d’Ille-et-Vilaine, 1919-1945. — Jacques Bonhomme, 1935. — P. Beunet, « Souvenirs et anecdotes sur le mouvement ouvrier de la région malouine », publiés dans le quotidien rennais L’Ouest-Éclair à l’occasion du 25e anniversaire de la Maison du Peuple. — Renseignements fournis par M.-A. Batas, fils de l’intéressé, ou directement connus de M. Rébillon.

ICONOGRAPHIE : La CGT, op. cit. p. 508.

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