MIKOL David [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né à Paris dans une famille yiddishophone ; ouvrier tailleur ; marié et père de famille ; militant anarchiste, membre la colonie La Libre Initiative ; collaborateur de La Tribune libre, puis de L’Union des travailleurs ; rallié au PSA à compter de 1908 ; membre de l’AFL, conseiller de Samuel Gompers ; organisateur de la souscription au profit des victimes de guerre après août 1914.

Né dans une famille juive où l’on parlait yiddish, David Mikol habitait lorsqu’il était enfant près de la gare Montparnasse à Paris ; il fut durablement frappé par le spectacle attristant des trains de paralytiques qui se rendaient en pèlerinage à Lourdes, et il rejeta dès lors tout sentiment religieux. Jeune révolutionnaire, il assista en juillet 1889 au congrès marxiste de Paris qui décida de faire du 1er Mai une journée internationale de lutte. Fréquentant les milieux anarchistes parisiens au début des années 1890, il lisait parfois Le Réveil des mineurs et il versa même son obole à une collecte organisée au bénéfice de ce journal. Il n’est pas impossible que ces lectures aient eu une influence sur la décision qu’il prit d’émigrer aux États-Unis vers le milieu de l’année 1896.

Peu après son arrivée, David Mikol adhéra à la Libre Initiative de New York (voir M. Bouet et A. Letoquard). Début janvier 1897, il se rendit à Boston pour y donner une série de conférences en français et en anglais sur « les origines du socialisme », « l’individu et l’anarchie », ou encore « luttes politiques, luttes de classe ». Il mit également à profit ce voyage pour faire de la propagande en faveur de la colonie communiste libertaire de Campgaw (New Jersey).

Dans un éditorial qu’il envoya à La Tribune libre et qui fut publié en novembre 1897, David Mikol se déclarait opposé à toute forme de participation électorale. Il résidait alors à New York, 140 Wooster street. À dater de ce moment, sa collaboration à La Tribune libre devint plus régulière et ce journal publia notamment en février 1898 une « Étude sur le socialisme » signée de lui. Il versa également à plusieurs reprises son écot à la souscription permanente ouverte par le journal.

Au printemps 1898, ne voulant plus être plus ni exploiteur ni exploité au terme d’une brève expérience de deux mois comme patron qui semble n’avoir été pour lui qu’un long cauchemar, David Mikol décida d’aller rejoindre Decamps (voir ce nom) qui tentait vaille que vaille de maintenir en vie la colonie La Libre Initiative de Ramsey. Son arrivée permit la mise en place d’un atelier de confection vivant des commandes des sympathisants. Il était par ailleurs résolu, à aller proposer ses services à la ville la plus proche dès que l’ouvrage manquerait à la colonie. Profondément affecté par le geste suicidaire de l’anarchiste français Étiévant, qu’il avait connu à Paris, il accepta la suggestion de Decamps de faire venir à la colonie la veuve Chauveau.

En septembre, David Mikol reprit contact avec La Tribune libre, s’excusant de son long silence. Il vivait alors à Boston, 84 West Rutland Square et participait toujours à la bonne marche de La Libre Initiative, donnant un coup de main à Decamps et à sa famille en élevant des poules et des lapins. Les perspectives étaient plutôt encourageantes et la colonie fonctionnait pratiquement en autosuffisance. Toujours aussi radical politiquement, il prit la défense du régicide Luigi Luccheni, qui venait de tuer l’impératrice Elisabeth d’Autriche. En réponse à cette prise de position, Louis Goaziou se prononça pour sa part contre le terrorisme anarchiste.

En mai 1899, dans une correspondance datée de Boston, David Mikol se déclara en accord avec H. Reinurof (Henri Fournier), qui avait appelé les partisans des différentes écoles révolutionnaires à agir ensemble et à être plus respectueux les uns des autres, à condition que la lutte ait un objectif clairement défini : en finir avec toutes les formes de domination et d’exploitation. Ayant toujours un œil tourné vers la France, il s’éleva avec virulence en juillet suivant contre l’entrée du socialiste Millerand dans un gouvernement comprenant également Gallifet, le massacreur de la Commune.

