TACCŒN Roger, écrit parfois TACCOËN ou TACCOEN

Par Jacques Defortescu

Né le 7 janvier 1924 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ; mort le 21 septembre 2001 militant CGT de l’automobile à Renault Cléon (Seine-Maritime) ; membre de la commission exécutive de l’Union départementale de Seine-Maritime ; directeur de Stages d’Éducation syndicale de l’Union départementale CGT de Seine-Maritime ; secrétaire du Comité d’Entreprise de Renault Cléon de 1975 à 1981 ; membre du comité central d’Entreprise de la Régie Renault ; créateur et secrétaire de la section retraité CGT Renault Cléon. Prêtre ouvrier.

Roger Taccoen en 1979
Roger Taccoen en 1979

Le père de Roger Taccœn, Géry, charcutier à Boulogne-sur-mer, mourut le 14 février 1928, des suites de ces blessures à la Première Guerre mondiale, sans que sa veuve n’a pu faire reconnaître les dommages qui entrainèrent la mort de son mari. Roger Taccœn en était resté profondément marqué comme d’une injustice. Il déclara d’ailleurs plus tard à ce propos : « En voulant rejoindre les travailleurs et les exclus, je ne pouvais pas ne pas penser aux conséquences de l’injustice qu’avait subie ma mère et la manière avec laquelle elle a su y faire face »

Il était rentré au petit séminaire à Hazebrouck le 1er octobre 1935, très influencé par l’Abbé Lemire (ancien maire et député d’Hazebrouck). Il fut une première fois atteint par la tuberculose en 1936 (il avait alors douze ans) Les premiers contacts avec le monde ouvrier remontent à son arrivée à Fives avec sa famille, à cette occasion l’Abbé Noddings lui avait fait connaître au travers de la JOC les travailleurs.

Le 27 septembre 1943, il était rentré au grand séminaire chez « Les Fils de la Charité » à Issy-les-Moulineaux. En 1944, pour éviter de partir au STO, il avait pris un faux nom et de faux papiers. Il s’appelait alors Raoul Tricot et n’avait que quinze ans. Il rentrait à partir de cette même période chez Carbonne Lorraine à Gennevilliers ou il travaillait essentiellement de nuit. Il fit alors quelques sabotages sur les pièces destinées à l’aviation allemande.

Il fut ordonné prêtre le 29 juin 1949 à l’église Saint-Vincent-de-Paul de Clichy. Sa première paroisse fut celle de Petit Colombes route de Saint-Denis à Nanterre. En 1953 il était rentré au Sanatorium, c’est là qu’il apprit le russe.

En septembre 1956 il fut nommé au Grand-Quevilly à la paroisse Sainte Bernadette, il y resta dix ans. Il s’occupa alors beaucoup de la JOC qui dans les années 1960 se développa de manière importante. Il organisa dans ces mêmes années 1960 un voyage en car en Union Soviétique avec les jeunes, ce fut aussi à cette occasion qu’il apprit…. l’allemand ! Le voyage eut lieu de Rouen à Moscou, avec retour par Prague, Nuremberg et Strasbourg. Par la suite en juillet 1961, il organisa un voyage en Hollande, puis la Scandinavie en 1962. Pendant 7 ans il parcourra les routes d’Allemagne, d’Autriche et de Yougoslavie. Il organisait aussi pour la JOC des camps de jeunes en Autriche, en Tunisie et en Allemagne et en Italie.

En septembre 1966, il entra chez Masselin avec Michel Housard prêtre du diocèse de Rouen, à mi-temps. Il devint ainsi prêtre-ouvrier. C’est en 1968, chez Masselin qu’il adhéra à la CGT.

Le 2 novembre 1970, il fut embauché à Renault Cléon, entreprise de la région rouennaise qui à l’époque regroupait 9 000 salariés, aux boites de vitesses automatiques. Pour se faire recruter, il cacha qu’il était prêtre.

En 1971, Roger Taccœn fut élu au Comité d’ Entreprise (CE) de l’usine, il anima dès lors la commission Loisirs et Culture. Lors de la célébration du 50e anniversaire de l’ordination sacerdotale de Roger Taccœn au complexe sportif de l’usine Renault Cléon, le 27 juin 1999, Manuel de Almeida, militant communiste dans l’entreprise, ancien secrétaire du Comité d’ Entreprise et ancien secrétaire du Syndicat CGT de l’entreprise, déclara notamment à son sujet : « Dans notre usine, nous sommes tous des collègues, des amis, voire des camarades. Mais toi Roger, tu étais beaucoup plus que tout ça, tu étais un compagnon »
En 1973, il est réélu au C.E. et est devenu à cette occasion le Secrétaire adjoint.

