Par Anysia L’Hôtellier
Née le 19 août 1915 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), morte le 6 février 1998 à Paris ; journaliste, romancière, critique d’art, militante communiste.
Les parents d’Hélène Parmelin étaient russes et juifs. Son père, Arcadi Jungelson, était ingénieur-agronome, révolutionnaire et anarchiste. Sa mère, Véra Halfin, était avocate et menchévik. Ils fuirent séparément la Russie tsariste après l’échec de la révolution de 1905. Son père fut déporté en Sibérie et sa mère, arrêtée et emprisonnée pendant deux ans à Odessa. Les familles les firent évader chacun de leur côté. Tous deux décidèrent de rejoindre Lénine en Suisse. C’est là-bas qu’ils firent connaissance. Installés en Lorraine, ils achevèrent leurs études à l’université de Nancy, lui, en sciences agronomiques et elle, en droit. Sa mère fut la première femme à obtenir un doctorat de droit à l’université de Nancy. Avocate, la mère d’Hélène dispensait des conseils aux voisins de l’immeuble. Hélène Parmelin fut donc très tôt baignée dans un environnement politisé. Ils partirent ensuite pour la région parisienne et vécurent quelques années dans un pavillon de banlieue. De 4 à 17 ans, Hélène habita ensuite avec ses parents dans un ancien atelier d’artiste au 2e étage d’un immeuble assez modeste dans un quartier populaire de Paris. À cinq ans, elle perdit son père à la suite d’une intervention chirurgicale maladroite. Des amis russes et les voisins de l’immeuble vinrent en aide à la mère et à ses enfants.
Après son baccalauréat au lycée Fénélon, Hélène Parmelin vécut deux ans et demi en Indochine avec Georges Vidal qu’elle épousa en 1934. À leur retour en France, ils se séparèrent. Pendant l’Occupation et l’après-guerre, elle signait ses articles de l’Humanité « Léopold Durand ». Elle rejoignit le Parti communiste français en 1944. De 1944 à 1953, elle fut la directrice du service culturel puis grand reporter du journal l’Humanité. Quand le militant communiste Henri Martin fut emprisonné en 1950 pour propagande hostile à la guerre d’Indochine, la journaliste était en première ligne. Durant un an, jour après jour, Hélène Parmelin signa une chronique dans l’Humanité qui compta dans la campagne pour sa libération (1953).
En 1947, elle s’installa dans le XIVe arrondissement de Paris avec l’artiste-peintre Édouard Pignon avec lequel elle se maria en juin 1950 et dont elle aura un fils, Nicolas, en septembre 1948. Édouard Pignon et Hélène Parmelin étaient des amis intimes de Picasso, le couple séjourna régulièrement chez lui, à Vallauris notamment.
Hélène Parmelin écrivit son premier roman en 1950 : La Montée au mur. Elle reçut le prix Fénéon en 1951 pour ce livre qui évoque l’histoire du mur des fédérés sur fond d’apologie du Parti communiste français par le biais d’une de ses cellules de quartier. En 1954, elle publia le roman Noir et blanc dans lequel elle décrivait le journal l’Humanité et glorifiait avec humour cet organe de presse officiel du PCF. Entre 1950 et 1987, elle écrivit une quinzaine de romans dans lesquels elle abordait très souvent des thèmes socio-politiques : le monde ouvrier des mineurs du Pas-de-Calais (Léonard dans l’autre monde, 1957), la politique (la Manière noire, 1970), les guerres (Le Soldat connu, 1962 ; Le Guerrier fourbu, la Femme crocodile, 1968 ; Le Perroquet manchot, 1974, etc). Très présente dans son œuvre, la sœur d’Hélène Parmelin, Olga Wormser-Migot (épouse d’Henri Wormser puis d’André Migot), a notamment travaillé avec Henri Michel au Comité d’histoire de la seconde guerre mondiale, elle était la conseillère historique du film de 1956 Nuit et Brouillard d’Alain Resnais. Hélène Parmelin est également l’auteur de nombreux essais et ouvrages sur l’art.
