Par Michel Lequenne, Jean Péaud
Né le 4 mai 1932 à Paris (XIIe arr.), mort le 1er mars 2012 ; directeur commercial de PME, puis formateur-conseil indépendant ; membre du Mouvement laïque des auberges de la jeunesse, du Groupe théâtral Spartacus, du Mouvement révolutionnaire de la jeunesse et du PCI-SFQI, puis du PCI exclu, du Groupe bolchevik-léniniste, de la Nouvelle gauche, de l’Union de la gauche socialiste, du Parti socialiste unifié de 1960 à 1964 et de 1967 à 1975, et enfin des Verts.
Jean Baumgarten naquit dans une famille juive de gauche. Ses parents, émigrés d’origine polonaise (son père était marchand forain et sa mère chemisière), militaient à l’Union des juifs pour la résistance et l’entraide. Il étudia jusqu’au baccalauréat classique, puis fut diplômé de l’Institut d’études politiques, section économique. Ses parents vinrent de Pologne, de la banlieue Varsovie, en 1923 et furent naturalisés français en 1934, grâce à la performance de sa sœur aînée, Dina, reçue 1re de l’académie de Paris au certificat d’études. En 1942, son père étant Parti en zone sud, Jean Baumgarten suivit ses études à l’école de la rue Asseline (XIVe arr.) en portant l’étoile jaune en juin 1942 : il garda le souvenir de la solidarité des « copains de quartiers ». Quelques semaines plus tard il l’arracha et la jeta dans le caniveau. Le mois suivant sa mère apprit l’arrestation d’une partie importante de sa famille dans la rafle du Vel d’hiv. Pour échapper à la répression antisémite, sa mère le fit appeler Jean Dupré, premier d’une longue série de pseudonymes qui, dit-il, « brouillèrent son identité » et le confia à la famille Bleibtreu (l’un des quatre enfants était René, le fiancé de sa sœur aînée, mais il y avait aussi Marcel Bleibtreu* militant trotskyste, et aussi Denise Bleibtreu qui sera une grande galeriste [« Denise René »]) dans le VIIe arr. puis il rejoint son père à Grenoble où il était ouvrier chez Merlin-Gérin. Il séjourna à la pension des oiseaux à Villard-de-Lans. Sa mère qui avait échappé de justesse à l’arrestation, les rejoignit en 1943. Dans Grenoble occupée par les Italiens, il fut membre des Éclaireurs israélites, d’octobre 1942 à septembre 1943. Son chef de troupe, « Ourson », était un agent de liaison du maquis du Vercors qui fut assassiné par la Milice fin 1943. Les arrestations se multiplient en raison des liens avec la résistance de nombreux réfugiés. Une tante vint le chercher et le ramena en région parisienne, à Asnières et l’inscrivit au petit lycée Condorcet.
À partir de juin 1944, Jean Baumgarten devint éclaireur de France. Dès ses quinze ans et jusqu’en 1953, il milita au Mouvement laïque des auberges de la jeunesse. Inséparable de sa guitare, on l’y connaît sous le surnom de Crincrin. Très vite, il fit partie du groupe théâtral Spartacus, animé par Jean Dupleix et Jacques Leblond, qui se voulait héritier du Groupe Octobre des années trente, et présenta des spectacles « engagés » à travers toute la France. Ce groupe est habilité à participer en juin 1950 au concours des Jeunes Compagnies où il obtint le prix de la mise en scène pour un jeu dramatique écrit par Chris Marker : L’Homme et sa Liberté. Un nouveau metteur en scène est d’ailleurs coopté pour ce spectacle : Claude Kilian, ex-déporté à Buchenwald. Jean Baumgarten joua de la guitare et composa des chansons. En 1970, il en écrivit quatre sur la guerre du Vietnam. Elles furent chantées par Simone Bartel et firent l’objet d’un disque édité en 1972 par le Cercle du Disque socialiste.
Le Mouvement des Auberges de la jeunesse fut, de longue date, un vivier du trotskysme, et Jean Baumgarten, depuis fin 1948, milita en même temps au Mouvement révolutionnaire de la Jeunesse (MRJ), organisation de jeunesse créée par le Parti communiste internationaliste - section française de la IVe Internationale (PCI-SFQI). C’est aux auberges de la jeunesse qu’il a, en particulier, gagné au trotskysme, un ancien condisciple du lycée Condorcet, Félix Guattari*. Au MRJ, Jean Baumgarten devint très vite un des membres du comité central et le resta jusqu’à la dissolution de l’organisation peu de temps après. C’est en tant que membre du MRJ qu’il participa au mouvement des « Brigades de Travail et d’Enquête » en Yougoslavie en 1950, dans la brigade « Commune de Paris ». Très tôt, il fut en même temps membre du PCI-SFQI, sous le pseudonyme de Jean Verger, qu’il conserva tout au long de sa vie militante. Il fut très lié avec Marcel Bleibtreu*, dont il apparut longtemps comme le fils spirituel. Lors de la crise de la section française de la IVe Internationale en 1951-1952, il appartint à la majorité qui s’opposa à la ligne de la direction internationale dirigée par Michel Raptis*. Après la scission de 1952, et dès que commença une nouvelle lutte avec le courant « ouvriériste-syndicaliste » dirigé par Pierre Lambert* il se rangea dans la tendance dirigée par Marcel Bleibtreu et Michel Lequenne. Quand eut lieu l’exclusion de ces derniers et de Lucien Fontanel, en mars 1955, il fut de ceux qui rompirent en même temps qu’eux. Il était en opposition avec le PCI, sur l’attitude à l’égard de la révolution algérienne qui commençait. Ils formèrent ensuite le Groupe bolchevik-léniniste (GBL). Il milita alors activement et avec succès dans le milieu étudiant, et c’est lui qui gagna Jean-Marie Vincent* au trotskysme. C’est avec les militants du GBL qu’il entra en 1956 à la Nouvelle gauche. Il y devint rapidement membre du bureau parisien du Rassemblement de la gauche étudiante. C’est la période où la lutte avait pour principal axe l’opposition aux pouvoirs spéciaux attribués à Guy Mollet et la défense de l’indépendance de l’Algérie. En été 1957, avec Marcel Brisson et François Créach, Jean Baumgarten, au nom des Étudiants de la Nouvelle Gauche, face à l’absence des principales organisations de jeunesse françaises, participa au 6e Festival pour la Paix et l’Amitié qui se déroula à Moscou pendant deux semaines. Un rapport sur la situation en URSS fut publié, et au retour, un meeting fut organisé avec l’Union des étudiants juifs de France aux Sociétés savantes pour protester contre la situation des Juifs en URSS, meeting auquel participa Raymond Leibowitch qui avait été en URSS le dirigeant de la chorale des Amis de la nature.
