RAMART-LUCAS Pauline, Rose

Par Jacques Girault, Michel Pinault

Née le 22 novembre 1880 à Paris (XIVe), morte le 17 mars 1953 à Paris (XVe) ; professeure de faculté et chercheure en chimie organique ; déléguée à l’Assemblée provisoire consultative, membre du conseil national du CNRS.

Son père, René Lucas, était forgeron ; sa mère, Marie, Perrine Ceniguar, était domestique. Ouvrière en fleurs artificielles, fleuriste, dans le quartier de la Sorbonne, Pauline Lucas eut un fils à dix-huit ans, né le 17 juillet 1898, reconnu le 1er avril 1903, Auguste, René Lucas. Elle se maria le 3 octobre 1911 avec Maurice, Charles, Auguste Ramart, né le 26 janvier 1864, avocat.

Elle commença des études par correspondance en 1904. Reçue au baccalauréat, elle entra au laboratoire d’Albin Haller de la Faculté des Sciences de Paris puis devint préparatrice à l’Institut Pasteur. Elle obtint une licence ès-sciences en 1919 puis un doctorat en chimie organique portant sur la synthèse des alcools cinq ans plus tard.

Après plusieurs années à l’Institut Pasteur, elle devint, avec l’appui de Jean Perrin, maître de conférences (1925) puis professeur de chimie organique à la faculté des Sciences de Paris (1935). Elle devint ainsi la seconde femme professeur titulaire à la Sorbonne à la suite de Marie Curie. Après des premiers travaux sur la structure moléculaire de l’alcool, elle travailla sur les relations entre le spectre des ultraviolets et les réactions chimiques, relations qui intéressaient la radiologie.

Dans les années du Front populaire, elle fit partie de la fraction engagée des scientifiques parisiens, aux côtés de Jean Perrin dont elle était très proche. Son laboratoire de la Sorbonne fut un de ceux où des jeunes chercheurs se groupèrent dans un mouvement « Jeune Science » dont l’objectif était la conquête d’un statut du chercheur. Signataire de l’appel du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (1934), elle militait à la Ligue des droits de l’Homme et y défendait des analyses affirmant l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle fut aussi membre de la direction de l’Union rationaliste où elle faisait des conférences. Les 14-15 mai 1938, elle faisait partie du Comité d’honneur de la conférence internationale des femmes. Des socialistes SFIO ayant dénoncé les relations entre ce comité et le Parti communiste, Maria Rabaté, dans une lettre publiée dans l’Humanité (9 juin 1939) qu’elle adressait au Parti socialiste en tant que responsable du secrétariat français du Comité mondial des femmes, protestait en indiquant que le comité d’honneur la citait comme personne qui ne "peut être considérée comme étant du Parti communiste".

Sous l’Occupation, qualifiée dans La France au travail, de « juive roumaine » et de « follette de la Maison de la rue Victor Cousin » (entendre la Sorbonne), elle fut la cible d’attaque qui aboutirent, en 1941, à sa révocation de son poste de professeur à la Sorbonne. Nommée directrice de recherches au CNRS en 1941, elle travailla alors dans un groupe de chercheurs en radiologie dans un laboratoire de l’institut Pasteur.

Selon Marie-Elisa Cohen, elle fut une des premières universitaires à adhérer au Front national universitaire, constitué à la rentrée 1941 et elle y fut active jusqu’à la Libération.

Elle fut, le 1er septembre 1944, de la quinzaine de scientifiques qui participèrent, aux côtés de Frédéric Joliot-Curie, au siège du CNRS à la première réunion en vue de la réorganisation du CNRS et fit partie de son premier comité directeur et de celui qui fut élu en 1946. Elle fut réintégrée dans la fonction publique le 1er octobre 1944 et reprit son enseignement à la Sorbonne jusqu’à son décès.

Quand l’Assemblée consultative provisoire fut transférée d’Alger à Paris, elle en fit partie, du 7 novembre 1944 au 3 août 1945. Elle fut vice-présidente de sa section de l’Éducation nationale et joua un grand rôle quand se discuta la question du droit de vote accordé aux femmes.

Dans les années suivantes, elle fut un compagnon de route du Parti communiste français. Elle figura dans le comité de patronage de l’Union nationale des intellectuels, issue des mouvements de résistance, appartenance confirmée jusqu’au déclin de l’UNI. Elle signa diverses pétitions comme un appel contre le réarmement de l’Allemagne, au début de 1947.

Elle fut récompensée par de nombreux prix scientifiques mais n’entra pas à l’Académie des sciences où ne siégeait aucune femme. En 1954, sa carrière fut évoquée dans le Bulletin de la Société chimique de Paris, société dont elle était membre depuis 1911.

Son nom fut donné à une rue à Montpellier (Hérault).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159410, notice RAMART-LUCAS Pauline, Rose par Jacques Girault, Michel Pinault, version mise en ligne le 3 juin 2014, dernière modification le 19 août 2021.

Par Jacques Girault, Michel Pinault

ŒUVRES : Le fichier de la BNF comporte une dizaine de titres dont une participation au Traité de chimie organique publié en 1936.

SOURCES : Archives du CNRS (Archives Nationales 800 284, 55). — RGASPI, 543 2 26. — Témoignages de René Zazzo, Marie-Elisa Cohen, René Maublanc, Eugène Lablénie sur le FNU, en particulier dans 58 récits de résistance universitaire, Paris, 1948. — Christophe Charle et Eva Teklès, Les professeurs de la Faculté des sciences de Paris, dictionnaire biographique, 1900, 1939, p. 245-247. — Micheline Charpentier-Morize, Jean Perrin, savant et homme politique, Paris, Belin, 1997. — Denis Paul, « Madame Pauline Ramart-Lucas », Bulletin de la Société chimique de France, 21 (1954), p. 263-271. — Divers sites Internet.

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