BRIDOUX Gaston, Léon, Florent, Ghislain.

Par Jean-Pierre Ducastelle

Nivelles (aujourd’hui pr. Brabant wallon, arr. Nivelles), 25 janvier 1875 – Ath (pr. Hainaut, arr. Ath), 3 janvier 1953. Comptable, voyageur de commerce, directeur commercial, militant socialiste, président et fondateur de l’Internationale sportive ouvrière et de l’Union internationale d’éducation physique et sportive du travail.

Fils de Charles, Joseph, Ghislain Bridoux, et de Firmine Philippe, Gaston Bridoux est issu d’une famille de petits fabricants et commerçants aisés : son père est fabricant de brosses puis voyageur de commerce, son frère Charles voyageur de commerce et sa sœur Yvonne enseignante. À Ath, la famille vit dans des habitations confortables à la rue d’Enghien, au boulevard du Parc ou à la rue de Pintamont. Elle emploie une servante.

Gaston Bridoux continue la tradition familiale. Après des études à l’Athénée royal d’Ath, il est comptable, voyageur de commerce, directeur commercial aux établissements coopératifs de Micheroux (pr. Liège) et inspecteur de coopérative. Sa première femme, Emma, Charlotte, Hortense, Marie Chevalier qu’il épouse à Vilvorde (aujourd’hui pr. Brabant flamand, arr. Hal-Vilvorde) le 2 décembre 1899 et dont il a un fils mort en bas âge, est négociante en épiceries et sa seconde épouse, Léonie, Virginie Debaive, (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), épousée le 12 mai 1934, est « propriétaire ». À partir de 1926, les capacités commerciales de Bridoux sont mises au service de la grosse coopérative du plateau de Herve (pr. Liège).

L’engagement politique de Gaston Bridoux remonte au début du XXe siècle. Il est inscrit à l’Union socialiste d’Ath le 19 février 1906 mais son militantisme politique ne lui apporte aucun mandat public. C’est un candidat malheureux aux élections communales de 1926. Treizième au poll (346 voix sur 730 votes valables), il sera dernier sur la liste et ne recueillera que trente voix de préférence sur les 6.711 votes valables. Le 6 octobre 1906, il fonde le syndicat mixte d’Ath dont il est le trésorier jusqu’en 1919.

Gaston Bridoux est avant tout un gymnaste et un sportif. À l’âge de vingt ans, il devient moniteur fédéral de gymnastique et président de la société athoise, L’Alliance. En 1904, le mouvement socialiste local se développe solidement autour de la maison du peuple (inaugurée en 1899) sous l’impulsion de l’ancien ouvrier chaisier, Émile Carlier, directeur-gérant de la coopérative et secrétaire fédéral du Parti ouvrier belge (POB). Après une représentation donnée par les Enfants du peuple de Gentbrugge, les militants athois veulent créer une société de gymnastique. Ils font appel à Gaston Bridoux pour diriger La Populaire, fondée le 1er août 1904. Grâce aux talents et au dévouement de son directeur, cette société va très vite prospérer. Elle donne une première représentation à la fin de 1904. La même année, Bridoux fonde à Charleroi (pr. Hainaut, arr. Charleroi) avec Chapeau de La Louvière et Monnier de Mont-sur-Marchienne (aujourd’hui commune de Charleroi) le groupement des sociétés socialistes de gymnastique du Hainaut. Celui-ci participe, la même année, à la constitution de la Fédération nationale des cercles socialistes de gymnastique, dont Gaston Bridoux est le premier président.

Les gymnastes socialistes ne se contentent pas d’animer toutes les manifestations du parti ouvrier local. Ils se produisent dans toute la Belgique et à l’étranger dès 1905 et prennent part à des concours. Les succès remportés à Lens (département du Pas-de-Calais, France) en 1905, à Courcelles (pr. Hainaut, arr. Charleroi) en 1906, à Fourmies (département du Nord, France) en 1906, à La Louvière (pr. Hainaut, arr. Soignies) en 1907 et à Lille (département du Nord, France) en 1908 créent une animation considérable. Le retour des gymnastes à Ath fait naître des fêtes spectaculaires qui rassemblent plusieurs centaines de personnes (2.000 après Courcelles en 1906 selon le journal socialiste, L’Égalité).

