PRÉVOST Claude, Marc

Par Jacques Girault

Né le 7 juillet 1927 à Châtellerault (Vienne), mort le 23 avril 1992 à Poitiers (Vienne) ; professeur agrégé d’allemand ; militant communiste dans la Vienne ; intellectuel communiste.

Son père, receveur d’octroi, devint agent de police. Révoqué pendant l’Occupation, réintégré à la Libération, il était sympathisant communiste. Sa mère, devenue vendeuse, était, après la guerre, membre de l’Union des femmes françaises. Claude Prévost, après avoir été élève au collège de garçons de Châtellerault, poursuivit ses études à la faculté des lettres de Poitiers où il obtint une licence d’allemand, tout en étant surveillant d’externat et membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire depuis 1951. Inscrit à l’Université de Tübingen dans la zone d’occupation française en Allemagne, d’octobre 1949 à juillet 1951, il fut réformé du service militaire. Il se maria en août 1951 à Bourgueil (Indre-et-Loire) avec Gisèle Echapt, alors étudiante, membre du Parti communiste français (voir Gisèle Prévost). Le couple eut deux filles et deux garçons.

Devenu adjoint d’enseignement au lycée Henri IV de Poitiers, Claude Prévost fut reçu au nouveau CAPES au début des années 1950, et nommé professeur certifié au même lycée de Poitiers, dont les classes de second cycle et classes préparatoires furent transférées au lycée Camille Guérin de Poitiers à partir de 1966. Promu au grade d’agrégé au milieu des années 1970, il enseignait pour une partie de son service en Première supérieure (préparation de l’option allemand à l’ENS de Saint-Cloud). Il prit sa retraite à la fin des années 1980 au grade d’agrégé hors-classe.

Claude Prévost adhéra au Parti communiste français en juillet 1951. Il entra au bureau de la section de Poitiers en novembre 1955, devint directement membre du bureau de la fédération en 1956. Il suivit l’école centrale du PCF en août 1960 et fut responsable des intellectuels de la fédération à partir de 1962. De 1961 à 1964, il fut en outre secrétaire départemental du Mouvement de la Paix. Il demanda en 1964 à ne plus faire partie du bureau fédéral en raison de ses responsabilités à La Nouvelle Critique, mais n’en partit qu’en 1968 pour y revenir de 1971 à 1982. Il cessa d’en être membre en 1985 en raison de son activité dans la presse communiste nationale.

En tant que responsable des intellectuels, Claude Prévost contribua, avec l’aide de l’Union des étudiants communistes, à la création en 1963 de l’Université nouvelle. Il appuya, dans un premier temps, Jean-Louis Houdebine dans son action et prononça en 1965 le cours de philosophie mais il n’empêcha pas la disparition de l’initiative confrontée à de fortes discussions sur la question du roman, sur laquelle il ne fut pas suivi. Sa tentative d’organiser une semaine de la pensée marxiste échoua.

Sa responsabilité dans la direction fédérale en direction des intellectuels l’amena à intervenir nationalement. Dès mars 1963, comme d’autres membres du comité de rédaction de La Nouvelle Critique, il écrivit au bureau politique du PCF pour critiquer les dangers encourus par les intellectuels communistes devant la confusion provoquée par l’attitude autoritaire de Roger Garaudy dans les débats idéologiques. Par la suite, il joua un rôle dans les débats internes à la fédération après le comité central d’Argenteuil (mars 1966). Le 17 décembre 1966, il signa une contribution intitulée "Sur les problèmes intellectuels et culturels" où il critiquait la révolution culturelle, prenait position sur l’humanisme, et affirmait son accord avec les orientations d’Argenteuil sur la conjonction des efforts des intellectuels. Il critiquait Garaudy qui, dans Marxisme du XXe siècle, rejetait, selon lui « en bloc les travaux d’Althusser » qui condamnait, selon Prévost, toute recherche théorique et qui critiquait les revues communistes publiant Althusser, dont La Nouvelle Critique. Il ajoutait dans sa lettre d’accompagnement « Je n’y retrouve pas l’esprit d’Argenteuil, d’autant que Garaudy exerce son activité professionnelle dans la fédération et que je suis responsable aux intellectuels dans la fédération. » La direction du PCF demanda à Jacques Chambaz de discuter avec lui et de lui proposer de remanier son texte, ce qu’il fit. Henri Krasucki, responsable aux intellectuels, et Chambaz s’opposèrent à la publication de ce nouveau texte, et Roland Leroy et Georges Marchais estimèrent qu’il fallait poursuivre la discussion.

Cette prise de position sur le terrain national eut des correspondances dans la fédération de la Vienne. Paul Fromonteil décrivit la situation dans une lettre au secrétariat du PCF. Selon lui, les difficultés du PCF s’expliquaient notamment par le changement de direction consécutif à l’effacement d’Alphonse Bouloux, le dirigeant historique. Le secrétaire fédéral, Maxime Dumas, pensait que Prévost aspirait à diriger le PCF dans la fédération et à Poitiers. Prévost s’expliqua longuement par lettre du 15 mai 1967. Il contestait les orientations que donnait le secrétaire fédéral à l’activité du Parti s’éloignant d’un travail démocratique et collectif. Il confirmait l’opinion de Fromonteil sur la non-responsabilité des intellectuels de la fédération dans les difficultés. Pourtant les rapports de Prévost avec ces derniers s’étaient dégradés. Il tendait, selon Fromonteil « à personnaliser les débats » entre « garaudistes » et « althussériens », à apparaître « comme un censeur se prévalant de l’autorité qui lui donnent la confiance du comité central et la valeur de ses recherches personnelles » et multipliait les « excommunications et des condamnations catégoriques ».

Constatant son échec, Claude Prévost demanda en mai 1967 à être relevé de sa responsabilité aux intellectuels. Ce qui ne se fit pas et se traduisit par un affaiblissement de l’intervention du PCF sur ces questions dans la Vienne, notamment dans ses relations avec les nombreux universitaires.

il occupait en effet une place croissante dans le PCF dans les débats sur les questions intellectuelles. Devenu membre du comité de rédaction de La Nouvelle Critique en janvier 1962, ce qui l’amenait à écrire des articles sur divers sujets, il accomplissait en parallèle un important travail de traductions (depuis l’ouvrage d’Auguste Bebel, Les femmes et le socialisme en 1964, plus tard de romans d’Anna Seghers, de Christa Wolf) et de réflexions personnelles sur l’écriture littéraire. Il accepta, en mars 1963, de devenir membre du comité de rédaction de la revue Recherches internationales à la lumière du marxisme avec la responsabilité pour un numéro spécial, « La déportation dans la littérature et l’art ». Il jouait un rôle croissant dans La Nouvelle Critique et, quand Jacques Arnault envisagea de quitter sa responsabilité de rédacteur en chef en 1964-1964, il refusa la proposition de le remplacer, mais accepta en 1965 de suppléer André Gisselbrecht, malade, dans les fonctions de rédacteur en chef adjoint. Dans le même temps, il donnait des conférences à la demande du Parti et faisait un cours à l’école centrale sur le Parti. En 1966-1967, il mit notamment Jean-Louis Houdebine en contact avec les animateurs de Tel Quel. Mais il se brouilla avec lui par la suite.

Claude Prévost continua à jouer un grand rôle parmi les communistes de la Vienne et fut notamment candidat aux élections municipales de Poitiers en 1971 sur la liste « Pour une gestion sociale et démocratique ». Il animait la cellule des lycées de Poitiers, puis du lycée Camille Guérin, Paul Eluard.

Son activité principale s’étendit sur le plan national. Auprès du comité central du PCF, une commission des intellectuels se mit en place. Il fut immédiatement concerné après la décision du secrétariat du Parti, le 9 avril 1964, d’envoyer en septembre en République démocratique allemande une délégation d’intellectuels communistes. Son militantisme demeurait centré, en relations avec les intellectuels de La Nouvelle Critique, sur son intervention dans les débats autour des rapports entre idéologie et littérature. L’ouverture décidée par le comité central d’Argenteuil l’amena à se rapprocher des intellectuels d’avant-garde. Quand le 12 septembre 1969 parut dans la page « Idées » de l’Humanité un article de Jean-Pierre Faye, directeur de la revue Change, sous le titre frisant la dérision sur le « camarade » Mallarmé », Philippe Sollers répondit et le même jour, Prévost approuva ce dernier dans un autre article. Animateur principal lors de l‘organisation du deuxième colloque de Cluny (avril 1970) avec les membres de Tel Quel, il fut le responsable de la publication de ses actes sous le titre « Lutte idéologique et littérature » dans un numéro spécial de La Nouvelle Critique.

