THOMAS Jules [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né en 1839, mort dans l’Iowa (USA) le 4 avril 1892 ; marié ; apiéceur ; communiste icarien, combattant de la Commune réfugié aux États-Unis, blanquiste, puis anarchiste ; membre de la commission de contrôle du Socialiste et co-rédacteur de La Revue sociale.

Communiste icarien, Jules Thomas soutint financièrement la colonie de Nauvoo durant les premières années du second Empire. Vers 1863, il exprima l’intention de rejoindre la colonie cabétiste de Cheltenham (Missouri), mais l’échec de cette dernière le convainquit de la difficulté qu’il pouvait y avoir à tenter de réaliser le communisme sur une petite échelle.

Au lendemain de la proclamation de la République le 4 septembre 1870, Jules Thomas fut membre du comité de vigilance du XIXe arrondissement de Paris. Lors des élections complémentaires pour la Commune, il fut l’un des promoteurs dans son arrondissement de la candidature de Menotti Garibaldi, élu le 16 avril.

Appartenant à un bataillon bourgeois de la Garde nationale, Jules Thomas le quitta pour rejoindre le 88e fédéré, et il fut élu délégué de la 2e cie. Il combattit à Neuilly. Quand ses camarades insistèrent pour qu’il accepte un grade, il leur répondit : « Je suis ici pour me battre, non pour des galons. »

Réfugié à New York dès 1872, proche de la mouvance blanquiste, Jules Thomas signa la protestation des réfugiés contre la proposition de préparer une contre-enquête officielle favorable à la Commune. Durant les mois qui suivirent, il apparut comme l’un des plus fidèles compagnons d’Edmond Mégy. En novembre 1872, Thomas cosigna avec ce dernier et Crosse une lettre protestant contre l’élection de Gustave May au poste de trésorier national de la souscription au bénéfice des veuves et des orphelins des combattants de la Commune et invitant les réfugiés de la Commune présents à New York à se réunir pour en discuter ; cette initiative allait être à l’origine de la constitution de la Société des réfugiés. En février 1873, Thomas fut nommé membre de la commission de contrôle du Socialiste en remplacement de Faive, responsabilité dans laquelle il fut reconduit en avril suivant.

Début 1874, Jules Thomas collabora avec Mégy, Mazeau, Crosse, Édouard David et Joseph Olivier au lancement de la très blanquiste Revue sociale, laquelle cessa de paraître au bout de quelques numéros.

Le 30 mars 1876, Jules Thomas assistait à la réunion de proscrits de la Commune qui se tint à Husch’s Hall, 123 Houston str, New York, sous la présidence d’E. Fondeville. À cette occasion furent examinées les accusations formulées par Mégy contre les frères Gustave et Élie May. Jules Thomas déclara au cours des débats « Je suis toujours l’ami de Mégy », et il donna lecture d’une lettre reçue de Benjamin Flotte, alors à San Francisco. Les frères May furent définitivement exclus de la Société des réfugiés.

Quelques semaines plus tard, en sa qualité de membre du comité exécutif du Groupe communiste révolutionnaire de New York, Jules Thomas fut l’un des signataires du manifeste d’inspiration blanquiste adressé aux Communards proscrits et à tous les révolutionnaires :

« Dans l’armée de la Révolution, les moyens les plus efficaces à employer pour l’extermination complète de la bourgeoisie, les meilleurs armes pour se défendre contre les agressions et les pièges de ses valets sont : les représailles, l’immolation impitoyable de tous nos ennemis, la destruction de leurs palais et de leurs propriétés par l’incendie…

« Avec le dernier prêtre disparaîtra le dernier vestige de l’oppression et de la misère. Le moment approche où les événements vont nous faire surgir sur le terrain de la revanche pour la dernière lutte et la victoire définitive.

« Communistes, athées, révolutionnaires, serrons les rangs. Qu’un parti plus sacré que celui de la Sainte-Alliance nous unisse pour marcher à la conquête du pouvoir politique pour l’extermination complète des jésuites de la bourgeoisie. »

Les autres réfugiés de la Commune signataires de ce texte étaient J. Baron, Blein-Montreinal, L. Crosse, Henri Hanser, Benjamin Robinet et L. Willermain.

Jules Thomas figura également parmi les 54 signataires de la lettre de soutien que les communistes new-yorkais adressèrent le 31 décembre 1877 aux membres de la Vieille Icarie à la demande d’Arsène Sauva. L’année suivante, il fut nommé trésorier du comité chargé par la Société des réfugiés de la Commune de préparer la cérémonie anniversaire du 18 mars à New York. Le 31 août, il assistait à une réunion de la Société des réfugiés qui se tint à New York, et au cours de laquelle Hanser mit Mégy en accusation pour sa grossièreté et ses fanfaronnades.

Au début des années 1880, Jules Thomas fut gagné aux idées anarchistes par un militant libertaire nommé Denivelle et par la lecture des Paroles d’un Révolté de Kropotkine, qui l’enthousiasmèrent. En 1885-86, il était l’un des diffuseurs du journal d’Édouard David La Torpille. Il habitait alors à New York, 166 Bleeker street. Il fut l’un des orateurs désignés pour prendre la parole lors de la célébration de l’anniversaire du 18 mars à New York en 1885, et durant les deux années suivantes il fut membre du comité chargé de préparer la commémoration du soulèvement parisien.

Exerçant le dur métier d’apiéceur, Jules Thomas se ruina la santé. Maladif, il se retira dans une petite localité de l’Iowa et, délaissant son métier exténuant, il se borna dans un premier temps à nettoyer et réparer les vêtements. Ayant voulu acheter une maison, il s’endetta lourdement et se tua littéralement à la tâche pour faire face aux échéances. Il mourut à l’âge de 53 ans le 4 avril 1892.

Un de ses amis communards réfugié à New York déclara au lendemain de sa mort : « De tous les hommes que j’ai connu depuis la chute de la Commune, c’est notre cher ami qui m’a laissé la meilleure impression ; nul n’était plus honnête, plus modeste, plus convaincu que lui… »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159460, notice THOMAS Jules [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 4 juin 2014, dernière modification le 4 juin 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Arch. PPo B/a429 et B/a435 (rapport du 28 mai 1876). — Le Socialiste, passim. — L’Égalité (Paris), 14 avril 1878, citant le New York Herald. — Le Pays, 12 septembre 1878. — Revue icarienne, mars 1885. — La Torpille, numéro spécial 18 mars 1886, mars 1887. — Une nécrologie de J. Thomas parut dans Le Réveil des mineurs (Charleroi, Pennsylvanie) en date du 14 mai 1892. — Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet, Paris, Cornély & cie, 1907, p. 531. — Michel Cordillot, « Les Blanquistes à New York », Bulletin de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848, Paris, 1990.

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