La société de gymnastique contribue donc au rayonnement du POB à Ath, ville de l’industrie du bois. Ses succès proviennent du travail en profondeur du directeur, Gaston Bridoux, qui entraîne les garçons, les jeunes filles et les adultes et forme des collaborateurs efficaces. À la fête de Pâques de 1906, La Populaire inaugure son drapeau et met sur pied une fête avec dix sociétés de gymnastique. Les 1er et 2 septembre 1912, Bridoux organise une fête internationale de gymnastique avec la collaboration de la société « bourgeoise », L’Athoise. Cette fête, placée sous les auspices des autorités communales, réunit aussi la Fédération nationale des cercles socialistes de gymnastique. Chaque année, celle-ci organise des fêtes de gymnastique dans différentes localités : Houdeng-Goegnies (aujourd’hui commune de La Louvière) en 1905, Courcelles en 1906, Monceau-sur-Sambre (aujourd’hui commune de Charleroi) en 1907, Ougrée (pr. et arr. Liège) en 1912 et Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand) en 1913. La première fête rassemble quatorze groupes et 350 gymnastes. En 1914, la Fédération regroupe 37 sections et 2.440 membres. En 1913, la fête fédérale coïncide avec l’Exposition internationale de Gand.

Gaston Bridoux a de nombreux contacts à l’étranger. Il est en relation avec le français Laine et l’allemand Kleinhof. Édouard Vaillant fait adopter par le Bureau de l’Internationale socialiste le principe de la création d’une organisation sportive internationale socialiste. Le premier Congrès de cette nouvelle organisation qui a lieu à Gand le 10 mai 1913, réunit des délégués de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la Belgique et de la France. L’Autriche, bien qu’adhérente, n’envoie pas de délégué. Bridoux est le premier président de l’Internationale sportive ouvrière qui, à la veille de la guerre, rassemble les sportifs de douze pays et 500.000 membres.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, La Populaire reprend ses activités. En 1920, Gaston Bridoux crée une fédération dans les arrondissements d’Ath et de Tournai auxquels viendra s’ajouter en 1921 le canton de Lessines. Les activités sont élargies au sport en général : athlétisme, natation, basket-ball, football, balle pelote. En 1927, les groupes sportifs font partie de la Fédération des jeunesses socialistes aux côtés des sections politiques des jeunes gardes.

Organisateur du mouvement sportif socialiste dans le Hainaut occidental, Gaston Bridoux assure aussi le mandat de président provincial de la Fédération socialiste d’éducation physique. Dès 1919, il est président de la Fédération nationale d’éducation physique et morale. En 1922, celle-ci comprend 200 sections et réunit 11.000 membres. Cependant, en 1924, à la suite des discussions liées à l’extension éventuelle du mouvement en direction de toutes les activités sportives (selon le vœu de Bridoux), la Fédération est affaiblie par le départ des anversois, partisans de la seule éducation physique. La situation se normalise en 1927 avec la création de la Centrale gymnique et sportive ouvrière. Gaston Bridoux cède alors la présidence nationale au liégeois Jules Devlieger.

En août 1919, un congrès tenu à Seraing a réuni huit pays. Le Congrès de Lucerne (Suisse) les 12 et 13 septembre 1920 entraîne la relance du sport ouvrier sur le plan international avec la création de l’Union internationale d’éducation physique et sportive du travail, présidée par Gaston Bridoux. Des jeux olympiques ouvriers réunissent les sportifs à Francfort (Allemagne) en juillet 1925 et à Helsinki (Finlande) en 1927. À ce moment, l’association internationale regroupe 1.584.000 membres de 24 pays. Bridoux quitte la présidence au profit de l’allemand Benedix qui représente la grosse fédération allemande. Il devient président d’honneur.

