BARON Victor [Jean, François, Victor] [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Guy Lavrat, Michel Cordillot

Né vers 1822 à Moreuil (Somme) ; mort le 4 septembre 1864 à Vera Cruz (Mexique) ; marié et père de famille. Employé aux Ponts et chaussées, puis révoqué. Un des principaux animateurs des sociétés secrètes républicaines du Cher sous la Deuxième République. Condamné par contumace à la transportation. Exilé en Suisse, puis en Angleterre, au Canada, aux États-Unis et au Mexique, il y exerça la profession de journaliste.

Géomètre, conducteur des Ponts et chaussées à Nérondes (Cher), Victor Baron fut renvoyé de l’administration à la suite de la grève des ouvriers des chantiers du chemin de fer qu’il anima dans cette même ville en mai 1848. Durant ce conflit, il présida la réunion à l’issue de laquelle fut constituée une société philanthropique, ayant pour but de « venir au secours des sociétaires qui se trouveraient dans le besoin par suite de maladie ou d’accident ». Cette société fut la première organisation ouvrière créée dans le département du Cher. À l’automne 1848, il fit campagne pour la candidature Raspail aux présidentielles.

Il tenta de s’installer comme instituteur libre, mais ne reçut pas l’autorisation d’enseigner. Il devint alors colporteur et propagandiste de la République démocratique et sociale, diffusant notamment des brochures et des chansons qu’il composait lui-même. En décembre 1849, il fut poursuivi pour avoir édité et distribué à 4000 exemplaires un vigoureux pamphlet intitulé La Foire aux candidats, dans lequel il fustigeait durement les candidats de l’Ordre aux élections législatives partielles de mars 1850 (auxquelles il aurait dû se présenter comme candidat démoc-soc … s’il n’avait été entre-temps jeté en prison).

En correspondance avec Michel de Bourges, Victor Baron fut en mars 1849, puis de nouveau en janvier 1850, un des animateurs de la grève des ouvriers du chantier de chemin de fer de la ligne Nevers-Bourges. À la suite de cela, il fut arrêté et condamné le 29 janvier 1850 à 6 mois de prison et 100 F d’amende. Libéré en juin, il s’installa à Pouilly-sur-Loire (Nièvre), en compagnie de son épouse (née Marie-Clémentine Davin) et de leurs deux enfants (âgés de 4 et 2 ans).

Victor Baron se mit alors à sillonner en franc-tireur le département du Cher et le val de Loire, s’efforçant de coordonner les réseaux républicains nivernais et berrichons. Au début de 1851, il fut l’un des organisateurs des sociétés secrètes liées à la Nouvelle Montagne dans l’Est et le Sud-est du Cher. En juillet, il aurait participé, selon le Ministre de l’Intérieur, à une réunion de la Jeune Montagne. Il était alors l’un de ceux qui envisageaient de déclencher le 22 octobre dans le centre de la France une insurrection préventive.

Le 12 octobre, Victor Baron se trouvait à La Charité sur Loire, où il donna des directives aux insurgés du Cher et incita au soulèvement dans la Nièvre pour relayer les soulèvements du Cher des 11, 12, 13 et 14 octobre (affaire de Précy-Beffes) Il échappa de peu à l’arrestation et parvint à s’enfuir. Il fut condamné par contumace à 10 ans de transportation à Cayenne. Cette peine fut ultérieurement commuée en « Algérie + » par la commission supérieure.

Ayant réussi à gagner la Suisse, Victor Baron passa ensuite en Angleterre, avant de gagner le Canada. En1852 il résidait à Montréal, où il figurait au nombre des rédacteurs du journal républicain avancé La Ruche littéraire et politique.

Fin 1852, il quitta Montréal pour s’installer à New York, où il fut accueilli chez H. Peugnet. Le consul de France le décrivait alors comme l’un des membres les plus respectables de la communauté francophone de la ville, et lui aurait même assuré qu’il ne serait pas inquiété s’il décidait de rentrer au pays. Baron n’en fit évidemment rien, et il décida de rester à New York et d’accepter un poste de professeur de mathématiques dans le collège dirigé par son ami Peugnet.

Membre de la Société de la République Universelle, Baron figurait au nombre des actionnaires de l’Imprimerie démocratique française installée dans ses locaux 80 Leonard street. Il en fut élu membre en août 1854 du comité de direction (de même que Arpin, Caussidière, Écharte, Forbes, Frey, Gerdy, Martinache, Mercier, Raszewski, Ricateau, Rodriguez et Vogeli).

La même année, il prit une part active à la grande réunion organisée le 2 décembre pour ridiculiser le coup d’État de Louis Bonaparte en présentant une comédie pastiche de l’événement. À cette même date, il figurait au nombre des rédacteurs du journal de Jean Souvy Le Républicain. Il résidait alors 55 Perry street. Lors de la fondation du Progrès le 2 janvier 1855, il s’associa à Malespine comme rédacteur-éditeur, ce qui ne devait apporter aucun changement par rapport à la ligne initiale du journal.

Très actif dans les milieux progressistes, Baron eut le plaisir d’accueillir à New York, le jour même de son arrivée, Henri Chabanne (voir ce nom), qui venait de s’évader de l’Île-du-Diable avec son ami Carpeza. Les deux hommes ne se connaissaient pas, mais « pays », ils sympathisèrent rapidement.

Fin 1857, Victor Baron partit s’installer dans le Tennessee pour y cultiver un domaine de 24 hectares . parallèlement, il ouvrit dans la ville toute proche de Memphis un cabinet de médecin. Un an après son installation, il fut rejoint par Henri Chabanne. Lorsque ce dernier se décida à regagner la France suite à la promulgation de l’amnistie, Victor Baron décida pour sa part de s’exiler au Mexique pour essayer d’y fonder un journal de langue française. Il y mourut en 1864 à Vera Cruz, « dans la misère » si l’on en croit la lettre qui accompagnait la demande d’indemnisation déposée par son épouse en 1881 dans le cadre de la loi de réparation nationale.

Son fils Jean fut très actif dans la mouvance républicaine socialiste francophone de New York à la fin des années 1860 et au cours des années 1870.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159363, notice BARON Victor [Jean, François, Victor] [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Guy Lavrat, Michel Cordillot, version mise en ligne le 3 juin 2014, dernière modification le 5 février 2020.

Par Guy Lavrat, Michel Cordillot

SOURCES : AN, F15 4006, dossier 30 ; BB30 359 ; BB30 392B — Archives diplomatiques de New York, série C, n°10, acte du 19 octobre 1852. — AD Cher, 31U590-591 ; 2U742 à 745 ; 25M61 — Le Républicain, passim. — Henri Chabanne, Les Détenus politiques à l’Île du Diable, 2e éd., Paris, Décembre-Alonnier, 1870.— Guy Lavrat, « Les ‘prétendues jacqueries’ du Cher et leur répression, printemps-automne 1851 », Colloque comment meurt une République, Auxerre, 17 novembre 2001 ; le même, Au temps du fer et des républicains rouges, [Sury-en-Vaux], A à Z patrimoine, 2008 — Charles Clerc, Les Républicains de langue française aux États-Unis, 1848-1871, Thèse, Univ. Paris XIII, 2001, p. 177, 195, 200-201, 264, 269, 359-360.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable