KNAPP Hubert

Par Justine Girard

Né le 16 janvier 1924 à Toulon, mort le 4 janvier 1995 à Paris ; assistant réalisateur à partir de 1948 ; producteur et réalisateur de la télévision française (après 1949) ; membre du Syndicat français des réalisateurs de télévision ; membre du comité directeur de « Culture et télévision ».

Hubert Knapp n’a pas connu son père et avait trois frères et sœurs. Le second mari de sa mère était général de brigade. Il a eu une scolarité itinérante pendant son enfance selon les affectations de son beau-père, en France puis, en Algérie. Il a préparé l’École Normale Supérieure pour être professeur, puis au début de la Seconde Guerre Mondiale, il passa en Angleterre pour devenir parachutiste dans les Forces Française Libres. Au cours des combats, il fut gravement blessé au bras gauche. Démobilisé, c’est par hasard qu’il entra à la Radio-Télévision Française en 1948 comme assistant de Jacques Armand, un des pionniers de la RTF. Sa première réalisation a pour titre Changement de décor, à l’époque une émission de variétés de Jean Nohain (animateur et parolier français). Comme beaucoup de réalisateurs du début des années 1950, il était présent dans tous les genres, de la dramatique comme la « Quadrature du Cercle » avec Georges Vitaly, aux reportages. Il s’illustra notamment dans la série En direct de sous la direction de François Chatel. Aux grands reportages, il préférait les émissions plus simples comme dans la série des En direct de (« En direct de chez un luthier » ; « En direct d’un Noël russe »).

Entre 1957 et 1962, il lança et réalisa avec Jean-Claude Bringuier (ils ont déjà collaboré ensemble en 1947), qui y tenait le rôle de commentateur, une série documentaire Les Croquis, qui était structuré autour de villes et de régions de France mais aussi de l’étranger. Cette série marqua une nouvelle manière de faire du documentaire en entrecroisant passé et présent, privilégiant les rencontres organisées ou fortuites avec les locaux pour avoir un regard neuf sur des lieux connus de l’imaginaire collectif. Hubert Knapp et Jean-Claude Bringuier s’avérèrent être des médiateurs attentifs et chaleureux à travers les émissions Les Croquis et plus tard Les Provinciales. De 1957 avec le « Croquis lyonnais » à 1967 avec le « Croquis en Périgord »), en passant par les « Lettres de Sète » (1960), « Croquis d’Aix » (1965), « Croquis du Liban » (1966), etc... Knapp et Bringuier inventèrent une écriture télévisuelle conviviale, qui traitait les sujets de la vie quotidienne comme des histoires et qui inaugure une nouvelle façon de filmer en laissant parler les petites gens, en recueillant leurs confidences et leurs souvenirs. Après une longue préparation, ils évoquaient de manière subjective, à travers des images, des entretiens et un commentaire, une ville ou un terroir. La série n’avait pas de scénario fixe prédéfini et lors de sa diffusion, elle ne ressemblait à aucun programme de la RTF et c’est ce qui contribua à son succès. À la veille de Noël 1962, l’équipe de l’émission des "Croquis" s’installa à Londres pour passer les fêtes avec des Anglais de toutes origines et de toutes conditions a pour résultat « Cinq Anglais pour Noël ». Ainsi, on observa dans les rues, les pubs, les anglais qui se préparaient pour la fête et qui prenaient sur leur temps pour répondre à la curiosité des réalisateurs. Ayant eu un grand succès critique, « Cinq Anglais pour Noël » reçut le prix annuel de l’Association Française de la Critique de Cinéma et de Télévision en 1963 et ses deux auteurs se virent consacrés meilleurs réalisateurs.

Hubert Knapp disait de ses travaux : « On peut, à partir de décors, de personnages et de situations réels créer une construction dramatique d’une intensité comparable à celle d’une œuvre de fiction ». La sérié Les Provinciales (24 émissions, de 1969 à 1977), qui reste dans l’esprit des « Croquis » illustrait bien ces propos. Hubert Knapp et Jean-Claude Bringuier proposèrent aux téléspectateurs de partir à la découverte de la France dans sa diversité et ses particularismes à la demande de Pierre Sabbagh. Hubert Knapp réalisa, avec Jean-Claude Bringuier « Le Dernier Battage » et « Les Tréteaux de Fresseline » (qui propose un portrait d’une société paysanne menacée)  ; avec Alain Boudet, « Moines de l’abbaye de Sénanque » ; avec Paul Renty « Thouars, par exemple » en 1971. Pour Cinéastes de notre temps d’André S. Labarthe et Janine Bazin, Hubert Knapp réalisa un essai sur Abel Gance (1964) et un autre sur Jean-Luc Godard (1965). Et à l’occasion de voyages aux États-Unis, il enregistra une dizaine de portraits de cinéastes américains comme Raoul Walsh (1966), John Ford (1966), George Cukor (1969), John Cassavetes (1969), King Vidor (1969)... Seul, Hubert Knapp réalisa les trois émissions qui constituèrent « La Vigne et le vin » en 1977. Hubert Knapp et Jean-Claude Bringuier produisirent ensuite Les Signes du temps  (25 émissions, de 1972 à 1974).

