PINTUCCI Oreste

Par Claude Cuenot

Né le 20 août 1920 à De Castel San Nicolo (Italie), mort à Montbéliard (Doubs) le 27 novembre 1993 ; ajusteur chez Peugeot à Sochaux (Doubs) ; syndicaliste CGT ; secrétaire général du syndicat CGT des métaux de Sochaux de 1950 à 1969 ; communiste ; membre du comité fédéral communiste du Doubs de 1955 au début des années 1990.

Le père d’Oreste Pintucci, employé municipal à Florence, émigra en France au début des années 1920. Il devint mineur de fer à Piennes (Meurthe-et-Moselle) puis travailla comme ouvrier agricole. Naturalisé en 1931, il votait socialiste mais sans jamais parler de politique. Il n’était pas davantage catholique pratiquant et assistait à la seule messe de la Sainte-Barbe. Après son décès, la famille s’installa à Bethoncourt (Doubs), commune voisine de Montbéliard, dans les cités ouvrières des filatures de la Lizaine.

Embauché le 1er juillet 1936 par la société des automobiles Peugeot à Sochaux (Doubs) dès sa sortie de l’école pratique Peugeot, Oreste Pintucci travailla à l’outillage général comme ajusteur et adhéra à la CGT les jours suivants pendant la grève pour l’application des accords Matignon. Ami avec Joseph Maetz (voir ce nom) qui animait le club de football, c’est avec lui qu’il rejoignit les Jeunesses communistes de Bethoncourt quelques semaines plus tard puis le Parti communiste l’année suivante. En mai 1938, il assista à l’assemblée générale de l’Union locale de Montbéliard où les ex-confédérés furent mis en minorité. Il fut licencié pour avoir participé à la grève du 30 novembre 1938, mais réintégré immédiatement en perdant son ancienneté.

Lors de la débâcle de juin 1940, Oreste Pintucci s’enfuit dans la Drôme et s’employa à divers travaux agricoles. Il revint à Bethoncourt en novembre et travailla à nouveau à l’usine Peugeot. Il reprit le contact avec le Parti communiste qui se réorganisait dans son atelier avec René Thériot, Auguste Croissant et Charles Joly*, responsable de la CGT clandestine et bientôt du Front National. À partir de mars 1942, Oreste Pintucci diffusa divers tracts que Charles Joly, son voisin de travail, lui cachait, puis il devint agent de liaison du groupe constitué par Pierre Georges (voir ce nom) dans le Pays de Montbéliard.

Arrêté le 2 juillet 1942 avec plusieurs dizaines d’autres communistes montbéliardais, Oreste Pintucci fut emprisonné d’abord à la prison de Besançon, puis au camp d’Ecrouves (Meurthe-et-Moselle) où il retrouva Gaston Genin*. Ayant refusé de signer une demande de révision de son dossier, il fut déchu de sa nationalité française et conduit à Voves (Eure-et-Loir) le 1er novembre 1943. Encouragé par des détenus comme Tournemaine*, Semat* et des enseignants, il suivit les cours de français, de sciences naturelles et d’histoire du mouvement ouvrier organisés sur place. Suite à l’évasion d’une quarantaine de prisonniers en mai 1944, il fut déporté au camp de Neuengamme et affecté notamment au déchargement des péniches. Par chance, déjà très affaibli, il fut affecté à Landgericht (Westphalie) pour la fabrication de châssis d’avion où il se lia d’amitié avec Edmond Cher *. Ensuite, il travailla pour une piste d’aviation près de Magdebourg.

De retour à Bethoncourt, atteint de dysenterie, Oreste Pintucci survécut à une période de coma.

Réembauché dans son ancien atelier de la société Peugeot à Sochaux, il repassa progressivement tous ses essais de qualification et devint ouvrier professionnel supérieur. Collecteur de la CGT à l’Outillage Général, il préférait néanmoins l’engagement avec le Parti communiste à Bethoncourt au côté de Maetz, limité cependant par son état de santé. Pourtant, contacté par Robert Roth* courant 1949, il accepta de prendre des responsabilités dans le syndicat des métaux de Sochaux, sans véritable direction depuis la scission syndicale aggravée par les démissions d’Emile Cattin et d’André Fournier. La grève de la métallurgie de février-mars 1950, très suivie à Sochaux et dans toute la région de Montbéliard-Belfort, fut un véritable révélateur pour Oreste Pintucci et il participa au comité intersyndical de grève. Mais la grève, vécue comme un échec, ne permit pas de rétablir un fonctionnement efficace de la CGT, et sur soixante-quatre délégués élus, une quinzaine seulement militait en mai suivant. Encouragé par Henri Beaumont (voir ce nom) qui suivait la région de Montbéliard, Oreste Pintucci accepta alors le poste de secrétaire adjoint du syndicat dans un secrétariat collectif avant d’être élu secrétaire général en septembre 1950.

