LATOUR François [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né vers 1830 à Saint-Gengoux-le-Royal (aujourd’hui Saint-Gengoux-le-National, Saône-et-Loire) ; socialiste quarante-huitard, exilé à Londres, puis à New York, après le 2 décembre 1851 ; tailleur ; marié, père d’un enfant ; membre de l’Association internationale, puis de l’URLF et de l’AIT ; rentré en France pour défendre la République au lendemain du 4 septembre 1870, il fut le témoin des premiers jours de la Commune.

Originaire de Saône-et-Loire, François Latour se fixa à Paris, où il se trouvait au moment du coup d’État du 2 décembre 1851. Exilé à Londres, il y fit partie du groupe La Sociale qui réunissait quelques socialistes indépendants (Bone, Joseph Déjacque, Didier, Gustave Lefrançais) et dont le siège se trouvait Gerrard street à Soho.

Latour émigra aux États-Unis vers le milieu des années 1850. Il y fut l’un des animateurs de l’Association internationale (1855-1858), et à l’occasion d’un meeting organisé à New York à Harmony Gardens pour commémorer le 10e anniversaire des journées de Juin en présence de 1 000 à 1 200 personnes, il prononça un discours de « tonalité révolutionnaire et libertaire ».

Au lendemain de la guerre de Sécession, Latour fut l’un des fondateurs de l’Union républicaine de langue française (URLF) à New York. Le 8 août 1869 il fut élu membre de la commission chargée de préparer la publication d’un journal, et il fut par la suite un collaborateur actif du Bulletin de l’Union républicaine. Au début de l’année suivante, il figurait parmi les organisateurs d’un banquet destiné à commémorer l’anniversaire du 24 février. Il habitait alors à New York, 43 East 13e rue. Début juillet 1870, alors qu’il s’affairait à préparer le pique-nique du 14 juillet, il fut élu président de la section 2 de l’URLF de New York.

Au lendemain de la proclamation de la République, Latour prit la tête d’un premier groupe de volontaires républicains et de socialistes franco-américains (ils furent plusieurs dizaines au total) et, laissant à New York femme et enfant, il embarqua le 10 septembre 1870 avec Rabut et Tuefferd pour partir s’enrôler sous le drapeau de la République et défendre la patrie contre l’envahisseur prussien. Le 25 septembre, il se trouvait en France, après voir traversé l’Irlande, puis l’Angleterre où ils avaient été cordialement accueillis par les ouvriers. Il semblerait qu’il ait participé à la campagne de Garibaldi avec l’Armée des Vosges.

La proclamation de la Commune le surprit à Paris, alors qu’il venait d’être démobilisé. Si l’on en croit le témoignage du grand vicaire Lagarde, qui les rencontra le 12 avril 1871 à la veille de son départ pour New York, aussi bien Latour que son ami Benjamin Flotte, « tout en approuvant le mouvement révolutionnaire, blâmaient les excès de leurs amis, dont ils n’avaient voulu accepter aucune fonction officielle. »

De retour à New York durant l’été, Latour reprit ses activités militantes. Dès le mois d’août, il figurait parmi les organisateurs du banquet organisé par l’URLF pour commémorer l’anniversaire du 22 septembre. Ayant adhéré à l’AIT, il fut désigné pour faire partie du comité de rédaction du Socialiste.

Ses éventuelles réserves par rapport à la Commune n’empêchèrent pas Latour de prendre fait et cause pour les vaincus. Il était présent à la réunion qui se tint à Newark (New Jersey) pour décider le principe d’une collecte nationale au profit des veuves et des orphelins des combattants de la Commune, et il versa personnellement 2 dollars. Par la suite, il collecta à lui seul 24 dollars 75. Avait-il déménagé pour s’installer à Newark ? Peut-être, puisqu’en novembre 1872 c’est cette dernière ville qu’il représentait lors de la réunion des agents locaux chargés de coordonner les collectes pour les familles des Communards tués. En décembre 1872 il fut toutefois réélu président de la section new yorkaise de l’URLF.

La dernière mention de sa présence aux États-Unis fut à l’occasion des obsèques du communard Parisel, auxquelles il assista en juillet 1877, marchant en tête du cortège.

D’après son vieil ami Gustave Lefrançais, Latour était toujours en vie à la fin des années 1880, et « après avoir séjourné une trentaine d’années aux États-Unis, [il était] revenu planter ses choux aux environs de Paris. »

François Latour demanda et obtint une pension au titre de la loi de réparation nationale de 1881. Il mourut à Colombes le 17 janvier 1894 à l’âge de 63 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159598, notice LATOUR François [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 7 juin 2014, dernière modification le 30 juillet 2021.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Le Libertaire, 29 juin 1858. — Bulletin de l’Union républicaine, 1er février 1870 entre autres. — Le Socialiste, passim. — New York Sun, 9 juillet 1877. — Gustave Gautherot, L’Échange des otages. Thiers et Mgr Darboy, Paris, Perrin, 1910, p. 40-41. — Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, Paris, Tête de feuilles, 1972. — Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Paris, Arch. nat., 1992. — Charles Clerc, Les Républicains de langue française aux Etats-Unis, 1848-1871, Thèse, Univ. Paris XIII, 2001, p. 332, 364. — CDRom Maitron. — La Petite République, 20 et 22 janvier 1894. — Note de J. Chuzeville.

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