Par Michel Cordillot
Né à Auxerre (Yonne, France) le 20 mars 1816, mort le 1er juillet 1892 à La Nouvelle-Orléans (Louisiane) ; docteur en médecine, journaliste et romancier ; membre du cercle libertaire formé par Joseph Déjacque à La Nouvelle-Orléans (Louisiane) ; spirite ; fondateur en 1871 du journal socialiste L’Équité et membre de la section 15 de l’AIT, au sein de laquelle il s’opposa à Charles Caron.
Charles Testut était le fils de Jacques Testut, capitaine décoré de la Légion d’honneur, âgé de 37 ans, originaire de Castelnaudary (Aude) et d’Angélique Olive, mariés à Auxerre le 20 mars 1815.
Une fois ses études achevées, il arriva aux États-Unis en 1839, venant de la Guadeloupe où il avait épousé le 13 août 1838 aux Abymes Marie-Adélaïde Test, née en 1824. Ils eurent ensemble cinq enfants.
D’abord installé à New York, Charles Testut y fonda une feuille de langue française, L’Indicateur, qui disparut rapidement. Il regagna alors la Guadeloupe, où il résida jusqu’au terrible tremblement de terre survenu en 1843. Il réussit à se sauver en embarquant avec sa femme et sa fille dans un navire qui l’emmena à La Nouvelle-Orléans. Mais il avait perdu toute sa fortune estimée à 85 000 francs. Il décida alors de s’établir en Louisiane pour repartir à zéro.
Son nom apparaît pour la première fois dans le City Directory de la ville de La Nouvelle-Orléans (Louisiane) en 1849. Son cabinet de docteur en médecine était alors installé 205 Bourbon str. La même année, il acheta l’hebdomadaire La Chronique et commença la publication des ses Veillées Louisianaises. En 1850, il tenta de lancer à Mobile (Alabama) un journal bilingue, The Alabama Courier. Mais l’affaire périclita et il retourna s’installer à La Nouvelle-Orléans. Auteur prolifique d’ouvrages romancés (d’une qualité littéraire assez médiocre), il ne manquait jamais de glisser dans ses œuvres de nombreuses allusions au dégoût que lui inspirait l’esclavage sous toutes ses formes.
Avant la guerre de Sécession, Charles Testut fit partie du premier cercle spirite qui se forma en 1852 à La Nouvelle-Orléans autour de Joseph Bathet et participa à plusieurs séances où l’on faisait tourner les tables pour entrer en communication avec les morts. Il rejoignit quelques années plus tard le petit cercle de révolutionnaires qui se forma en Louisiane autour de Joseph Déjacque lorsque ce dernier y séjourna. Abonné au Libertaire, il souscrivit au profit de ce journal la somme considérable de 20 dollars.
Charles et son épouse quittèrent-ils La Nouvelle-Orléans à la veille de la guerre de Sécession ? Cela semble probable, puisque désormais veuf, il se remaria en 1866 à Hoboken (New Jersey) avec Clémentine Béziers, avec qui il eut un enfant mort en bas âge. Lors du recensement de 1870, ils résidaient à Brooklyn (New York).
Au printemps 1871, ils étaient de retour à La Nouvelle-Orléans. Tout en ne faisant pas mystère de son goût pour le spiritisme, Charles Testut fonda un journal ouvertement socialiste, L’Équité. Il demanda alors à adhérer à la New Orleans Typographical Union. Bien que la commission chargée d’examiner son cas eût rendu un avis favorable, il ne semble pas que Charles Testut ait effectivement donné suite à son projet de s’affilier à ce syndicat.
Membre du Club international et républicain, Charles Testut adhéra brièvement à la section française n° 15 de l’AIT. Un conflit, sans doute tout autant personnel qu’idéologique l’opposa rapidement à Charles Caron et à la majorité de la section. Il tenta apparemment de contrer leur influence en suscitant une Association fraternelle des travailleurs d’inspiration quarante-huitarde qui se fixait pour but de « propager les idées libérales et républicaines » et de promouvoir « l’union des travailleurs pour qu’ils se soutiennent mutuellement dans leurs entreprises ». Rapidement marginalisé au sein de la section 15, il en claqua la porte et lança peu après contre les Internationaux une virulente polémique qui se termina par le naufrage et la disparition de L’Équité en septembre 1871.
Charles Testut mourut le 1er juillet 1892 au Charity Hospital de La Nouvelle-Orléans, après avoir refusé d’aller passer ses derniers mois chez les petites sœurs des pauvres pour rester en accord avec ses convictions philosophiques.
Par Michel Cordillot
ŒUVRE : Les Veillées louisianaises. Série de romans historiques sur la Louisiane, La Nouvelle-Orléans, impr. de H. Méridier, 1849. — Fleurs d’été. Poésies, La Nouvelle-Orléans, 1851. — Le Vieux Salomon ; ou, une famille d’esclaves au 19e siècle, La Nouvelle-Orléans, 1872.
SOURCES : New Orleans Typographical Union Papers, Minute book, regular meetings, 2 avril, 7 mai 1871. — Le Libertaire, 5 avril 1860. — L’Équité, passim. — La Commune, passim. — Marie-Louise Lagarde, « Charles Testut : Critic, Journalist, and Literary Socialist », M.A. Thesis, Tulane University, 1948. – Jan Onofrio et al., Louisiana Biographical Dictionary, Sommerset Publ., 1999. – Catharine Savage Brosman, Louisiana Creole Literature : A Historical Study, The University Press of Mississipi, 2013 . – Melissa Dagett, Spiritualism in Nineteenth Century New Orleans, The University Press of Mississipi, 2017. – État-civil d’Auxerre. – www.testuts.com. – Recherches de Daniel Chérouvrier.