STERN Gustave, dit Gérard SANDOZ

Par Gilles Morin

Né le 14 août 1914 à Komarowska (Pologne), mort le 11 février 1988 à Paris ; journaliste ; militant socialiste franco-allemand.

Fils de Henoch et de Gusta Rossenblatt, Gustave Stern naquit en Pologne dans une famille juive de la Galicie orientale austro-hongroise ; mais il arriva à Berlin à l’âge de 15 jours, ses parents fuyant la guerre. Issu d’un milieu familial juif conservateur, il connut dans sa jeunesse, la célébration des fêtes en famille et à la synagogue (il fit sa Bar Mitzvah et boxait au Maccabi de Berlin). Lycéen au moment de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, il avait déjà rompu avec son milieu : ce n’est pas en tant que juif, mais en tant que communiste qu’au tout début des années 1930 il s’engagea dans la lutte contre la montée du nazisme en rejoignant le mouvement communiste. Puis, il contribua à une scission des Jeunesses Communistes de Berlin, se reconnaissant dans l’appel de Léon Trotsky qui dénonçait la lutte criminelle des staliniens contre la social-démocratie, appelée par eux social-fascisme. Il préconisait l’alliance avec celle-ci contre le nazisme. Militant internationaliste, il passa à la clandestinité en 1933, sous le pseudonyme d’Edu. Pris par la Gestapo en 1935, c’est au triple titre de « juif, communiste et étranger » qu’il s’entendit condamner à deux ans de camp de concentration. Cette troisième « qualité » d’étranger lui valut d’être expulsé vers un pays de son choix en 1937. Il se rendit à Copenhague puis à Paris.

Engagé dans l’armée française en 1939, au 21e régiment de marche des volontaires étrangers au camp de Barcarès, il participa aux combats de mai et juin 1940 dans l’Est. Fait prisonnier le 20 juin, il fut interné à Metz puis à Morhange (Moselle), d’où s’évada le 3 mars 1941. Démobilisé à Lons-le-Saulnier, il se fixa à Grenoble jusqu’à l’invasion de la zone sud en novembre 1942. Pour échapper aux mesures raciales, il se réfugia en Suisse d’où il revint en avril 1945. Il s’était marié le 20 octobre 1941 à Échirolles (Isère) avec Klara Berger, née le 29 mars 1912 à Berlin, qu’il avait rencontré dans l’émigration politique à Paris en 1937.

Revenu à Paris, installé rue Vanneau (VIIe arr.), Gustave Stern devint gérant de la librairie de la documentation économique et syndicale, 195 avenue du Maine, en 1946. Il obtint la nationalité française par décret de naturalisation le 12 février 1947. Puis, il entra comme journaliste professionnel à l’Agence France-Presse, au service bilingue à partir du 1er avril 1949 comme stagiaire. Chargé de la rubrique Allemagne, il y demeura jusqu’en 1979. Il collabora par ailleurs à France-Observateur, sous le pseudonyme de Gérard Sandoz, là encore comme chargé des questions allemandes, puis au Nouvel Observateur qui lui succéda. De l’autre côté du Rhin, il donna des articles dans le Spiegel et collabora à de nombreux journaux syndicaux d’Allemagne de l’Ouest ou de Suisse, dont le quotidien socialiste Voltkareicht.

Membre du parti socialiste SFIO, Gustave Stern fut candidat à la commission exécutive fédérale de la Seine en 1951. Toujours indépendant et internationaliste, il collaborait à des publications luttant contre le stalinisme, comme la revue Preuves ou La Révolution prolétarienne. Il fit une conférence au Cercle Zimmerwald (voir Maurice Chambelland) le 17 octobre 1954, où il qualifia le SPD de « parti bureaucratique », ayant négligé « les intérêts matériels des ouvriers ».
Gustave Stern à partir de 1956 s’opposa à la fois à la politique algérienne du gouvernement Guy Mollet – il siégea à la commission chargée d’étudier la situation en Algérie au conseil national de la SFIO des 3-4 mai 1958 – puis il manifesta son opposition au retour au pouvoir du général de Gaulle et finalement participa à la scission qui vit la naissance du Parti socialiste SFIO autonome (PSA) en septembre 1958. Il fut délégué au congrès PSA de Montrouge en mai 1959. Installé à Issy-les-Moulineaux depuis 1947, comme militant du PSA il fut candidat aux élections municipales de mars 1959 sur la liste UFD.

Lors de la fondation du PSU, Gustave Stern fut élu membre de la commission exécutive de l’union départementale de la Seine du parti en avril 1960 et figurait parmi les « orateurs » de l’organisation. Membre du secrétariat interfédéral du PSU (Paris-Seine-Banlieue), crée au congrès fédéral des 10-11 décembre 1960, il a été désigné comme responsable à la formation. Il fut encore candidat PSU aux élections municipales de 1965 sur la liste d’Union démocratique (PCF, PSU, SFIO).

Dans les années soixante-dix, Gustave Stern militait au Parti socialiste, appartenant à sa tendance de "gauche", le CERES. Il collaborait à Diffusion socialiste, organe de la tendance dont il était l’un des 16 membres du conseil depuis 1974. Il collabora aussi à la revue anarchiste internationale Interrogations, animée par Louis Mercier, sous le nom de Heinz Zimmermann.

Ami personnel du chancelier Willy Brandt, il réalisa une longue interview de ce dernier en juillet 1976.

Les époux Stern ayant découvert à la Libération la gravité de la Shoah (leurs propres parents ayant été renvoyés en Pologne occupée après la défaite de 1939 et furent anéantis, probablement en 1942), sans se rapprocher ni du judaïsme ni du sionisme, ils avaient le souci de défendre le droit d’Israël à exister quand celui-ci semblait menacé, comme en 1967, dans la quinzaine précédant la guerre des Six Jours. Son fils Henri témoignait avoir grandi « dans un cadre familial dénué de toute référence rituelle ou idéologique au judaïsme : ni fêtes ni sabbat à la maison » dans un milieu dont les valeurs étaient celles « d’un humanisme démocratique, libertaire et internationaliste ». Ceux qui eurent la chance de le rencontrer dans ses dernières années purent découvrir un homme d’une grande culture européenne, d’un humour fin et extrêmement vif, témoin d’un demi-siècle de combats antitotalitaires.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159037, notice STERN Gustave, dit Gérard SANDOZ par Gilles Morin, version mise en ligne le 22 mai 2014, dernière modification le 17 août 2020.

Par Gilles Morin

ŒUVRES : Sous le pseudonyme de Gérard Sandoz : Ces Allemands qui ont défié Hitler, Paris, Office franco-allemand pour la Jeunesse, édition Pygmalion, 1980, 252 p. — Les Allemands sans miracle, Armand Colin, 1983, 287 p. — Il a dirigé La gauche allemande, Paris, Julliard, 1969, 256 p.

SOURCES : Arch. PPo, 77W433/209758. — Archives de l’Ours, fonds C. Fuzier. — Tribune socialiste, 4 juin 1960 et 4 février 1961. — Archives M. Osmin. — Arch. M. Klein, fichiers PSA-Seine. — Stern Henri, « De gauche, avec ou sans Israël », Outre-Terre, 4/ 2004 (no 9), p. 423-428. — La Révolution prolétarienne, n° 88, novembre 1954. — Notes de Marianne Enckell et de Julien Chuzeville.

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