En 1956, après les révélations du rapport Khrouchtchev et l’invasion soviétique de la Hongrie, l’opposition se faisait de plus en plus manifeste entre le Parti communiste français et les intellectuels, et parmi eux Hélène Parmelin, Pablo Picasso et Édouard Pignon. À partir de cette période, Hélène Parmelin mit toute son énergie dans la lutte contre le stalinisme tout en défendant les valeurs du communisme. En novembre 1956, elle fut à l’initiative d’un texte qu’elle signa avec neuf autres intellectuels communistes dont Picasso, Édouard Pignon et Henri Wallon. Dans ce texte publié le 22 novembre dans le Monde et France Observateur, les dix intellectuels exprimèrent leur désarroi et demandèrent la convocation d’un congrès extraordinaire. Le PCF exerça une certaine pression sur les auteurs de ce texte. À partir de décembre 1956, un petit réseau clandestin de militants communistes édita un bulletin mensuel : L’Étincelle (en référence à Iskra, le journal de Lénine). Les auteurs des textes signaient avec des pseudonymes. Hélène Parmelin fit partie de cette entreprise, aux côtés d’artistes et intellectuels comme Victor Leduc, Paul Tillard, Marc Saint-Saëns, Édouard Pignon, Anatole Kopp, etc. Picasso finança en partie ce journal clandestin qui publia quelques numéros en 1956 et 1957.
Le 26 mai 1968, alors que la presse communiste accusait les gauchistes d’avoir provoqué de violents affrontements, 36 communistes adressèrent une lettre à la direction du Parti dans laquelle ils affirmaient leur « solidarité politique » avec le mouvement contestataire et reprochaient au Parti d’avoir freiné cet élan exceptionnel. Parmi les signataires, on retrouve Hélène Parmelin, aux côtés d’Édouard Pignon, Jean Bouvierè, Jean Chesneaux, Madeleine Rebérioux, Jean-Pierre Vernant, Charles Tillon, etc. Hélène Parmelin s’insurgea quelques mois plus tard contre l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 par les troupes du Pacte de Varsovie et contre la « normalisation » qui s’ensuivit. En 1979, paraît chez Stock son essai Libérez les communistes. Dans cet ouvrage, Hélène Parmelin livra une chronique qui passait trente-cinq années de militantisme au crible d’une réflexion critique sur le stalinisme. En décembre 1980, après l’invasion soviétique de l’Afghanistan, elle décida, avec Édouard Pignon, de quitter le Parti communiste, en évoquant une « dangereuse réalité de ce parti sur la plupart des terrains de la vie nationale et internationale ».
Par Anysia L’Hôtellier
ŒUVRE :
Romans :
La Montée du mur, Paris, Éditeurs Français Réunis, 1950. — Noir sur blanc, Paris, Julliard, 1954. — Le Diplodocus, Paris, Julliard, 1955. — Léonard dans l’autre monde, Paris, Julliard, 1957. — Le Taureau matador, roman-conte, Paris, Julliard, 1959. — Le Soldat connu, Paris, Julliard, 1962. — L’Amour-peintre, Paris, Julliard, 1962. — Aujourd’hui, Paris, Julliard, 1963. — Le Voyage à Lucerne (petit roman), Paris, Julliard, 1965. — Le Guerrier fourbu, Paris, Julliard, 1966. — La Gadgeture, roman, Paris, Julliard, 1967 — La Femme-crocodile, Paris, Julliard, 1968 — La Manière noire, Paris, Bourgois,1970 — Le Perroquet manchot, Paris, Stock, 1974. — La Femme écarlate, Paris, Stock, 1975. — Le Monde indigo, Paris, Stock, 1978 — Le Soleil tombe sur la mer, Paris, Stock, 1978. — Cramponne, 1978. — Le Diable et les jouets ou la ballade des temps rétifs, roman, Paris, Ramsay, 1982. — La Tortue surpeuplée, Paris, Bourgois, 1987
