Par Justinien Raymond
Né le 17 mai 1900 à Féternes (Haute-Savoie), mort le 10 juillet 1973 à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) ; instituteur ; militant syndicaliste du SNI et socialiste.
Stéphane Baud était le fils d’un chef vigneron du domaine de Ripaille à Thonon. Sa mère n’exerçait aucune profession. Après l’école primaire de la place des Arts, il fréquenta, de 1912 à 1916, l’école primaire supérieure annexée au collège de Thonon, où il prépara l’entrée à l’École normale d’instituteurs de Bonneville. Élève maître de la promotion 1916-1919, il fut chargé de suppléances à Fillinges, à Passy et à Abondance avant d’accomplir son service militaire. Instituteur à Saytroux (1921-1923), à Mijouet, commune de Fillinges (1923-1935), il termina sa carrière comme chargé d’enseignement au collège de Thonon, de 1935 à 1955, période coupée d’un déplacement à Ambilly (janvier 1941 à octobre 1942), de sept mois de vie clandestine pendant l’Occupation, puis de cinq mois de camp en Suisse.
Marié le 4 août 1923 à une institutrice Gabrielle Bourgeat, qui partageait ses convictions, Stéphane Baud mena une vie professionnelle féconde et une vie militante active que la retraite même n’interrompit pas. Instituteur rompu aux méthodes actives, il a marqué son passage partout où il exerça. Les paysans de Mijouet, même ceux, nombreux, qui ne partageaient pas ses convictions, le tenaient en haute estime. Mais son activité intellectuelle ne s’arrêtait pas aux murs de sa classe. Il fut un des auteurs d’une originale géographique du département de la Haute-Savoie parue en 1935. Sous la signature de Jean Concise, pseudonyme tiré d’un quartier de son enfance à Thonon, il a apporté jusqu’en 1966, une collaboration vivante à la Semaine thononaise dans le grand hebdomadaire savoyard Le Messager. De 1935 à sa mort, il fut l’animateur du groupe folklorique thononais « Sabaudia » dont il fut le président. Il suscita et, dans une grande mesure, réalisa un patient travail de recherche des danses et des chants du Chablais et du Faucigny. Sa connaissance du patois local lui permit de recueillir et de sauver de l’oubli de vieux airs et de vieilles danses populaires qui constituent aujourd’hui le répertoire de « Saubadia ». Il parraina, en 1957, la naissance d’une Union des groupes folkloriques haut-savoyards et, en 1966, la création d’une union internationale des groupes des divers pays alpins. Cette activité en fit un collaborateur de la revue Folklore, organe de la Confédération nationale des groupes folkloriques français dont le siège est au musée de Chaillot. Dans le numéro 50 de mars-avril 1960 consacré au centenaire de l’annexion de la Savoie à la France, sous le titre « Pages savoyardes », Stéphane Baud brossa un tableau de la vie du passé savoyard et des bouleversements apportés par cent ans de vie française. Trois petites pages ! Cependant peu de bibliographies établies en 1960 ont négligé de les citer. Et c’est justice, car c’est un modèle de raccourci historique.
Stéphane Baud ne fut cependant pas seulement un esthète. Il a toujours été un actif militant du SNI (syndicat national des instituteurs). Pendant trois ans, à compter de 1933, il assura le secrétariat de la section départementale de Haute-Savoie. Il fut ensuite élu par le personnel enseignant comme conseiller départemental. Membre du Parti socialiste SFIO isolé dans une commune orientée à droite, il fut un des soutiens du député Antonelli. À partir de 1935, il appartint à la section de Thonon. Quand l’heure de l’épreuve vint, il y fit face. Déplacé par les autorités de Vichy, on l’a vu, poursuivi par la police de l’occupant qui visait en lui l’ennemi engagé dans le Mouvement uni de la Résistance (MUR), Stéphane Baud appartint tout naturellement au comité de Libération de la ville de Thonon et reçut la médaille de la Résistance. Il siégea de 1943 à 1949 au conseil municipal où figuraient toutes les tendances politiques unies dans la clandestinité. Il y marqua son passage par une introduction au Plan d’aménagement de la ville qui constitue une solide étude géographique et de prospective urbaine.
Le rétablissement du scrutin de liste majoritaire l’écarta du conseil municipal en 1950, mais le corps électoral de Thonon le plaça nettement en tête de la liste d’opposition formée essentiellement de socialistes et de communistes.
Seule une affection de la vue ralentit quelque peu son activité dans les dernières années de sa vie. Il mourut fidèle à ses convictions et les Thononais suivirent en foule les obsèques civiles de celui qu’ils appelaient « Stif ».
Par Justinien Raymond
ŒUVRE : Outre les écrits cités dans la biographie, S. Baud a collaboré au Bulletin syndical départemental du SNI et au Socialiste savoyard.
SOURCES : Les œuvres citées. — L’Écho républicain du Léman, 14 juillet 1973. — Le Messager, 13 juillet 1973. — Enquête auprès de Madame Baud. — Souvenirs personnels.