RABERIN Marguerite, Marie

Par Alain Dalançon

Née le 15 mai 1910 à Cuisery (Saône-et-Loire), morte le 13 mai 2015 à La Londe-les-Maures (Var) ; professeure de lettres ; militante syndicaliste du syndicat national des EPS (SNEPS) puis du SNCM (collèges modernes) puis du SNES ; résistante ; militante communiste.

Fille de Pierre, Franscisque Raberin et de Marie Bretin, instituteurs, Marguerite Raberin fut « adoptée par la nation » en 1919, car son père, sous-lieutenant au 39e Régiment d’infanterie, était mort le 13 novembre 1918 des suites de ses blessures. Elle suivit la voie tracée par ses parents et fut élève-maîtresse à l’École normale d’institutrices de Mâcon (Saône-et-Loire). Elle prépara ensuite à l’ENI de Lyon (Rhône) le concours d’entrée à l’École normale supérieure primaire de jeunes filles de Fontenay-aux-Roses qu’elle intégra en 1933 (section des Lettres). À Lyon et plus encore à l’ENS, sa conscience politique et syndicale s’éveilla. Sensible aux conséquences de la crise sur le recrutement des enseignants et le travail des femmes, elle s’inquiéta des dangers de la montée du fascisme en France et en Europe. Le 12 février 1934, avec quelques camarades, elle osa s’associer au mouvement de grève en refusant de participer au rite du chant matinal, alors que ses camarades de l’ENS de garçons de Saint-Cloud firent la grève des cours.

À sa sortie de l’ENS, Marguerite Raberin fut nommée professeur de lettres en octobre 1935 à l’école primaire supérieure de Nîmes (Gard) sur le poste d’une collègue détachée. Elle adhéra alors au Syndicat national des EPS et participa avec sa collègue, professeur d’histoire-géographie, Marie-Louise Roméan, aux réunions du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. En l’absence de création de poste à Nîmes, elle fut mutée l‘année suivante à l’EPS de Briançon (Hautes-Alpes) où elle allait rester deux ans, avant d’être nommée à l’EPS de Gap (Hautes-Alpes), annexée au collège.

Elle milita alors en faveur des républicains espagnols, dénonça les discours du colonel de la Rocque dans un article publié par le comité populaire de Gap et vint troubler les réunions du Parti social français. Elle devint responsable de la section de Briançon du SNEPS avant d’être secrétaire départementale à Gap mais en désapprouvant l’orientation de la direction nationale (Gustave Pacquez). Elle fut hostile à la signature des accords de Munich, participa à la grève du 30 novembre 1938 et adhéra au Parti communiste en 1939 car il était le seul, à ses yeux, à mener la lutte contre le fascisme. La signature du pacte germano-soviétique ne remit pas en cause son engagement à un parti auquel elle resta toujours fidèle.

En décembre 1940, d’abord proposée pour la révocation — elle l’apprit plus tard —, elle fut « déplacée » à l’EPS du Dorat (Haute-Vienne). Quelques jours avant son départ, suite à une distribution de tracts du Parti communiste clandestin, la police perquisitionna son domicile, mais sans rien trouver. Au Dorat, elle fut rejointe par une autre collègue « déplacée », Renée Ballon, militante socialiste se retrouvant dans l’orientation de Marceau Pivert mais sans adhérer au Parti socialiste ouvrier et paysan, professeur à l’ENI de Tarbes (Hautes-Pyrénées), coupable d’avoir fait la grève du 30 novembre 1938 et d’avoir accueilli des écrivains espagnols fuyant la dictature franquiste. Les deux jeunes femmes allaient constituer des recrues pour la résistance locale : bonnes cyclistes, elles jouèrent le rôle d’agent de liaison du Front national, de Limoges au Dorat, en transportant informations, tracts et éditions de Minuit. Renée Ballon adhéra alors au Parti communiste.

Lors de la libération du Limousin, Marguerite Raberin fit partie du comité de libération du Dorat, d’abord clandestin puis installé dans un baraquement où étaient réglés les problèmes matériels : accueil des réfugiés, vente de viande… À la rentrée 1944, elle écrivit au ministre en lui demandant un poste à Paris où elle avait de la famille. Le directeur de l’enseignement secondaire, Gustave Monod, lui proposa un poste au collège de Beauvais (Oise), qu’elle rejoignit avant d’être nommée à la rentrée 1945 au collège moderne de Courbevoie (Seine/Hauts-de-Seine)). Deux ans plus tard, elle fut mutée au collège Edgar Quinet à Paris, devenu lycée, où elle termina sa carrière en 1975.

Dès octobre 1944, elle avait appelée avec Renée Ballon, à Limoges, à la reconstitution du syndicat national devenu des collèges modernes. Arrivée dans la région parisienne, elle prit contact avec le SNCM toujours dirigé par Gustave Pacquez et allait devenir une des principales militantes de l’opposition aux côtés de Pierre Brasseul et de Georges Delboy. Au collège de Courbevoie, elle fit avec deux autres collègues la grève déclenchée par les instituteurs de la Région parisienne, à l’appel du Syndicat de l’enseignement de la région parisienne. Au début de l’année 1948, elle milita pour le maintien de son syndicat et de la Fédération de l’Éducation nationale à la CGT. Elle se retrouva dans la minorité « cégétiste » au congrès du SNCM et ensuite dans la commission administrative nationale avec Brasseul et Delboy. Après la fusion du SNCM et du SNES, elle figura comme candidate sur la liste « B » des certifiés pour les élections à la CA nationale de 1952, 1953 et 1954 ; elle était militante de la FEN-CGT et participa à tous ses congrès.

Dans le cadre de l’Union française universitaire, elle contribua en 1948 à l’élaboration d’un projet d’agrégation de lettres modernes présenté par Marcel Cohen ; elle le défendit à la FEN-CGT dans les colonnes de L’Action syndicaliste universitaire de décembre 1951, mais sans succès ; la question, débattue au SNES au même moment, n’eut pas plus de succès, notamment à cause de l’opposition radicale de la Franco-Ancienne dirigée par Maurice Lacroix.

Marguerite Raberin continua ensuite à militer au SNES à Paris sur les positions de la liste « B » puis « Unité et Action ». Après sa retraite, elle fit partie du bureau national de la section des retraités du SNES jusqu’en 1998. Elle acquitta sa dernière cotisation syndicale en 2011. Elle était restée célibataire et résidait 8, rue du Docteur Heulin, Paris (XVIIe arr.). Elle mourut à 105 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159325, notice RABERIN Marguerite, Marie par Alain Dalançon, version mise en ligne le 3 juin 2014, dernière modification le 24 octobre 2022.

Par Alain Dalançon

Congrès FEN-CGT 1953
Congrès FEN-CGT 1953

SOURCES : Arch IRHSES (Bulletin du SNEPS, du SNCM, L’Université syndicaliste, L’Action syndicaliste universitaire). — État civil de la mairie de Cuisery ; Morts pour la France 1914-1918, www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/.~— Interview de l’intéressée par l’auteur et André Drubay en 1997.

ICONOGRAPHIE : Photo au congrès de la FEN-CGT de 1953 (à gauche P. Brasseul) (© IRHSES).

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