Par Michel Cordillot
Né le 15 juin 1831 à Gap (Hautes-Alpes), mort à New York en 1905 ; marié ; représentant en librairie, puis correcteur d’imprimerie. Élu de la Commune de Paris, blanquiste ; membre de l’Internationale en exil ; franc-maçon.
Fils d’un militaire en garnison, Jules Bergeret s’engagea en 1850 et servit jusqu’au 26 août 1864. Il était alors sergent au 1er régiment des Voltigeurs de la Garde impériale détaché à l’intendance à l’Ecole militaire. Il s’était marié en 1862 à Paris dans le VIIe arr. avec une fleuriste. En 1864-1865, il gagna sa vie comme placier en librairie, puis devint correcteur d’imprimerie. En 1870, il habitait 11, rue de la Grande Chaumière (VIe arr.).
Capitaine au 83e puis au 128e bataillon de la Garde nationale pendant le Premier Siège de Paris, au début du mois de mars 1871, il fut élu membre de la Commission exécutive provisoire de la Garde nationale, et, à la mi-mars, il représenta, avec Maljournal, Ranvier et Varlin, le XXe arrondissement au Comité central de la Garde nationale. Le 17 mars, il fut nommé chef de la XVIIIe légion et, le 18 mars, à la tête du 128e bataillon, il récupérait, boulevard de Courcelles, les canons enlevés à Montmartre. Puis, à la demande du blanquiste Ferré, il occupa l’état-major de la Garde nationale, place Vendôme, et il fut chargé de l’organisation et de la direction de tous les services militaires. Le 22 mars, il fit tirer, après sommations, sur les manifestants hostiles à la Commune qui s’avançaient rue de la Paix.
« Maigre, suffisamment élancé, les cheveux noirs, le teint bistré, sa physionomie et son allure décelaient l’énergie ou plutôt l’opiniâtreté » (Edmond Lepelletier). Il fut élu membre de la Commune, le 26 mars, par le XXe arrondissement (15 290 voix sur 16 792 votants et 21 960 inscrits) et appartint à la commission de la Guerre (29 mars) qui remplaçait, en principe, le Comité de la Garde nationale. Ce même jour, Jules Bergeret fut élu membre de la Commission exécutive siégeant à l’Hôtel de Ville et chargée de faire exécuter les décrets de la Commune et les arrêtés des autres commissions. Délégué à l’état-major de la Garde nationale le 1er avril, il fut nommé, le 4, commandant de la Place de Paris. Eudes, Duval et Bergeret étant devenus des chefs militaires, ils furent tous les trois remplacés à la Commission exécutive le 3 avril. Bergeret participa le même jour à la sortie sur Versailles qu’il accomplit avec les généraux Eudes, chargé d’avancer au centre par Meudon, et Duval, qui devait passer à gauche par le plateau de Châtillon. Bergeret lui-même se dirigeait sur Versailles en passant à droite par Nanterre. Toute question de bravoure mise à part, cette sortie ne fit pas honneur à ses capacités militaires ni à celles des autres généraux de la Commune, puisqu’elle fut déclenchée sans reconnaissance du terrain et sans prévision d’aucune sorte. Elle se termina d’ailleurs par un échec, et Duval, fait prisonnier, fut fusillé sur ordre du général Vinoy.