Claude Prévost écrivit de nombreux articles sur la littérature et le rôle de l’écriture littéraire. Traducteur et diffuseur des écrits de Georges Luckas (Écrits de Moscou, (Éditions sociales, 1974, Textes choisis, Paris, Messidor, 1985), il défendait le rôle de l’engagement social et de l’intention politique dans l’écriture, en réaction contre les analyses classiques de l’objectivité en littérature, reprise sous une autre forme dans les interprétations structuralistes. Outre son ouvrage Littérature politique et idéologie (Paris, Éditions sociales, 1973), il utilisa ces principes dans des articles publiés dans des publications communistes (par exemple « L’avant garde aujourd’hui. Rapports à la psychanalyse et travail d’écriture » dans France Nouvelle du 5 avril 1976 ou « Aragon, Gracq, Simon. L’écriture du désastre » dans La Pensée, mars 1991) et ses ouvrages dont Littérature et dépaysement (Paris, Éditeurs français réunis, 1979). Ses travaux, parfois collectifs, généralisèrent ses analyses politiques et littéraires.

Ses analyses portèrent aussi sur les grandes questions du temps. Dans Les étudiants et le gauchisme (Paris, Éditions sociales, 1968), il examinait les raisons et les caractéristiques de la contestation étudiante qui fut trompée par les interventions politiques des mouvements gauchistes. Il intervint aussi avec Antoine Casanova et Joë Metzger dans un ouvrage de combat, Les intellectuels et la lutte de classe (Paris, Éditions sociales, 1970).

Claude Prévost, enfin, mettait en pratique ses conceptions, en rendant compte d’ouvrages littéraires dans la presse communiste, de plus en plus dans l’Humanité, en tandem avec Jean-Claude Lebrun qu’il avait connu à Poitiers. Il analysait les ouvrages en montrant toujours leur intérêt, comme illustration de la créativité de la littérature française contemporaine pourtant en crise. Il manifestait une indépendance de pensée, critiquant le dirigisme culturel de la République démocratique allemande ou réhabilitant Paul Nizan, ce qui lui tenait beaucoup à cœur. Leurs qualités furent reconnues et ils s’associèrent dans Nouveaux territoires romanesques (Paris, Messidor, 1990).

Un an après son décès, un hommage lui fut rendu à Poitiers, réunion à l’initiative de sa veuve et de ses enfants, dans la chapelle du lycée Henri IV. De nombreux témoignages de sympathie et de respect furent apportés à la mémoire du militant, de l’intellectuel, et de l’enseignant (y compris venant du président de la région, Jean-Pierre Raffarin qui l’avait eu comme professeur). À cette occasion une association « Les amis de Claude Prévost » prit naissance. Dans son article de l’Humanité, le qualifiant de « passeur d’expériences », Jean-Claude Lebrun invoquait une « filiation aragonienne » dans la chronique littéraire se réclamant de la « pédagogie de l’enthousiasme ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159189, notice PRÉVOST Claude, Marc par Jacques Girault, version mise en ligne le 29 mai 2014, dernière modification le 16 juillet 2022.

Par Jacques Girault

ŒUVRE : Les fichiers de la BNF comprend 16 références.

SOURCES : Archives du comité national du PCF. — Philippe Forest, Histoire de Tel Quel. 1960-1982, Paris, Le Seuil, 1995. — Frédérique Mattonti, Intellectuels communistes. Essai sur l’obéissance politique. La Nouvelle Critique, Paris, La Découverte, 2005. — Maxime Vallée, La fédération de la Vienne du PCF de la mort de Maurice Thorez à la signature du Programme commun (1964-1972), mémoire de master 2, UFR des sciences humaines et arts de Poitiers, 2013. — Notes d’Alain Dalançon et de Claude Mazauric.

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