RICHTER Daniel

Par André Caudron et le groupe de travail UPSM « Mémoire et histoire »

Né le 1er janvier 1943 à Lyon (IIIe arr.) ; électrochimiste ; délégué syndical CFDT (1971-1992), représentant de la section de Flins (Yvelines) dans l’Inter CFDT Renault, délégué central Renault (1993-1996) ; membre de la direction politique nationale du PSU (1973-1977).

Daniel Richter en 2008
Daniel Richter en 2008

Fils de Hersz Richter, ingénieur chimiste, et de Czarne Horowitz, originaires de Galicie (partie orientale, intégrée à l’Ukraine), arrivés en France – le premier en 1927, la seconde au début des années trente –, tous les deux très marqués par la culture juive et parlant le yiddish, Daniel Richter fréquenta l’école communale d’Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) puis le lycée Michelet à Vanves (Seine, Hauts-de-Seine) où il fut marqué par Jacques Madaule, professeur d’histoire, et Robert Misrahi, professeur de philosophie. Il fit ensuite des études supérieures à la Faculté des sciences de Jussieu puis d’Orsay et enfin à l’École supérieure de chimie.

Après un bref passage aux éclaireurs israélites de France et dans le mouvement Ihoud Habonim (jeunesse sioniste socialiste), il s’inscrivit à la Fédération unie des auberges de jeunesse (FUAJ) pour les sorties du week-end, adhéra à l’UNEF et au PSU, un mois après sa création en 1960. Il participa aux nombreuses initiatives organisées contre la guerre d’Algérie par le PSU et l’UNEF, prenant part avec la section PSU d’Ivry-Vitry (Seine, Val-de-Marne) aux tours de garde de nuit dans la mairie communiste de Vitry pour prévenir les attentats de l’OAS pendant lesquels il rencontra Paul Thibaut*, futur directeur de la revue Esprit. En 1965-1966, il assura à Orsay (Seine-et-Oise, Essonne) la vice-présidence d’information-formation de l’AGEO (Association générale des étudiants d’Orsay), tenant le poste de rédacteur en chef du journal de l’AGEO À suivre où il écrivit des articles sur la réforme Fouchet et sur la situation de la Sécurité sociale (numéros 5, 6 et 7). Parallèlement, il était membre du secrétariat national des étudiants du PSU.

Se destinant au départ à la recherche scientifique, il décida de prendre ses distances vis-à-vis des divisions idéologiques du milieu universitaire et bifurqua vers l’industrie. Spécialisé dans l’électrochimie, il commença en 1968 une longue carrière chez Renault, à l’usine de Flins (Yvelines), comme adjoint technique au chef du département des traitements électrolytiques. Il n’allait quitter cette firme qu’en 2002.

Sursitaire, il obtint d’être affecté au centre de recherche de Saclay (Seine-et-Oise, Essonne), mais fut réformé en 1968. À l’occasion d’une grève à l’usine Renault du Mans (Sarthe) en mai 1971 et dans la foulée d’un lock-out à Flins, Daniel Richter exprima son désaccord avec certaines méthodes employées. Il fut immédiatement convoqué par son chef de département qui lui demanda de se soumettre aux directives avec mise à l’épreuve ou de prendre son compte. Par l’intermédiaire de camarades du PSU – membres de la CFDT –, il entra en contact avec la section syndicale CFDT de Renault Flins. Il rencontra le leader cédétiste Paul Rousselin* qui lui proposa de prendre un mandat de délégué syndical, ce qu’il accepta, après deux jours de réflexion. Il adhéra à la CFDT et se déclara en grève. Lors de la réouverture de l’usine, il se retrouva confiné avec 80 % de son activité professionnelle supprimée. La CFDT réagit en apposant des affiches dans toute l’usine avec pour titre « La Régie viole la loi ». Une partie de ces affiches fut arrachée et une autre partie recouverte d’une étoile jaune. La section syndicale CFDT interpella vivement la direction de l’usine et informa l’inspection du travail. Daniel Richter saisit la LICA (Ligue internationale contre l’antisémitisme) afin que le PDG de Renault, Pierre Dreyfus, fût mis au courant.

Daniel Richter allait être jusqu’en 1992 délégué syndical, représentant au comité d’entreprise, délégué du personnel, membre du comité d’hygiène et de sécurité, cumulant parfois deux ou trois mandats. Animateur du secrétariat de la section, il en rédigeait au moins 80 % des tracts et celle-ci devint, certaines années, dans le collège ouvrier, la première organisation aux élections des délégués.

