MILLOT Théophile (aîné) [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Relieur ; membre de l’URLF et secrétaire du Comité central new yorkais en 1872 ; secrétaire de la section 2 de l’AIT, membre du Comité central pour l’Amérique du Nord, rallié aux anticentralistes ; proudhonien, puis proche des blanquistes ; membre du Comité de salut public constitué en décembre 1873 à New York durant le mouvement des chômeurs ; membre du SLP, il prit la parole au nom des révolutionnaires francophones lors de la cérémonie organisée en 1883 à New York à la mémoire de Karl Marx.

Théophile Millot habitait en 1872 à New York, 17 Wooster street. Membre de l’Union républicaine de langue française, il fut élu secrétaire du comité central newyorkais début juillet 1870. Il fut membre du comité organisateur de la deuxième tombola patriotique organisée sous les auspices du Comité républicain de défense nationale en octobre 1870. Le tirage eut lieu à l’Union Assembly Rooms de New York en présence d’une assistance évaluée à 3 000 personnes, presque toutes francophones. Il siégea également au Comité de défense nationale créé en septembre 1870 sous l’égide de l’URLF pour organiser le départ de volontaires vers la France envahie.

Ayant adhéré à l’AIT dès son implantation à New York, Théophile Millot fut élu secrétaire de la section 2 et fut à ce titre l’un des signataires, avec Fouquet, Hubert et Charnier, du premier document commun rédigé par les sections 1 et 2 le 16 octobre 1870. Élu membre en août de l’année suivante du comité central pour l’Amérique du Nord, il y représenta la section 14 de Saint Louis, et il signa à ce titre la protestation contre la dissolution du comité central le 19 novembre 1871. S’étant rapproché des anticentralistes, il cosigna l’appel à la manifestation qui devait se tenir à Cooper Institute le 10 décembre (elle n’eut finalement lieu que le 17) pour honorer la mémoire de Ferré, Bourgeois et Rossel. Peu après, il fut l’un des organisateurs de la collecte lancée par les sections françaises au bénéfice des grévistes de Monthey (Suisse).

Friedrich Sorge, qui était aux États-Unis le correspondant de Marx et d’Engels, n’aimait pas Millot qu’il tenait pour proudhonien (lettre à Engels, 17 avril 1872). Cela n’empêcha toutefois pas ce dernier d’être pratiquement le seul Français à se rallier publiquement au projet conçu par Victoria Woodhull de lancer un Party of the People en mai 1872.

S’étant rapproché des blanquistes qui exerçaient alors au sein des sections françaises de l’AIT une influence prépondérante, Théophile Millot fut l’un des membres du Comité de salut public constitué en décembre 1873 à New York dans le cadre du mouvement des chômeurs. Il semble également avoir été au nombre des éléments les plus déterminés à ne pas reculer devant les risques d’affrontement physique avec la police au lendemain des échauffourées de Tompkins square. Si l’on en croit une correspondance policière en provenance de New York, il aurait prononcé le discours suivant à l’occasion d’une réunion de militants révolutionnaires français le 4 février 1874 « Nous prendrons la justice en mains et nous l’administrerons avec des fusils et des baïonnettes. Nous avons déjà des armes, nous trouverons du pétrole et nous l’utiliserons comme nous l’avons fait à Paris. » Toutefois, il figurait toujours à cette date au nombre des lecteurs du Bulletin de l’Union républicaine, dont la ligne était nettement plus modérée.

En 1876, Théophile Millot fut l’un des premiers à appuyer le lancement par Boisset de La Tribune populaire, et il publia une contribution dans le premier numéro. La même année, à l’occasion de l’Exposition universelle de Philadelphie, Millot reçut la visite du délégué parisien des relieurs, V. Wynants, qui avait été un compagnon et ami de Varlin. Il le renseigna sur la situation des ouvriers américains et le guida dans la ville.

En 1878, Millot était l’un des dirigeants élus de la seule section de langue française du Parti ouvrier socialiste (Socialistic Labor Party) ; il résidait à cette époque 128 Wooster street.

En 1883, Théophile Millot militait toujours activement, et il fut invité à prendre la parole en français aux côtés de Drury, Swinton, Douai, McGuire, Most, etc, lors de la cérémonie commémorative organisée au Cooper Institute au lendemain de la mort de Karl Marx.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159543, notice MILLOT Théophile (aîné) [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 6 juin 2014, dernière modification le 6 juin 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Arch. du Ministère des Affaires étrangères, Paris, Correspondance politique des consuls, vol. 40, p. 34 : Consul de New York, 4 mars 1874. — Bulletin de l’Union républicaine, 15 juillet 1870, 20 août 1871, 16 février 1874. — Le Socialiste, 25 novembre 1871, 2 mars 1872. — Woodhull & Clafflin’s Weekly, 6 avril 1872. — L’Étoile du Kansas, 1er avril 1876. — Der Vorbote, 12 janvier 1878. — Exposition universelle de Philadelphie, 1876. Délégation ouvrière libre. Relieurs, Paris chez tous les libraires, 1879. — Répertoire international des sources. La Première Internationale, vol. 3, Paris, A. Colin, 1963, p. 63, 66. — Philip S. Foner (ed.), When Karl Marx Died, New York, Int. Publ., 1973. — Michel Cordillot, « Les Blanquistes à New York, 1871-1879 », 1848, Révolutions et mutations au XIXe siècle, n° 6 (1990), p. 77-92. — Charles Clerc, Les Républicains de langue française aux Etats-Unis, 1848-1871, Thèse, Univ. Paris XIII, 2001, p. 353, 358 et suiv.

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