De 1974 à 1982, il développa les activités sociales et culturelles du C.E. tel que le centre de loisirs pour les enfants du personnel, mais aussi le terrain de camping d’ Hermanville près d’Ouistreham, il créera des cours de langue en allemand et en anglais.

En 1976, réélu, il devint alors le secrétaire du CE, responsabilité qu’il exerça pendant six années consécutives, jusqu’en 1981. Il était également à cette période élu au comité central d’ Entreprise, sans y avoir pour autant des responsabilités bien spécifiques aux dires de ses camarades, l’ensemble des responsabilités les plus importantes étant prises d’après eux, par les élus CGT de Renault Boulogne Billancourt.

Pendant toute cette période, Roger Taccœn exerça une intense activité syndicale.

Elu à la Commission Exécutive de l’Union Départementale CGT, il a joué un rôle important avec Albert Perrot dans la formation des militants syndicaux du département et au-delà dans la création et le développement de la Commission Régionale d’Éducation Ouvrière (CREO) de Normandie, ou Roger, comme le déclara Samuel Filliatre secrétaire de l’Union Locale CGT de Quevilly –Couronne, responsable départemental des questions de formation , « a montré sa grande capacité de pédagogue. »

Lors de ces obsèques, Jacky Touzain, ancien secrétaire du Syndicat CGT rappelait qu’en 1997, (Roger était déjà en retraite depuis 15 ans) lors d’un grand conflit contre 225 licenciement, Roger était présent à ce conflit et organisa des rencontres avec l’ACO, avec la présence des autorités religieuses, pour une expression contre les licenciements distribuée par les militants de l’ACO dans l’ensemble de l’usine. Durant les 9 mois de conflit Roger sera aux côtés des militants syndicaux dans l’usine. En juillet 1998, deux salariés licenciés se mirent en grève de la faim, Roger rendit visite aux grévistes et leur assura de son soutien et du soutien de l’église.

Roger Taccœn mena de pair son travail à l’usine, son abnégation à toute promotion professionnelle, de manière à pouvoir partager la peine des plus humbles travailleurs, de comprendre ou essayer de comprendre les problèmes familiaux de tous ces salariés, de tenter de communiquer sa foi par des mots simples. Cela ne s’arrêtera pas en 1982, date de son départ en retraite de la vie active. Il ne raccrocha pas sa soutane, ni son militantisme comme le déclarera Michel Durand, un des dirigeants du syndicat CGT Renault Cléon « démontrant ainsi que la vie active ne s’arrêtait pas à la sortie de l’usine, pour continuer le combat avec le monde du travail ». Il créa et organisa la première section syndicale des retraités CGT de Renault Cléon, de manière conviviale et revendicative. Il dirigea cette section syndicale jusqu’en 1993. Il en devint par la suite et jusqu’à son décès le trésorier.

Roger Taccœn mourut le 21 septembre 2001 après plusieurs jours passés dans un coma diabétique profond. La célébration de ses obsèques eut lieu à Grand-Quevilly en l’église Sainte-Bernadette le 25 septembre 2001. À cette occasion, Jacky Touzain, ancien secrétaire général du syndicat CGT Renault Cléon déclara notamment : « Ses convictions, sa foi, sa bonté, sa gentillesse, ses qualités d’écoute ont fait que Roger a eu très vite des responsabilités dans notre syndicat.. Sympathisants ou pas à la CGT : tout le monde à Cléon connaissait Roger. Dans le domaine du contact, Roger était formidable ». Un de ces camarades de travail, Jean Pierre Portier dit aussi à cette occasion : « Il a laissé l’image d’un camarade compréhensif, chaleureux, bon, soucieux des autres et faisant preuve d’abnégation »
Son inhumation eut lieu au cimetière de Socx (Nord).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159086, notice TACCŒN Roger, écrit parfois TACCOËN ou TACCOEN par Jacques Defortescu, version mise en ligne le 23 septembre 2014, dernière modification le 2 mars 2019.

Par Jacques Defortescu

Roger Taccoen en 1979
Roger Taccoen en 1979

SOURCES : Document édité à l’occasion de son décès qui regroupe les éléments de ses 35 ans de sacerdoce le 16 juin 1984 aux Essarts à Grand-Couronne, et les 50 ans de son ordination sacerdotale le 27 juin 1999 dans la salle de sport du CE Renault à Cléon, intitulé : « Vous avez donné tant de bonheur ! ». — Roger Taccœn, Une certaine joie de vivre, préface de Jacques Duquesne,- 1993, 180 pages, à compte d’auteur. — Enquête et renseignements auprès des militants CGT de Seine-Maritime et plus particulièrement auprès des anciens élus de l’usine Renault Cléon.

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