Dans une lettre à la Commission exécutive, Jules Bergeret affirmait, quelques jours plus tard, que Neuilly, « cet objectif de nos adversaires », avait été, par ses soins, « formidablement fortifié », et il défiait « toute une armée de l’assaillir » (lettre publiée dans le Journal officiel du 6 avril) ; pourtant le pont de Neuilly fut facilement emporté. Aussi, Bergeret fut-il destitué et arrêté. Il comparut devant la Commune, le 12 avril, et eut à répondre de trois chefs d’accusation soutenus par Cluseret, délégué à la Guerre : En premier lieu, d’avoir contribué pour la plus grande part à un mouvement de troupes « dans des conditions désastreuses » (il s’agissait de la sortie du 3 avril) ; ensuite, « d’avoir déployé un faste militaire » ; enfin, « d’avoir contribué par son attitude aux actes d’insubordination qui ont accueilli la nomination du citoyen Dombrowski, son successeur, le 6 avril, au commandement de la Place de Paris. »
Bientôt libéré, Bergeret reprit place, le 28 avril, à la commission de la Guerre, d’où il démissionna le 1er mai. Nommé, le 5, commandant de la 1ère brigade de réserve, il reprit encore une fois sa place au sein de la Commission de la Guerre (15 mai). Le 1er mai, Bergeret avait voté pour le Comité de Salut public.
Le 7e conseil de guerre le condamna le 17 mai 1872 à mort par contumace en raison de ses « crimes imprescriptibles ».
Cependant, Bergeret avait réussi à gagner Londres via la Belgique et Jersey grâce à la complicité de Nadar et d’une vendeuse de cigare anonyme qui était la fille d’un transporté de Cayenne. Il y fonda un hebdomadaire, Le 18 mars, qui n’eut que trois numéros à partir du 21 août. C’est dans le n° 3, daté 6 septembre 1871, qu’il parle « de l’Internationale que nous admirons et de laquelle nous n’avons même pas encore l’honneur de faire partie ». Il avait toutefois dû charger l’un de ses amis d’assurer la publication de cet ultime numéro car il arriva à New York dès le 20 août. Sa présence à New York fut brève, quelques semaines ou quelques mois tout au plus ; la réalité en est attestée par une lettre fort leste d’Edmond Levraud à Eudes en date du 12 novembre 1871, lettre dans laquelle son auteur insiste surtout sur leurs difficultés à trouver des bonnes fortunes féminines.
Jules Bergeret regagna Londres avant la fin de l’année 1871. De là il se rendit à Jersey où il monta un atelier de photographe. Franc-maçon membre à Paris de la Loge Les Sept Écossais réunis, il s’affilia à Jersey à la Loge Les Amis de l’Avenir, orient de Saint-Hélier. Il appartint à la Société des républicains-socialistes réfugiés à Jersey, société fondée en juin 1872 par Eugène Alavoine. Il revint à Londres en juin 1877, puis s’exila de nouveau à New York, ville où il vécut dès lors. Au moment de son décès en 1905, il travaillait comme veilleur de nuit et menait une existence d’ermite, ne voyant plus aucun de ses anciens compagnons. Il vécut les dernières années de sa vie dans un état proche de la misère. Sa mort fut annoncée laconiquement dans L’Union des travailleurs en date du 23 novembre 1905.
Par Michel Cordillot
ŒUVRE : Divers articles dans l’hebdomadaire londonien, Le 18 mars (21 août-6 septembre 1871).
SOURCES : Arch. Nat., BB24 853, n°1074. — Arch. Min. Guerre, dossier Internationale. — IFHS, Fonds Eudes. — Journal Officiel de la Commune, réimpression, Paris, V. Bunel, éditeur, 1872, 31 mars, 3 avril, 6 avril 1871. — Bnf, Fichier Bossu. — New York Herald, 22 août 1871. — Edmond Lepelletier, Histoire de la Commune de 1871, 3 vol. in-8°, Paris, 1911-1913, t. III, p. 225-226. — Jean Bossu, « Une loge de proscrits à Londres », L’Idée libre, juin-juillet 1958. — Jean Bruhat, Jean Dautry, Émile Tersen, La Commune de 1871, Éditions sociales, Paris, 1960, p. 398. — Archives Bakounine, publiées pour IISG d’Amsterdam par A. Lehning, AJC Rüter, P. Scheibert, vol. I, Michel Bakounine et l’Italie, 1871-1872, deuxième partie, Leiden, Brill, 1963, p 443, note 29. — CDRom Maitron. — Notes de Gauthier Langlois.