RIVÉRA Marie-Jeanne

Par Jean Lenoble

Née le 7 septembre 1938 à Pieusse (Aude) ; ouvrière chez Riu Sarda à Limoux (Aude) ; militante communiste (1963-2002) ; militante syndicale depuis 1956 et toujours active (2008) à la CGT (fédération des Cuirs et Peaux) ; conseillère municipale de Limoux élue en 1977, adjointe au maire de Limoux depuis 1983.

Ses parents sont d’origine italienne ont quitté leur pays en 1934, pour fuir la faim et le fascisme ; son père était ouvrier agricole.

Marie-Jeanne Rivéra a été scolarisée jusqu’à l’âge de quatroze ans ; en août 1952 elle est embauchée comme ouvrière à la fabrique Riu Sarda. C’est dans le monde de la fabrique qu’elle prit conscience de l’existence d’injustices de toutes natures dont sont plus particulièrement victimes les femmes et les jeunes ouvriers auxquels certains chefs et sous-chefs n’épargnent pas grossièretés et humiliations. Marie-Jeanne Rivéra symbolisa, à Limoux, le combat conduit pour la défense des salariés des établissements du groupe Myrys privés d’emploi depuis sa cessation d’activité et qui a compté jusqu’à 1100 postes de travail dans la deuxième moitié du XXe siècle.

En novembre 1956 Marie-Jeanne Rivéra manifesta son refus de courber l’échine en participant à sa première grève et en adhérant à la CGT qui n’était pas encore implantée dans l’usine où seule la CFTC comptait quelques adhérents. Marie-Jeanne Rivera y introduisit la CGT en constituant une section. Elle n’avait que 18 ans et malgré son très jeune âge elle militait déjà contre la guerre en Algérie et deux ans plus tard elle participa très activement à la campagne en faveur du vote « Non » au référendum constitutionnel du 28 septembre 1959, acte de naissance de la Ve République.

En 1963 elle adhéra au parti communiste et l’année suivante, menant de pair une action syndicale et une action politique, elle accepta des responsabilités à la Fédération CGT du syndicat des cuirs et peaux dont elle fit partie du bureau national de 1967 à 1979. Sur le plan politique local elle fut candidate, à Limoux, sur la liste communiste, aux élections municipales de 1971 ; au second tour la liste socialiste ayant fusionné avec la liste communiste elle est au nombre des sept candidats communistes qui, ayant eu le plus de voix au premier tour, figurèrent sur la liste devenue d’union de la gauche ; mais aucun d’entre eux ne fut élu, les sept sièges revenant à autant de candidats de droite par le jeu du panachage. Au renouvellement suivant, en 1977, l’union de la gauche joua dès le premier tour et Marie-Jeanne Rivéra, avec toute la liste, fut élue au conseil municipal et réélue depuis, sans aucune interruption.

Entre-temps, aux élections législatives de mars 1978, Marie-Jeanne Rivéra fut candidate dans la 3e circonscription de l’Aude ; elle arriva en deuxième position avec près de 9 500 voix, derrière le candidat socialiste, Jacques Cambolive, dont le score fut de 16 800 voix et en faveur duquel elle se désista ce qui lui permit de battre le député de droite sortant, Jean-Pierre Cassabel.

Au conseil municipal la collaboration entre élus communistes et élus socialistes ne fut pas de tout repos ; dans une affaire immobilière qui a fait quelque bruit à l’époque, c’était en 1978, le groupe communiste accusa le maire socialiste, Robert Badoc, d’avoir favorisé volontairement un concurrent de la ville à des enchères portant sur un domaine où il aurait dû surenchérir et avait pouvoir de le faire. Un conseiller municipal communiste, Christian David, ayant mis le maire publiquement en cause et celui-ci ayant intenté une action judiciaire à son encontre, Marie-Jeanne Rivéra apporte non moins publiquement son soutien à ce dernier ; d’où la fracture entre les deux groupes de la gauche au conseil municipal. Aux élections municipales suivantes, en 1983, communistes et socialistes se présentèrent aux électeurs sur des listes distinctes mais aux termes d’un accord passé au vu des résultats électoraux, les communistes obtiennent une représentation au bureau municipal. Marie-Jeanne Rivéra fut élue à un poste d’adjointe, ce qu’elle est toujours plus de vingt ans plus tard, après les élections de 2001 ; l’année suivante, en 2002, elle quitte le parti communiste, en désaccord avec la mutation amorcée par sa direction nationale qu’elle considérait comme conduisant le parti communiste à la perte de son âme.

Mais ce fut dans le combat syndical que Marie-Jeanne Rivéra fut le plus impliquée ; pour elle, et pour reprendre mot à mot ses propos, “c’est l’essentiel de ma vie”. Investie de la confiance sans réserve des salariés de son entreprise qui lui valut d’être reconnue comme une interlocutrice incontournable par ses patrons qui connaissent son influence dans les ateliers, elle ne fut pas étrangère au fait que, chez Myrys, les salaires des ouvriers étaient de peu inférieurs à ceux qui ont cours dans les fabriques de la Drôme et chez Bailly, qui, dans la branche, se situaient dans le haut de gamme, ce qui n’était pas le cas de Myrys.

En 1987 Myrys fut cédé à Bata ; pendant quelques années l’entreprise survécut mais en 1995 la fermeture fut décidée alors que l’effectif se situait encore à près de 500 ouvriers dont les derniers furent finalement licenciés dans le courant de l’année 2001 ; le plan de conversion et les 20 mois de congés payés qu’il comportait prit fin en juillet 2002. Le combat n’était pas terminé et c’est à Marie-Jeanne Rivéra que les salariés durent son prolongement ; sur le plan du contentieux prud’homal cette fois, et avec un succès spectaculaire ; en effet les 118 premiers anciens salariés qu’elle avait convaincus d’engager une procédure obtinrent définitivement et sans qu’il en fût fait appel, 2 450 000 € d’indemnités (soit plus de 20 000 € chacun en moyenne) ; encouragés par ce résultat près d’un millier d’autres va s’engager dans la même voie. C’est Marie-Jeanne toujours qui conduit, pour leur compte, les opérations et assure le relais entre les demandeurs et l’avocat choisi en fonction de sa pratique dans ce domaine ; à savoir Maître Xavier Médeau, du barreau de Charleville-Mézières, qui s’est fait une notoriété méritée dans la défense des intérêts des salariés de l’usine Célatex, dans les Ardennes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159268, notice RIVÉRA Marie-Jeanne par Jean Lenoble , version mise en ligne le 31 mai 2014, dernière modification le 31 mai 2014.

Par Jean Lenoble

SOURCES : Entretiens avec Marie-Jeanne Rivéra. – Presse régionale. – Dossiers d’archives pour les élections. – Le combat des Myrys ouvrage publié à l’initiative de la CGT Myrys et ATTAC Vallée de l’Aude, Aubenas, Liénhart 2002.

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