La Nouvelle gauche fusionnant avec le Mouvement de libération du peuple pour former l’Union de la gauche socialiste en 1957, Jean Baumgarten y poursuit la même lutte. Il fut alors, avec Jean-Marie Vincent, membre de la rédaction de la revue Tribune marxiste où s’étaient regroupés les anciens du GBL. Autre fusion-mutation en avril 1960, avec la formation du Parti socialiste unifié (PSU). Avec le même noyau, il accéda à la direction de la tendance dite « socialiste-révolutionnaire ». Parallèlement, il fut membre du bureau de l’Union départementale de la Seine. Il fut élu au secrétariat interfédéral (Paris-Seine-Banlieue), créé au congrès fédéral des 10 au 11 décembre 1960, responsable à la formation. Au congrès de janvier 1963, il fut désigné pour siéger à la commission des conflits du PSU, comme délégué de la motion minoritaire C. En mai, il devint secrétaire fédéral adjoint et responsable de la commission formation. En marge, il collabora également à la Voie communiste de Denis Berger, Félix Guattari et Gérard Spitzer*. La fin de la guerre d’Algérie fit perdre son principal élément de cohésion au PSU. De ce fait, Jean Baumgarten en sort it en 1964. Il y revint en 1967 et collabora à son hebdomadaire Tribune socialiste de 1968 à 1975. Il fut en particulier le rédacteur en chef du numéro spécial « Centenaire de la Commune » en 1971. La même année, il fut candidat aux municipales dans le XIe arrondissement sur la liste « Paris aux travailleurs », présentée par le PSU et Lutte Ouvrière. Aux élections législatives de 1973, il fut candidat du PSU dans le XIe arrondissement de Paris, et obtint 3,5 % des voix. De 1972 à 1976, il fut membre de la direction politique nationale, comme animateur et co-fondateur du courant « Moussel », soutien critique à l’orientation majoritaire (Rocard), luttant en 1973 pour l’éviction de la Gauche ouvrière et paysanne, dont les chefs de file étaient Marc Heurgon* et Alain Lipietz. En avril 1974, il soutint l’idée d’une candidature Piaget, leader de la grève LIP, aux élections présidentielles, puis mèna campagne pour la candidature René Dumont*. Il s’opposa au courant rocardien favorable à la fusion avec le Parti socialiste et au soutien de la candidature Mitterrand dès le premier tour. Blâmé pour un article paru dans Politique hebdo en avril 1976, il quitta le PSU dans les mois qui suivirent, trouvant sa tactique trop étriquée : selon lui, ce dernier ne s’intéressa pas à certains mouvements extérieurs comme l’écologie. Il rejoignit alors le mouvement écologiste lors de sa formation. Il fut d’ailleurs candidat de Paris-écologie aux législatives de 1977 dans le XIe arr. de Paris, et obtint 10 % des voix.
Il fut président-créateur du conseil de parents d’élève (fédération Cornec) du lycée Charlemagne, vers 1969.
Depuis 1995, résidant dans le Vaucluse, il milita chez les Verts et soutint la gauche de ce parti. Il fut également membre du bureau de l’Association pour la défense et le développement des populations du plateau d’Albion, qui luttait activement pour la reconversion civile de la base militaire d’Albion. Membre des Verts du Vaucluse de 1995 à 2001, il adhéra à la LCR en septembre 2002 et y militait encore en 2005. Auteur-compositeur, chanteur, il donna en 1999, dans le cadre du festival d’Avignon « off », un spectacle intitulé « misère du travail, travail de la misère » dans lequel il chantait un dizaine de chansons de Jacques Prévert.
Sur le plan professionnel, Jean Baumgarten fut de 1960 à 1962 chargé de mission au Syndicat général de l’industrie cotonnière. De 1962 à 1976, il devint directeur commercial de PME, puis, par la suite, formateur-conseil indépendant. Marié à Gilberte Fournié, avocate, retraitée depuis 1991 et militante chez les Verts depuis 1996, il eut avec elle un fils, Yves, né en 1957, et une fille (décédée).
Par Michel Lequenne, Jean Péaud
ŒUVRE : Raison et déraison du Commerce, Delachaux et Niestlé, 1989. - L’entrevue ou le jugement de Dieu (sur F. Mitterrand), juillet 1995, auto-édition. — Allergie française, pièce de théâtre sur la guerre d’Algérie, 2001 (écrit en septembre 1961, jouée en 2002), l’Harmattan. — Un léger incident ferroviaire, récit autobiographique, La Fabrique édition, 2002. — En finir avec le sionisme, 2004, Baumgarten. — Mais où est donc passé Ben Laden ?, opérette tragico-comique, 2004, J. Baumgarten éditions.
SOURCES : Témoignage de Jean Baumgarten (1999). — Nouvelle Gauche, n° 24, 24 mars 1957 ; n° 32, 14 septembre 1957 ; n° 36, 9 novembre 1957. — Tribune socialiste, 4 février 1961 et 2 février 1963. — Notes de Gilles Morin. — Un léger incident ferroviaire, récit autobiographique, op. cit. — Conversation téléphonique avec Claude Pennetier, février 2005 et documents envoyés par J. Baumgarten.