Avec d’anciens résistants et déportés, comme Edmond Ménétré, employé secrétaire du comité d’entreprise dans les années 1950, Georges Gauchet, secrétaire du syndicat en 1945-1946, René Perraud, secrétaire de la section emboutissage, René Solleure ou Grosclaude, et de nouveaux militants comme Marcel Voisard* ou Maurice Chognard*, Oreste Pintucci réorganisa la CGT sochalienne. Il créa d’abord des sections syndicales dans les différents secteurs de l’usine des automobiles Peugeot aux effectifs croissants (13 000 en 1950, 23 000 en 1965). Cependant, en raison d’une très grande dispersion géographique du personnel transporté dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Sochaux, il fut toujours difficile de réunir les adhérents mais aussi les militants. Oreste Pintucci fut parallèlement secrétaire adjoint du comité d’entreprise. Il refusa de signer l’accord d’entreprise du 10 décembre 1955, accepté puis reconduit les années suivantes par la CFTC, FO et le syndicat indépendant. La direction de la société des Automobiles Peugeot proposait là un régime de retraite complémentaire et des compléments maladie et accidents tout en demandant aux syndicats de signer des engagements très précis avec notamment une procédure très contraignante pour le déclenchement d’une grève. Des conflits éclatèrent pourtant en 1960, 1961, 1963 et 1965. Si la CGT obtenait 59 % des voix dans le collège ouvriers en 1962 par exemple, elle resta faible parmi les mensuels malgré une progression de 16 à 23 % de 1952 à 1962. Oreste Pintucci participa aussi au bureau de l’Union départementale du Doubs à partir de 1952, alors dirigée par Robert Charles* secondé par Robert Roth*.

En mai 1968, Oreste Pintucci contribua à la mise en place du comité de grève intersyndical à Sochaux. Réservé au départ sur le « forum », ce lieu de débat et d’assemblées générales durant l’occupation de l’usine violemment condamné par le responsable communiste Serge Paganelli *, il y participa pourtant durant presque tout le conflit. Dans la nuit du 11 juin, un millier de gardes mobiles et de CRS attaquèrent violemment les piquets de grève. Les grévistes ripostèrent seuls toute la journée tandis que les représentants syndicaux dont Oreste Pintucci et les élus comme André Boulloche* cherchèrent à obtenir le départ des forces de l’ordre. En tant que secrétaire du syndicat CGT, il prononça le discours des obsèques des deux ouvriers tués durant ces affrontements.
Oreste Pintucci se retira progressivement de la direction de son syndicat après 1968 et se consacra davantage à l’action politique. Membre du bureau de la section de Sochaux du PCF depuis le début des années 1950 (cent soixante-cinq adhérents dans quatorze cellules d’entreprise en 1965), Oreste Pintucci participa au comité fédéral du Doubs de 1955 à 1988. De 1971 à 1989, il fut adjoint au maire communiste de Bethoncourt pour la voirie et représentant au syndicat intercommunal des eaux. En 1984-1985, lorsque la majorité du comité fédéral contesta le fonctionnement du PCF, le « bilan globalement positif » des pays de l’Est et le « glissement à droite » de la société française, il resta fidèle à la direction du parti. Avec l’envoyé du comité central René Le Guen*, Pierre Rizzi *et Joseph Adami*, il combattit ces tendances des « reconstructeurs » très majoritaires dans le Pays de Montbéliard. La dissolution en octobre 1988 de la fédération du Doubs se traduisit ici par un très net affaiblissement du Parti communiste et, jusqu’à la fin de sa vie, Oreste Pintucci aida des militants plus jeunes à restaurer cette organisation.

Marié le 3 août 1951, Oreste Pintucci eut quatre enfants, dont un, milite aujourd’hui au PCF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159300, notice PINTUCCI Oreste par Claude Cuenot, version mise en ligne le 1er juin 2014, dernière modification le 1er juin 2014.

Par Claude Cuenot

SOURCES  : Arch. Dép. Doubs, 1 Z 89. — Arch. comité national du PCF : membres du comité fédéral 1953-1968. — Arch. Robert Roth, syndicat CGT des métaux de Sochaux. — Témoignages d’Oreste Pintucci et de Robert Charles. — Renseignements fournis par la famille. — Georges Minazzi, En lutte, Paris, Syros, 1978. — Jean-Paul Goux, Mémoire de l’enclave, Paris, Mazarine, 1986. — Claude Cuenot, La CGT dans le Doubs : l’Union départementale de 1944 à 1950, mémoire de maîtrise Besançon, 1990.

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