En 1975, avec l’éclatement de l’ORTF, sa collaboration avec Jean-Claude Bringuier fut interrompue à la télévision pendant plusieurs années pour des raisons économiques. Hubert Knapp se consacra alors prioritairement à l’exploration de la mémoire populaire pour sauver les souvenirs de ceux qui n’avaient pas laissés d’écrits. Plusieurs séries et reportages furent consacrés aux souvenirs de personnes souvent modestes, protagonistes d’une histoire silencieuse comme Ceux qui se souviennent  (1978-1984),  Mon quartier c’est ma vie  (1979), Un continent perdu : les Pique Talosse  (1979-1982), Les Enfants de la République  (1986). En 1990, pour  Chroniques de France , une nouvelle série produite par Jean-Claude Bringuier et Jean-Pierre Gallo, Hubert Knapp consacra deux émissions aux Alsaciens.

Comme son compagnon de réalisation Jean-Claude Bringuier, Hubert Knapp appartenait à l’école de la « caméra-subjective », également appelée « École des croquis ». Rompant avec le style des documentaires télévisés de l’époque (d’inspiration souvent touristique), Hubert Knapp inaugura une façon de filmer qui laissait la parole aux interviewés. Ce travail impliqua de longues préparations, notamment dans l’approche des personnes. L’ambition d’Hubert Knapp à travers ses travaux, était de pouvoir enregistrer les récits du plus grand nombre de témoins possibles dans des reportages subjectifs pour que des pans méconnus de l’histoire de France notamment ne tombent pas dans l’oubli.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158940, notice KNAPP Hubert par Justine Girard, version mise en ligne le 17 mai 2014, dernière modification le 17 mai 2014.

Par Justine Girard

ŒUVRE :
Réalisation et production de nombreuses émissions, reportages, séries à la télévision française ; reportages : Art et magie de la cuisine, réalisation de 101 sujets entre 1955 et 1963, En direct de, réalisation de 18 sujets entre 1956 et 1964, Cinq colonnes à la une, réalisation de 34 sujets entre 1959 et 1967, Le monde en quarante minutes, réalisation de 12 sujets entre 1963 et 1969, Cinéastes de notre temps, réalisation de 8 sujets entre 1964 et 1969 ; réalisations : 1973 : Signes des temps « A travers une Amazonie nouvelle » avec Jean-claude Bringuier, 1973  :Le Collège de France,1974  : Portrait d’Allemagne, 1978  : Les Étoiles de Renaudie, 1980  : Tout va très bien, 1985 : L’Allemagne change-t-elle de peau ?, 1985  : Mon quartier c’est ma vie, 1990 : Les Alsaciens ; série  : les Croquis (en coréalisation avec Jean-Claude Bringuier) 26 émissions (1957  : quatre Croquis Lyonnais, 1958 : trois Croquis Bordelais, 1959  : Croquis en Soule, 1960  : Lettres de Sète, 1962  : Croquis de Camargue, 1962  : Cinq Anglais pour Noël, 1963  : trois Croquis La société de la montagne, 1963  : trois Croquis d’Amérique, 1965  : trois Croquis d’Aix, 1966  : quatre Croquis du Liban, 1967  : trois Croquis en Périgord)  ; les Provinciales : 7 émissions dont en 1969 « Les moines de l’abbaye de Semanque » avec Alain Boudet ou encore « Le vigneron du Bordelais » (trois émissions)  ; Un continent perdu  : les Pique-Talosse, 4 épisodes dont « La despourguère » ; Ceux qui se souviennent, 9 épisodes diffusés de 1978 à 1984 parmi lesquels « Chronique de la mémoire ouvrière avant le front populaire »« 1936 ou onze jours de bonheur » ; Les Enfants de la République, quatre émissions diffusées en 1986 dont « Femmes des vallées de la soie et du charbon » ; productions  : la série FUTURS (15 numéros) de 1970 a 1972 et la série Signes des temps (17 numéros) de 1972 à 1974 ; Coauteur du livre de Thierry Garrel Les rêveurs de télé.

SOURCES 
Arch. Fond Jean-Pierre Marchand.
Christian Bosseno, « Knapp HUBERT - (1924-1995)  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 30 octobre 2012. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/huber ; Christian Bosseno, « 200 téléastes », Cinemaction, Corlet-Telerama, 1989 Télérama (du 10 au 16 février 1963), Bringuier et Knapp viennent de recevoir le prix annuel de l’Association Française de la Critique de Cinéma et de Télévision pour « Cinq anglais à Noël », pp 6/7 ; Télé magazine (du 17 au 23 mars 1963), Deux noms inséparables : Bringuier et Knapp, pp 48/49 ; Fiche de télévision, n° 14-1964, Une grande émission de télévision se prépare : Croquis américains ; Télérama ( du 8 au 14 juin 1969), Entretien avec les réalisateurs Jean-Claude Bringuier et Hubert Knapp, pp 10/11 ; Télé Sept Jour (du 4 au 10 juillet 1981), Interview de Hubert Knapp à propos de son travail de recueil de témoignage pour la série « Ceux qui se souviennent »(TF1), pp 78/79.

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