L’année 1927 semble marquer une pause dans la carrière internationale et nationale de Gaston Bridoux. Il abandonne ses mandats de président national et international. La lassitude a-t-elle gagné celui qui s’est investi depuis 1904 dans le mouvement sportif ouvrier ? Ou bien a-t-il été déçu par les luttes de la Fédération nationale ? Son activité se réduit aussi sur le plan local à partir de 1930. Faut-il faire intervenir les problèmes personnels et familiaux (Emma Chevalier est décédée en 1933 et il s’est remarié en 1934) ? Il n’abandonne pas le combat. Il figure parmi les organisateurs des Jeux olympiques d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers) en 1937 et il reste présent dans les activités sportives ouvrières en Belgique et au pays d’Ath.

Après la Seconde Guerre mondiale, âgé de plus de septante ans, Gaston Bridoux est toujours sur la brèche. « Papa Bridoux », comme on le surnomme familièrement, relance le sport ouvrier à Ath et dans toute la région. Il encourage le renouveau de la gymnastique et la formation d’équipes de balle pelote et de basket-ball.

Les premiers écrits de Gaston Bridoux sont très techniques. Son cours de moniteurs, édité en 1907 par la Fédération belge des cercles de gymnastique socialistes, annonce parfois les préoccupations humanistes qui seront les siennes par la suite, notamment le lien de l’éducation physique avec la morale. Les idées politiques ne sont pas affirmées. L’acte constitutif de l’Union internationale d’éducation physique et sportive du travail à Lucerne (Suisse) en 1920, signé par Bridoux et Jules Devlieger, est l’expression de la pensée du gymnaste athois qui joint toujours le développement physique, l’éducation morale et les principes socialistes. Cette déclaration insiste tout particulièrement sur la lutte contre le capitalisme et l’action antimilitariste. Elle s’accompagne d’un appel à quitter les « organisations bourgeoises » (voir Le Peuple illustré, 2 janvier 1921).

Après la Première Guerre mondiale, Gaston Bridoux envoie régulièrement des articles au journal socialiste fédéral, L’Égalité, dont il est un collaborateur régulier de 1920 à 1930. L’analyse de ses articles révèle les idées essentielles qui ont fondé son action. Il plaide pour le développement de l’éducation physique et des sports parmi la jeunesse et lance des appels en ce sens (voir L’Égalité, 16 mai 1920). Il se place toujours dans le cadre du mouvement ouvrier socialiste. En 1921, il soutient la proposition du POB en faveur de la réduction du service militaire à six mois mais demande que cette mesure soit complétée par l’extension des cours d’éducation physique à l’école et dans le mouvement socialiste (voir L’Égalité, 20 février 1921 et 8 mai 1921).

Dans trois articles parus en 1921, Gaston Bridoux abandonne son cheval de bataille habituel pour se livrer à une critique sévère du communisme. Il analyse les discours du dirigeant socialiste tchèque, Thomas Masaryk, dont il se sent proche. Il rejette la méthode bolchévique ou léniniste du coup d’état et se fait le défenseur des méthodes démocratiques (L’Égalité, 17 juillet 1921). Ses voyages à l’étranger et ses contacts internationaux contribuent sans doute à cette prise de position. À l’occasion de la manifestation du « Fusil brisé » à La Louvière en octobre 1921, il fait le point sur la situation internationale après l’échec de Bela Kun en Hongrie et la prise de pouvoir par l’amiral Horthy. Il évoque le fascisme italien et l’action des sociaux-démocrates allemands. Il se fait aussi le défenseur de la loi des huit heures (L’Égalité, 9 octobre 1921). Mais sa préoccupation essentielle va à la jeunesse qu’il veut attirer au socialisme par l’éducation physique et les sports (L’Égalité, 12 juin 1927).

Pris dans le tourbillon de ses actions locales, provinciales, nationales et internationales, Gaston Bridoux écrit peu de textes théoriques entre 1922 et 1928. Il reprend ses chroniques régulières à partir de 1928. Il insiste sur la nécessité de s’occuper de la jeunesse, de préparer une société meilleure, de lutter contre les forces réactionnaires, en particulier les organisations sportives dites neutres. Il cite, à l’occasion, des exemples qui lui permettent de mettre en doute leur neutralité (L’Égalité, 23 septembre 1928). Ses plaidoyers pour la formation sportive ouvrière insistent sur la pratique d’une gymnastique nouvelle (la méthode du Danois Knudsen) préparant au sport. Celui-ci est présenté comme une école de solidarité et d’entraide, comme créateur d’un « esprit plus discipliné au profit de la masse, au profit de l’idée ». Le sport ouvrier est présenté comme un modèle de « propreté ». L’article se termine par un slogan : « À bas le jeu violent et vive la fraternité ouvrière sur le terrain sportif » (L’Égalité, 7 octobre 1928).

Selon Gaston Bridoux, la formation sportive prépare à une meilleure vie intellectuelle et culturelle. Le 21 juillet 1929, il énonce les deux buts majeurs du sport ouvrier : « 1. Former des hommes, 2. Former des esprits. » Quelques mois plus tard, il revient à la charge et plaide pour la nécessité du sport ouvrier qui est un soutien à l’action politique, un complément à l’action syndicale et un élément de collaboration avec le mouvement coopératif. Il rappelle ses objectifs : « créer une masse saine et forte dont les forces généreuses et régénérées par la vie en plein air, seront plus aptes pour recevoir les impressions de beauté de ce que créent les artistes, composent les littérateurs, chantent les musiciens. » Il insiste sur le fait que les organisations sportives ouvrières doivent penser au plus grand nombre et non à quelques-uns : « Le sport ouvrier, c’est la rééducation de la masse au profit de la masse elle-même ». Il est aussi un moyen de lutter contre les régimes autoritaires et la montée des dictatures (L’Égalité, 16 décembre 1928, 29 décembre 1928, 18 mai 1930).

Pendant la Première Guerre mondiale, Gaston Bridoux est secrétaire général du Comité de secours de Ath-Lessines-Péruwelz groupant 63 communes.

Chevalier de l’ordre de la Couronne et titulaire de l’Ordre olympique, Gaston Bridoux reçoit la médaille de première classe pour services rendus pendant la guerre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159512, notice BRIDOUX Gaston, Léon, Florent, Ghislain. par Jean-Pierre Ducastelle, version mise en ligne le 5 juin 2014, dernière modification le 20 avril 2022.

Par Jean-Pierre Ducastelle

ŒUVRE : Cours de moniteurs, Fédération belge des cercles de gymnastique socialistes, Gand, 1907, 36 p.

SOURCES : Archives de la ville d’Ath, registres de population (rassemblés avec la collaboration de Laurence Debrackeleer) – L’Égalité, 1904-1940 – Le Peuple illustré, 1920-1921 – L’almanach du peuple et de la Wallonie, 1920-1939 (Histoire du sport ouvrier) – La Belgique active. Province de Hainaut. Biographies de personnalités, Bruxelles, 1954, p. 28 – DEVEEN M., Le sport travailliste, Bruxelles, 1987, p. 33 (feuilles stencilées) – DELHAYE J.-P., DUCASTELLE J.-P., . DUVOSQUEL J.-M., SONNEVILLE M., 1885-1985. Histoire des fédérations. Hainaut occidental, Bruxelles, 1985 (Mémoire ouvrière, 4) – DUCASTELLE J.-P., Gaston Bridoux, 1875-1953, fondateur du sport travailliste international, Ath, 1988 – Portrait de Gaston Bridoux par le photographe Arthur Besengez, Musée d’Ath.

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