En juillet 1900, alors qu’il s’était installé à Springfield (Massachusetts), David Mikol prit la défense des immigrés chinois. Quelques semaines plus tard, il se rendit en Pennsylvanie pour faire la connaissance de Louis Goaziou et de la rédaction de La Tribune libre, et il en profita pour donner une série de conférences de propagande à Charleroi, MacDonald, Sturgeon et Cecil.

David Mikol figurait dans la première liste d’abonnés publiée par L’Union des travailleurs le 18 avril 1901. Favorable à la stratégie de grève générale mais farouchement opposé à l’action politique, il coupa toutefois rapidement tout lien avec Louis Goaziou et son journal. Il ne renoua les contacts qu’en juillet 1908 : il vivait toujours à Boston, où il résidait 99 Charles street, et un militant socialiste lui avait donné un exemplaire de l’hebdomadaire francophone de Charleroi. Ayant évolué politiquement pour se rapprocher du socialisme, il se hâta d’écrire à Goaziou, se réjouissant de lui faire savoir qu’il existait de solides sections socialistes en Nouvelle Angleterre et que lui-même était prêt à reprendre du service en tant que conférencier. Il promettait d’envoyer des contributions à L’Union des travailleurs et de prendre une action de la coopérative de publication.

En octobre 1908, David Mikol se rendit effectivement à Lawrence (Massachusetts) à l’invitation de la section 20 des IWW pour y donner trois conférences en anglais, en français et en yiddish. Près de 100 personnes assistèrent à la réunion réservée aux francophones et son exposé fut partiellement repris par L’Union des travailleurs. Revenant quelques semaines plus tard sur le cas des Canadiens-français de Nouvelle Angleterre, il estimait que les progrès du socialisme seraient forcément lents, et prodiguait en conséquence des conseils de patience et de tolérance, notamment à l’adresse des anarchistes et autres « révolutionnaires de salon » (il devait aussi critiquer quelques années plus tard, en 1913, les socialistes qui persistaient à considérer Labor Day comme une fête bourgeoise).

À partir de 1910, David Mikol semble avoir joué un rôle de conseiller au sein de l’AFL. On sait en effet qu’il accompagna Gompers lors de son voyage à Paris en juillet 1910 pour lui servir d’interprète. Il raconta plus tard qu’ils s’étaient rendus au Mur des Fédérés en compagnie d’Yvetot de la CGT et de Thuillier de la Chambre syndicale de la Seine. Arrivé devant le Mur, Gompers avait fondu en larmes. Peu après, ce dernier avait envoyé à tous les dirigeants de l’AFL un carte postale représentant ce monument.

Toujours très attaché à L’Union des travailleurs, David Mikol s’engagea en septembre 1913 à verser chaque mois 10¢ afin de permettre la constitution d’un fonds de réserve financier.

Au lendemain du déclenchement de la Première Guerre mondiale, David Mikol et sa famille accueillirent à Boston Louis Goaziou, alors en tournée en Nouvelle-Angleterre. Les deux hommes, qui devaient se revoir de nouveau quelques semaines plus tard, ne s’étaient pas vus depuis près de quatorze années.

Traumatisé par le conflit qui faisait rage en Europe, David Mikol choisit de s’investir dans la collecte de fonds au profit des victimes de guerre. Il fut notamment l’organisateur au printemps 1915 d’une grande kermesse franco-belge destinée à recueillir de l’argent à cet effet. Ayant fait l’objet de critiques, il se retira de l’Union franco-belge pour se consacrer à une œuvre d’accueil pour les veuves et les orphelins arrivant de France.

David Mikol demeura un lecteur fidèle et généreux de L’Union des travailleurs jusqu’à sa cessation définitive de parution en septembre 1916.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159542, notice MIKOL David [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 6 juin 2014, dernière modification le 19 janvier 2019.

Par Michel Cordillot

SOURCES : La Tribune libre, 31 décembre 1896, 11 novembre 1897, 3 février, 14 avril, 19 mai, 29 septembre, 6 octobre 1898, 25 mai, 6 juillet 1899, 31 juillet, 14 aout 1900 entre autres. — L’Union des travailleurs, 18 avril, 8 août 1901, 9 avril, 8 octobre, 19 novembre 1908, 18 février 1909, 11 septembre 1913, 12 mars, 16 juillet, 24 septembre, 29 octobre, 31 décembre 1914, 4 février 1915, 6 mai 1915 entre autres.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable