MAHIEU Auguste [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né le 22 septembre 1868 à Houplines (Nord), mort après 1916 ; ouvrier textile dans le Nord de la France ; marié ; parti aux États-Unis pour échapper à la conscription ; syndicaliste, mutualiste et coopérateur ; militant anarchiste, puis socialiste, membre du PSA ; administrateur de la coopérative de publication de L’Union des travailleurs et l’un des principaux rédacteurs de ce journal (dont il assuma également durant deux ans la direction) ; franc-maçon, membre de la très progressiste loge 301 du Droit humain de Charleroi (Pennsylvanie).

Auguste Mahieu entra au tissage mécanique dans une usine d’Armentières à l’âge de 10 ans et demi. Pendant quatre ans, il fut amené à parcourir la France, visitant de nombreux départements du Nord, mais aussi de l’Ouest, du Sud-ouest et du Centre. En 1887-1888, il fut affilié aux groupes anarchistes du quartier de la Roquette (Paris XXe). En 1889, il appartenait au groupe de La Hautois, à Amiens (Somme). Durant cette même période, il envoya à La Révolte des articles qu’il signait « un insoumis ».

Auguste Mahieu décida finalement d’émigrer aux États-Unis pour se soustraire à ses obligations militaires. En 1901, alors qu’il travaillait dans l’industrie textile à Philadelphie (Pennsylvanie), il adhéra au Parti socialiste. Il fut également élu président de la section française de l’Union textile de Philadelphie. En février 1903, il écrivit à L’Union des travailleurs pour s’abonner, formulant ses vœux de réussite pour le journal. En mars il envoya son premier article. À compter de ce jour, il collabora assidûment à l’hebdomadaire socialiste francophone, qui publia deux ou trois contributions signées de lui chaque mois.

À la fin de l’été 1903, après la grève du textile de Philadelphie dans laquelle il joua un rôle de premier plan (et qui se termina sur une défaite des ouvriers), Auguste Mahieu vint s’installer à Charleroi (Pennsylvanie) avec son épouse pour y prendre la gérance du store coopératif en remplacement de Jules Albert. Ce store se trouvait alors dans une situation peu prospère. Grâce à son dévouement et à ses compétences, les affaires s’améliorèrent rapidement, jusqu’à devenir florissantes.

Fin 1903, il donna à L’Union des travailleurs une série d’articles intitulée « Dictionnaire des termes politiques » dont la parution débuta le 10 décembre. Il avait également donné son adhésion à la section locale socialiste de Charleroi, dont il fut élu début 1904 secrétaire intérimaire. Lors de la fondation de la société coopérative de publication de L’Union des travailleurs début 1904, il en devint actionnaire et fut l’un des administrateurs désignés à titre provisoire pour en assurer la gestion. Il occupait également la fonction d’administrateur du journal. Finalement, en décembre 1904, il fut élu membre du conseil d’administration définitif et directeur de l’hebdomadaire socialiste francophone.

En juin 1904, Auguste Mahieu participa à une réunion qui se tint à Charleroi à l’occasion de la visite du Pr Muzzarelli de New York et y prononça un toast. Il s’agissait en fait vraisemblablement de la réunion fondatrice de la loge maçonnique du Droit humain (il ne s’y fit toutefois pas recevoir avant 1911). Militant mutualiste, Auguste Mahieu fut également élu président de l’Indépendance de Charleroi en février 1905 (et réélu en août).

Grâce à son emploi au store coopératif, Auguste Mahieu avait atteint une honorable aisance. C’est ainsi qu’il put prêter en août 1905 la somme de 20 dollars à Louis Goaziou pour financer l’achat d’une nouvelle presse, puis de nouveau 25 dollars en juin 1906 pour l’achat d’un massicot. Quelques mois plus tard, ses trop nombreuses occupations l’amenèrent à donner sa démission de la direction de L’Union des travailleurs.

Dévoué, Auguste Mahieu était toujours prêt à payer de sa personne (il aida par exemple à monter et installer la nouvelle presse en septembre 1905), et il était l’un des militants les plus en vue de la communauté francophone de Charleroi. En janvier 1906, il participa activement au meeting de soutien aux révolutionnaires russes qui se tint dans cette ville. Début 1907, il fut élu vérificateur financier de la section socialiste locale. En septembre 1908, il fut élu membre-directeur de la commission chargée d’acheter le terrain et de superviser la construction de la nouvelle imprimerie de L’Union des travailleurs. Il avait acquis à cette date pour 200 dollars au total d’actions (il fut élu membre du comité de direction de l’hebdomadaire socialiste francophone lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de décembre 1910). Il avait obtenu la nationalité américaine, puisqu’il fut désigné par le PSA pour figurer en 1909 sur la liste de ses candidats aux élections municipales pour la fonction de directeur des écoles de Charleroi.

Élu secrétaire-correspondant de la section socialiste locale en janvier 1911, Auguste Mahieu fut le principal organisateur de la venue de Debs à Charleroi le 26 mai pour un meeting auquel assistèrent plus de 1 000 personnes. Encouragé par ce succès (et en ayant sans doute parlé avec Debs ?), il posa publiquement la question de la mise sur pied d’une Fédération de langue française du PSA dans un article intitulé « Sommes-nous prêts ? » paru dans L’Union des travailleurs le 20 juillet 1911. Quelques mois plus tard, il fut proposé par sa section comme candidat pour une place de délégué à la convention nationale du PSA. Par ailleurs proche de la mouvance syndicaliste-révolutionnaire, il versa la somme de 1 dollar à la souscription lancée pour venir en aide aux travailleurs de Lawrence (Massachusetts), en grève à l’appel des IWW pour « du pain et des roses » et il participa au grand meeting de soutien qui se tint le 24 mars à Charleroi.

Actif sur tous les fronts à la fois, Auguste Mahieu fut élu fin juillet 1911 président de l’Indépendance de Charleroi pour l’année courante par les 135 membres présents à l’Assemblée générale ; il fut élu responsable de la distribution du matériel de propagande par la section socialiste de langue française fondée début juillet 1912 lors d’une réunion tenue en présence de Sigurd Russell et Louis Goaziou (voir ces noms), et fut désigné en juillet 1913 pour figurer au sein du bureau exécutif de la future Fédération de langue française ; en tant que secrétaire du store coopératif enfin, il supervisa l’installation en mars 1913 d’une succursale anglophone à Uniontown, dont la direction fut confiée à Paul Argenson, et il assista le mois suivant à la réunion des coopératives de la région de Pittsburg, où sa proposition de créer une centrale d’achat commune reçut un accueil favorable.

En juillet 1914, Auguste Mahieu démissionna de ses fonctions de gérant de l’Association coopérative après 11 ans de bons et loyaux services. Il avait décidé de partir en France voir ses parents et comptait profiter de ce voyage pour rendre visite à différentes coopératives pour étudier de près leur fonctionnement. L’éclatement de la Première Guerre mondiale l’empêcha de mettre son projet à exécution. En septembre, il accepta la présidence du comité chargé de gérer la souscription lancée par L’Union des travailleurs au profit des victimes de guerre. Une première somme de 240 dollars fut recueillie en l’espace de quelques jours.

Pour gagner sa vie, Auguste Mahieu ouvrit une boutique d’épicerie situé sur la 5e avenue de Charleroi fin octobre 1914. Fort de son expérience, il sut faire rapidement prospérer son commerce et en septembre 1916, il loua l’ancien bâtiment du store coopératif — qui avait entre temps périclité — pour y installer son propre magasin.

Comme beaucoup de militants, Auguste Mahieu semble avoir été profondément affecté par la guerre. Sans rompre totalement, il prit ses distances avec le mouvement social. Élu directeur de l’Indépendance de Charleroi en janvier 1916, il fut également l’auteur quelques mois plus tard d’une proposition visant à transformer ce qui subsistait de la Fédération socialiste française en société de secours mutuels et de propagande.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159522, notice MAHIEU Auguste [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 5 juin 2014, dernière modification le 5 juin 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCE : L’Union des travailleurs, 5 mars, 19 mars, 13 août, 20 août, 27 août, 26 novembre 1903, 21 janvier, 25 février, 30 juin, 15 décembre 1904, 2 mars, 3 août, 10 août, 7 septembre, 5 octobre 1905, 25 janvier, 7 juin 1906, 28 février 1907, 24 septembre 1908, 11 février 1909, 9 juin, 8 décembre 1910, 5 janvier, 12 janvier, 1er juin, 3 août 1911, 11 janvier, 8 février, 28 mars, 18 juillet 1912, 13 mars, 3 avril, 24 juillet 1913, 30 juillet, 1er octobre, 22 octobre 1914, 3 février, 15 juin, 14 septembre 1916 entre autres.

ICONOGRAPHIE : Auguste Mahieu figure sur la photo du store coopératif parue le 17 décembre 1908 dans {l’Union des travailleurs}. Une autre photo de lui illustre sa biographie dans le numéro spécial anniversaire du 9 juin 1910.

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