PFAFF Robert, Louis

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

Né le 8 janvier 1921 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), mort le 1er décembre 1985 à Paris (XVIIIe arr.) ; prêtre du diocèse de Nancy, prêtre-ouvrier : fondeur, ouvrier du bâtiment, chauffeur-livreur, chauffeur de taxi ; délégué du personnel, membre du secrétariat du syndicat CGT des Aciéries de Longwy.

Louis Joseph Pfaff déclara à la naissance de son premier enfant – Robert – exercer la profession d’employé de commerce et sa femme, Marguerite Antoinette Collin, aucune. D’autres sources, notamment l’ouvrage collectif consacré aux prêtres-ouvriers du bassin de Longwy, Le ciel était rouge, indiquent que Louis Pfaff, d’origine alsacienne, était comptable dans une entreprise nancéenne et que sa femme avait été « brodeuse dans le point de broderie » – la renommée de Lunéville – et dirigé un petit atelier de broderie à Saint-Nicolas-de-Port. Robert Pfaff – surnommé Bob – grandit à Nancy (Meurthe-et-Moselle), fréquentant la paroisse du Sacré-Cœur où il fit du scoutisme. Ayant exprimé jeune son souhait de devenir prêtre, il entra en sixième à l’école presbytérale Notre-Dame puis, en quatrième, au petit séminaire et enfin intégra le grand séminaire de Nancy. À la fin de ses études, pendant la guerre, il se réfugia en Bretagne, chez un curé de Brest, pour échapper au Service du travail obligatoire.

Ordonné prêtre en 1944, Robert Pfaff fut envoyé comme vicaire à la paroisse Sainte-Thérèse de Nancy-Villers où il fut chargé du quartier populaire de la Chiennerie et de l’aumônerie d’une équipe de militants du Mouvement populaire des familles (MPF). Au cours de ce ministère, il fit la rencontre, décisive, de René Boudot qui allait l’entraîner à s’investir dans un apostolat missionnaire. Son dynamisme le fit nommer en octobre 1947 prêtre de quartier dans les cités de Landrivaux à Herserange (Meurthe-et-Moselle) pour faire partie de la mission qui se mettait en place dans le bassin de Longwy. Déjà, grâce à René Boudot, deux dominicains, Bernard Gardey et Jean Legendre y avaient fait un stage en usine du 26 juillet au 20 septembre 1946 et rédigé un rapport qui concluait que l’Église était absente du monde ouvrier et qu’il fallait créer les moyens de son évangélisation.

Comme il l’écrivit à son évêque, Mgr Fleury, Robert Pfaff vivait parmi les ouvriers dans « une garçonnière, en plein milieu d’eux, j’ai le même habitat que les plus déshérités d’entre eux. J’utilise les mêmes lavabos, je souffre comme eux du manque d’éclairage, des WC et de leur malpropreté… » Il ajoutait que ces conditions n’étaient pas suffisantes, qu’il fallait aussi partager le travail et briguer une place à l’usine. Rejoint bientôt par Michel Bordet, prêtre de Longlaville, il obtint comme lui de pouvoir travailler. Robert Pfaff s’embaucha la 1er août 1949 dans le cadre d’un stage à Senelle, puis entra comme fondeur aux Aciéries de Longwy, à Mont-Saint-Martin, qui, avec ses hauts-fourneaux, ses laminoirs, ses cinq mille ouvriers, était l’usine la plus importante du département. Il adhéra à la CGT en 1950 et fut élu délégué du personnel en 1951 à la suite des licenciements de délégués. L’âpreté des luttes était telle qu’il accepta de faire partie du secrétariat du syndicat dont Antoine Porcu* était secrétaire général. Il militait également au Mouvement de la Paix contre l’avis de son évêque, Mgr Lallier, qui lui interdit de participer à une manifestation en février 1952 comme de se rendre au congrès de Vienne au mois de novembre suivant.

Parallèlement, Robert Pfaff participait régulièrement aux rencontres des prêtres-ouvriers. Il fit partie de ceux qui élaborèrent, à l’automne 1952, le document intitulé « Problèmes que nous pose notre double appartenance à la classe ouvrière et à l’Église ». Il allait être vivement touché à la fois par les grèves d’août 1953 et les menaces qui pesaient sur le sacerdoce des prêtres-ouvriers. En effet, d’une part les Aciéries de Longwy ayant été à la tête des revendications en Lorraine, il fut licencié pour activité syndicale et qualifié d’« élément subversif », apprenant que Mgr Lallier jugeait son licenciement légal. D’autre part, il fut amené à défendre le bien-fondé de son apostolat, puis à signer le Manifeste des soixante-treize et, finalement, à choisir entre la fidélité à l’Église ou la fidélité à la classe ouvrière. Bien qu’ayant suivi un stage de formation professionnelle accélérée en vue du CAP de maçon, il décida, non sans déchirement, de se mettre à la disposition de son évêque, comme le firent ses deux compagnons Michel Bordet et René Margot. Il pensait qu’on avait fait de lui « un désaxé, au vrai sens du terme », que sa vie était « un exil » et qu’il avait « perdu 95 % de ses raisons de vivre ».

Après six mois au monastère de La Pierre-qui-Vire dans le Morvan où ils travaillèrent avec les moines, Robert Pfaff qui connaissait et appréciait André Depierre* obtint d’être détaché à la Mission de Paris et trouva du travail sur un chantier à Noisy-le-Sec. Il ne reprit pas ce travail après une grève, hésita entre revenir dans son diocèse et intégrer la Mission de Paris. En février 1960, il se rendit avec André Depierre, Gabriel Genthial, Jacques Vivez* et Bernard Tiberghien* à Rome afin de rencontrer divers membres de la Secrétairie d’État et du Saint-Office pour leur « marquer notre obéissance et notre confiance à la « Mère Église ». Nous pensions aussi de notre devoir de lui redire notre angoisse profonde devant l’abandon spirituel, la vie religieuse de la très grande majorité des travailleurs manuels de nos grands centres industriels. » Leur délégation fut reçue par Jean XXIII.

Au cours du concile Vatican II, Robert Pfaff fit aussi partie de plusieurs groupes successifs de prêtres-ouvriers français présents aux séances. Finalement, il fit équipe à Paris dans le XIIIe avec deux confrères, Michel Bordet et François Vidal. Après avoir travaillé dans le bâtiment comme maçon, il devint chauffeur-livreur dans la capitale pour une petite maison de commerce (chocolaterie), puis chauffeur de taxi à la Société G7 où il demeura pendant plus de vingt ans, estimant avoir enfin trouvé la possibilité d’exercer son apostolat : « Dans mon milieu de travail (taxis), j’ai pleine conscience d’être le prêtre des hommes. Ils n’en ont pas d’autres. » Il prit sa retraite en 1981.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159330, notice PFAFF Robert, Louis par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 2 juin 2014, dernière modification le 2 juin 2014.

Par André Caudron, Nathalie Viet-Depaule

SOURCES : AHAP. — Arch. dominicaines de la Province de France, section III série O 39. — Archives de la Mission de France, Le Perreux. — Combat, 1er mars 1954. — Courrier PO, février 1986. — Gérard Benoit, Rosette Choné, Jean-Claude Delbreil, Marcel Manciaux, Jean-Luc Mangeart, Jean-Marie Villaume, Le ciel était rouge, Metz, Serpenoise, 1994. — Jean-Marie Moine, René Boudot : le feu sacré. Un ouvrier chrétien du Pays-Haut 1907-1990, Metz, Serpenoise, 1997.

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