Essais :
Un exemple : Henri Martin, second maître de la marine, 1951 — Cinq semaines chez les hommes libres, Paris, Éditeurs Français Réunis, 1951 — Matricule 2078 : L’affaire Henri Martin, Paris, Éditeurs français réunis, 1953 — Les Mystères de Moscou, Paris, Julliard, 1956 — Le Complexe de Filacciano (essai sur la dépolitisation), Paris, Julliard, 1960 — Libérez les communistes, Paris, Stock, 1979 — Une passion pour Sanary, Aix-en-Provence, Edisud, 1980 — La Désinvolture, auto-pamphlet, Paris, Bourgois, 1983
Art et peintres :
Introduction à la peinture moderne, en collaboration avec Henri Wormser, Paris, Studio Raber, 1945. — Estampes chinoises révolutionnaires, Paris, Cercle d’art, 1951. — Le Massacre des innocents. L’art et la guerre, Paris, Cercle d’art, 1954 — Cinq peintres et le théâtre, Décors et costumes de Léger, Coutaud, Gischia, Labisse, Pignon, Paris, Cercle d’art, 1956. — Picasso sur la place, Paris, Julliard, 1959. — Édouard Pignon , Paris, Galerie de France, 1960. — Dayez, Paris, galerie Villand et Galanis, 1962. — Picasso, Les Dames de Mougins, Paris, Cercle d’art, 1964. — Picasso, Le peintre et son modèle, Paris, Cercle d’art, 1965. — Picasso dit, Paris, Gonthier, 1966. — Secrets d’alcôve d’un atelier, Paris, Cercle d’art, 1966. — Picasso, La flûte double, Au vent d’Arles, 1967. — L’Art et les anartistes (pamphlet), Paris, Bourgois, 1969. — Picasso lithographe, Paris, Weber, 1970. — L’Art et la rose, pamphlet, Paris, 10/18, 1972. — Pignon, Les Nus rouges, Paris, Galerie de France-Weber, 1973. — Histoire des Nus, Paris, Bourgois, 1976. — Voyage en Picasso, Paris, Robert Laffont, 1980. — Les Peintres de Jean Vilar : Calder, Chastel, Gischia, Jacno, Lagrange, Manessier, Pignon, Prassinos et Singier, Fondation Jean Vilar, Avignon, 1984. — Pignon, préface de Jack Lang, textes de Jean-Louis Ferrier, Georges Duby, Gabrielle Althen, Alain Roger, Jean-Luc Chalumeau, Jean Lescure et Hélène Parmelin, Galeries Nationales du Grand Palais, Centre National des Arts Plastiques et Editions Denoël, Paris, 1985. — Édouard Pignon : Touches en zigzag pour un portrait, suivi de “La peinture est une et indivisible”, propos enregistré de Pignon, Marval/Galerie Beaubourg, Paris, 1987 — Histoire de Madame H. P, Paris, Editions Marval, 1996.
Théâtre :
Le Contre-pitre, Bourgois, 1973. — Belperroque ou L’enterrement du perroquet, guignol en trois actes et un épilogue, Paris, Bourgois, 1977. — La Mort au diable, Paris, Bourgois, 1982.
SOURCES : Michel Guilloux, « Hélène Parmelin, un esprit en perpétuelle insurrection », l’Humanité, 7 février 1998 — Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, 2e édition, Puf, Paris, 2000, 480 p. — Maïr Verthuy, Fenêtre sur cour voyage dans l’œuvre romanesque d’Hélène Parmelin, Laval (Canada), Trois guinées, 1992, 244 p. — « Radioscopie », entretien d’Hélène Parmelin réalisé par Jacques Chancel, diffusé le 5 novembre 1974 sur France inter.
Site internet : http://heleneparmelin.blogspot.fr/