Vers la fin des années 1970, il s’investit dans l’Union départementale des Yvelines. Entré au bureau en juin 1980, secrétaire adjoint l’année suivante, il fit partie du conseil de l’UD jusqu’en 1985. Dans les années 1980, à l’occasion de plusieurs voyages, en Pologne il participa activement à la solidarité avec Solidarnosc. En 2008, il fut chargé de mission à l’UD pour la régularisation des salariés sans papiers. Il représenta rapidement la section de Flins dans l’Inter CFDT Renault, appelée aussi Union syndicale Renault. Il prit part aux négociations les plus importantes avec la direction générale de 1973 à 1999 et la FGMM-CFDT le nomma délégué central Renault en 1993. Emmanuel Couvreur le remplaça à ce poste en 1996 et il devint alors son adjoint. Il représenta la branche automobile au conseil national fédéral de la FGMM de 1991 à 2000 et intervint au nom de la FGMM dans le groupe automobile de la FEM (Fédération européenne de la métallurgie).

Rédacteur en chef d’Autrement dit, organe destiné aux ETAM, ingénieurs et cadres du groupe Renault, de 1996 à 1999, Daniel Richter prit la succession de Michel Batt comme secrétaire du comité d’entreprise européen de Renault en 1997, mais le mandat central de responsable de l’Inter lui fut enlevé, en même temps qu’à deux autres militants, en 1999, en raison de divergences sur l’accord Renault découlant de la première loi Aubry à propos de la réduction du temps de travail.

À partir de 1972, il avait participé aux conseils du syndicat général des travailleurs de l’automobile, puis à certains conseils du secteur Métaux Yvelines Nord. En 1979, il s’engagea dans le secteur Métaux durant trois ans. Succédant à Georges Marin, il devint ensuite secrétaire du syndicat de la métallurgie de la vallée de la Seine et de l’Oise jusqu’en 1992. Membre de la commission exécutive du SMVSO jusqu’en 2006, il prit part aux conseils et bureaux exécutifs de l’UPSM. Il fut l’un des principaux acteurs de la crise de 1980-1981 qui secoua les syndicats de la métallurgie parisienne, conséquence de divergences d’orientation et de la baisse des effectifs syndicaux. Il occupa par ailleurs une place essentielle, en 1983, dans la création de l’IFEAS (Institut de formation et d’études pour l’action sociale).

Représentant de l’UPSM au comité régional de l’URP de 1985 à 1987, membre du secrétariat de l’UPSM de 2000 à 2006, il fit partie dans cette période des négociateurs avec le GIM, (Groupe organisme patronal des industries de la métallurgie en Ile-de-France). Il assuma bénévolement, de 2002 à 2006, la responsabilité de l’IFEAS, et contribua au redressement de l’UPSM suite à une nouvelle crise en 2003. Il a participé à tous les congrès de la FGM puis de la FGMM de 1974 à 2004, ainsi qu’à tous les congrès confédéraux de 1978 à 2006, mis à part celui de Montpellier (Hérault). Il fut ainsi l’auteur de nombreux projets d’amendements. Il fut invité au congrès confédéral de Marseille (Bouches-du-Rhone)en 2014.

Les rapports étaient souvent tendus, avec la CGT à Flins, mais bien plus corrects au niveau central de Renault et à celui de la métallurgie en région parisienne. Aux grandes grèves de Renault Flins et de Talbot Poissy (Yvelines), entre 1973 et 1984, Daniel Richter fut le porte-parole des OS immigrés de l’automobile. Au cours de conflits longs et durs, il était pris à partie par des opposants. Lors du conflit Talbot de 1983-1984, visant 1 900 licenciements, il fut seul à rester en cause pour entraves à la liberté du travail, et condamné en 1989 à un million de francs de dommages et intérêts. La FGMM-CFDT obtint que la somme ne fût pas réclamée.

Comme délégué central CFDT Renault, il coordonna avec la CGT les multiples conflits du printemps 1995. Il s’évertuait à analyser une bonne part d’entre eux. Critiquant l’organisation du travail – travail à la chaîne, travail répétitif –, il proposa des solutions alternatives sachant que Renault ne pouvait échapper à une baisse des effectifs et à une mutation des emplois. Daniel Richter fut en 1984-1988 l’initiateur d’une collaboration entre l’IFEAS, les ergonomes du CNAM et les membres de la CFDT Flins, représentants aux CHSCT, pour analyser les conditions de travail et formuler des contre-projets. Il s’investit dans la mise en place des UET (Unités élémentaires de travail), suite à l’« Accord à vivre » chez Renault en 1989, et la progression dans les compétences, tout en développant l’axe de la réduction du temps de travail et l’évolution vers les 35 heures en réponse au développement de l’automatisme.

Les activités sociales et culturelles du comité d’établissement Renault Flins suscitaient l’intérêt de Richter. En 1988 il coordonna la grande exposition sur « L’Art, l’automobile et la culture », appelée Autodeco. Passionné d’histoire, il entra au comité de rédaction de la revue Travail avec des universitaires comme Robert Linhart, organisateur d’un séminaire sur le travail industriel (1980-1988).

En 1974, Daniel Richter s’était montré hostile à la pétition invitant les militants de la CFDT à rejoindre le Parti socialiste. Il siégeait au comité de rédaction de la revue Alternative syndicale (1983-1985) tout en gardant une certaine méfiance vis-à-vis des tentatives de regroupement des opposants dans la CFDT. Membre du PSU après 1968, il était proche du courant « marxiste révolutionnaire » mais il refusa de rejoindre la LCR en 1972. Entré dans la commission nationale « Entreprise » du PSU, membre de la direction politique nationale (1973-1977), il défendit la candidature de Charles Piaget* à l’élection présidentielle (1974), et fut de ceux qui mirent Michel Rocard* en minorité quand celui-ci prôna l’adhésion au PS. Daniel Richter désapprouva l’entrée d’Huguette Bouchardeau dans le gouvernement de gauche. Au congrès de Vénissieux, en 1983, il fut porte-parole des partants, tandis que les partisans du gouvernement obtenaient 56 % des mandats. En 1984, il prit part aux assises constitutives de la FGA (Fédération pour une gauche alternative). Aux élections présidentielles de 1988, il soutint Pierre Juquin mais cessa tout engagement dans une formation politique. En 1995 il prit part à la création du CEFY (collectif Français-Etrangers en Yvelines), avec Marie-Hélène Tine* et Pierre Richard*, du SMVSO-CFDT. L’année suivante, il figurait parmi les fondateurs de la Coordination nationale des collectifs de sans-papiers.

Associé aux activités du cercle MICHMAR, puis ensuite du cercle Bernard Lazare, liés au parti de gauche israélien MAPAM, Daniel Richter s’était engagé dans les Assises du judaïsme progressiste (1971). En 1987, il devint l’un des parrains d’une association juive laïque, appelée LdJ (Liberté du Judaïsme).

Le 23 novembre 1963 à Paris (XIe arr.), il s’était marié avec Roselyne Kaszemacher, ingénieure agronome, longtemps militante du PSU, qu’il avait rencontrée dans le mouvement Ihoud Habonim.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159333, notice RICHTER Daniel par André Caudron et le groupe de travail UPSM « Mémoire et histoire », version mise en ligne le 2 juin 2014, dernière modification le 19 janvier 2024.

Par André Caudron et le groupe de travail UPSM « Mémoire et histoire »

Daniel Richter en 2008
Daniel Richter en 2008

ŒUVRE : « Travail et progrès technique dans l’industrie automobile : l’exemple Renault », Cahiers français, juillet 1982. — Avec Fabienne Lauret, « 18 mois de conflits à la chaîne », Travail, 2-3, juin 1983. — Avec Daniel Bachet, Danielle Linhart, Robert Linhart et Pierre Rolle, Agir et décider dans le travail, CESTA, 1985. – Automobile où nous mènes-tu ?, 1985 (rédacteur principal). – « Ne pas rater le coche », in Le syndicalisme au futur, sous la direction de Jean-Pierre Durand, Éd. Syros, 1996. — « Renault Vilvoorde un cas d’école et une étape manquée », Temps Modernes, janvier 1998. — Renault, cent ans d’histoire sociale, exposition et livre avec Alain Michel et la Société d’histoire des usines Renault, 1998. — « Talbot Poissy du printemps syndical à l’affrontement racial (1982-1984) », in Mémoire des luttes de l’immigration en France, GISTI, février 2014.

SOURCES : Archives CFDT, Renault, UPSM, PSU. – Nicolas Dubost, Flins sans fin, François Maspéro, 1979. – Daniel Labbé et Frédéric Perrin, Que reste-t-il de Billancourt ?, Hachette, 1990. – Pierre Alanche, Renault côté cour, un salarié au CA, Éditions de l’Atelier, 2007. –– Entretien avec le cinéaste Philippe Worms. – Biographie de Daniel Richter, tapuscrit, 2012.

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