BOUTEILLE Jean

Par Dominique Tantin

Né le 25 novembre 1875 à Royère-de-Vassivière (Creuse), fusillé comme otage le 2 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; receveur des finances retraité, avocat-conseil ; résistant au sein du réseau Alliance.

Fils de Jean, maçon de la Creuse (absent à sa naissance), et de Marie née Routy, cultivatrice à Masgrangeas, commune de Royère, Jean Bouteille ne fut pas mobilisé comme combattant en 1914, maintenu dans son poste de l’administration des finances à Bourganeuf (Creuse) par décision du 5 décembre 1914. Il épousa le 6 avril 1920, à Gap (Hautes-Alpes), Marguerite Marie Garagnon dont il eut deux filles, Marie-Jeanne (1921) et Hélène (1923). Pendant la seconde guerre mondiale la famille était domiciliée à Vichy (Allier), 86 rue du Sénateur Gacon.
Jean Bouteille s’engagea dans la Résistance et devint agent de renseignement P2 (pseudonyme : V-410) du réseau Alliance, à compter du mois de février 1942 selon l’attestation signée par Marie-Madelaine Méric alias Fourcade. L’important réseau de renseignement Alliance, essentiellement militaire mais aussi filière d’évasion, fut créé au mois d’avril 1941 par le commandant Georges Loustaunau-Lacau. D’abord pétainiste, puis giraudiste, il se rallia finalement au général de Gaulle au début de l’année 1944. Il était dirigé par Marie-Madeleine Fourcade et le commandant Faye.
L’épouse de Jean Bouteille et sa fille aînée – alors institutrice à Peyrolles près de Gannat (Allier) – s’associèrent à son action clandestine en participant à l’organisation d’évasions, pour lesquelles la famille contribuait à la fabrication de faux papiers et à l’hébergement des fugitifs, notamment de Claude Hettier de Boislambert évadé de la prison de Gannat en 1942. Marie-Jeanne Bouteille était agent de liaison au sein du Réseau Alliance.
Jean Bouteille fut arrêté le 22 avril 1943 à Vichy par la Sipo-SD à la suite d’une dénonciation par un agent double infiltré dans le réseau. Á 6 heures du matin, six agents de la police allemande se présentèrent à son domicile, perquisitionnèrent et saisirent tous les papiers de son bureau, y compris les dossiers entreposés dans le coffre-fort, et emmenèrent Jean Bouteille et sa fille aînée. Internés avec leur fille à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à Moulins jusqu’au mois de septembre, Jean Bouteille et Marie-Jeanne furent transférés au fort de Romainville (Seine, Saint-Denis) le 25 septembre 1943. Après avoir été condamné à mort pour espionnage, Jean Bouteille fut l’un des cinquante otages fusillés au Mont-Valérien le 2 octobre 1943. Vers 18 heures, après étiquetage des objets personnels, les cinquante détenus furent enfermés dans des cars.
Ils furent fusillés entre 18 heures et 19 heures en représailles après l’exécution de Julius Ritter, colonel SS, responsable en France du Service du travail obligatoire (STO), abattu le 28 septembre 1943 par un détachement des Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) composé de Marcel Rayman, Léo Kneler, Spartaco Fontanot et Celestino Alfonso. Jean Bouteille fut incinéré au cimetière du Père-Lachaise, puis inhumé au cimetière de Pantin-Parisien, tombe no 35.
« Chargé de mission de 2e classe, lieutenant de la Direction générale des Études et recherches du réseau Alliance », Jean Bouteille fut déclaré « Mort pour la France » le 29 mars 1946 et reconnu « Interné Résistant » le 21 février 1953. Il reçut la Croix de guerre et la Médaille militaire à titre posthume. Son nom figure sur le monument aux morts de Royère-de-Vassivière (Creuse).
Sa fille Marie-Jeanne, transférée au camp de Compiègne-Royallieu, fit partie des 959 femmes déportées le 31 janvier 1944 de Compiègne à Ravensbrück où elle arriva le 3 février dans le convoi No I.175. Elle figure dans le Livre mémorial de la Fondation pour la mémoire de la déportation sous le nom de Vanura/Bouteille Marie-Jeanne. Elle reçut le matricule no 27073 et, après la quarantaine, elle fut affectée au Kommando du terrassement pour assécher des marais, puis au Kommando de la « gadoue », en fait les excréments du camp destinés à fertiliser le terrain, puis au Kommando du remblayage avec un mélange de mâchefer et d’os non calcinés.
Au mois d’avril 1944 elle fut transférée au Kommando de Holleischen, Kommando du camp de concentration de Flossenbürg. Dans ce Kommando de femmes situé dans les Sudètes, les détenues travaillaient pour l’usine de munitions Skoda. Elle y fut libérée par les partisans tchèques le 5 mai 1945 et rentra le 24 mai.
Ses services accomplis comme agent P2 comptèrent du 1er février 1942 au 24 mai 1945 en qualité de chargée de mission de 3e classe avec le grade correspondant de sous-lieutenant.
En mars 1946, femme de caractère, elle renvoya sa Croix de guerre – et l’annonça par voie de presse – pour protester contre l’attribution de cette médaille à certains au détriment d’autres « qui l’ont réellement méritée ». Le 4 juillet 1951, elle épousa Émile Vanura à Vichy. Les témoins étaient le Général Benoit Léon de Fornel de la Laurencie, commandeur de la Légion d’honneur, et Andrée Péquet. Elle décéda à Avignon le 28 août 1959.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159473, notice BOUTEILLE Jean par Dominique Tantin, version mise en ligne le 4 juin 2014, dernière modification le 8 juillet 2022.

Par Dominique Tantin

SOURCES : État civil —DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty).— Site Internet Mémoire des Hommes.— Des informations sur la page du site Internet des Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation de l’Allier consacrée à sa fille résistante, Marie, Fernande, Jeanne Bouteille — mémorial genweb.

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