LÉVY Charles [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né le 8 avril 1844, à Seppois-le-Bas (Haut-Rhin), mort à Chicago le 19 décembre 1905 ; marié ; fermier ; membre de l’AIT et combattant de la Commune ; exilé aux États-Unis ; membre de la communauté icarienne de l’Iowa, fidèle à la Vieille Icarie jusqu’en 1880 ; en liaison avec la mouvance anarchiste francophone durant les années 1890 ; favorable aux expériences de communauté coopérative, puis à l’ouverture d’un centre d’échange mutuelliste ; collaborateur de L’Ami des ouvriers et de La Tribune libre ; un des rares militants franco-américains de premier plan ayant refusé de se rallier au PSA après 1901.

Réfugié aux États-Unis après avoir pris part à la Commune de Paris, Charles Lévy ne semble pas avoir pris langue avec la mouvance internationaliste francophone bien qu’ayant été membre de l’AIT en France. Il fut admis au sein de la communauté icarienne de l’Iowa en 1876 en même temps qu’Arsène Sauva. Il était avec sa compagne, Lena C. Steppach, qu’il épousa (peut-être à Natchez) dans le comte d’Adams (Mississippi) le 31 octobre 1877 et dont il eut 6 enfants.

Au printemps 1878, il décida avec Arsène Sauva de former une "Union sociale" dans le but de solidariser les diverses communes sociales existant aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Ils créèrent à cet effet un réseau de correspondants habilités à recevoir des adhésions en attendant la constitution définitive du Comité exécutif. Mais l’affaire resta apparemment sans suite, probablement à cause de la scission survenue en Icarie.

En 1878, Charles Lévy et sa femme restèrent fidèles à la majorité de la Vieille Icarie. Malgré cela, Lévy tenta une médiation avec Dereure, qui lui paraissait être le plus modéré des « jeunes » séparatistes : son but était d’éviter qu’on s’en remette à un tribunal « individualiste » pour organiser le partage des terres de Corning entre les deux courants. Lévy échoua, et en 1879, il signa l’acte d’incorporation de la Nouvelle société icarienne.

En 1880, la citoyenne Lévy adopta une position très tranchée sur la question des droits de la femme, puis, à la surprise générale, elle demanda le remboursement de son apport pour aller s’installer à Creston (Iowa), auprès de la famille Frémont. Son mari la suivit quelque temps après, quittant la communauté en septembre 1880.

Après son installation à Creston, Charles Lévy resta en contact avec les Icariens : il rendit par exemple visite à ces derniers en 1883, pour célébrer avec eux le 12e anniversaire de l’insurrection du 18 mars. Il semblerait aussi qu’il ait effectué un séjour en France au cours des années suivantes.

Charles Lévy avait également conservé des liens avec les milieux révolutionnaires francophones. Abonné au Réveil des mineurs, il envoya 2 dollars pour la souscription permanente en mai-juin 1892. En septembre il fit parvenir à la rédaction de ce journal une lettre traitant du travail des enfants, lettre dans laquelle il faisait référence à la doctrine fouriériste pour proposer de la dépasser.

Charles Lévy déménagea en 1894 à Chicago (Illinois), et pendant les sept années qui suivirent, il resta en correspondance suivie avec les journaux anarchistes francophones publiés par Louis Goaziou en Pennsylvanie. Ces feuilles publièrent de nombreux articles de fond signés de lui, en particulier une longue étude intitulée « Qu’est-ce que l’anarchie » (L’Ami des ouvriers, mars 1895-29 février 1896) et une nécrologie d’Arsène Sauva (La Tribune libre, 21 avril 1898).

En octobre 1898, Charles Lévy écrivit à La Tribune libre pour se déclarer favorable à la mise en pratique des principes socialistes à travers des expériences de type coopératif. En août suivant, il annonça la fondation d’une « Association d’emploi mutuel », qu’il définissait comme un « trust de travail » ouvert à tous et à tous les métiers, ayant des correspondants en Angleterre, en Allemagne et en France ; il résidait alors 108 5e Avenue à Chicago.

En 1900, Charles Lévy déménagea de nouveau pour s’installer à Jersey City (New Jersey), où il se faisait adresser sa correspondance au bons soins du journal anarchiste Germinal. Expliquant que « l’ère des expériences de colonies [était] close », il disait travailler à la réalisation pratique d’un centre d’échange mutuelliste, Le Monde idéal, dont le slogan serait « Unité-Solidarité-Liberté ». Il ne semble pas toutefois que ce projet ait véritablement été mis à exécution.

Lecteur de L’Union des travailleurs, Charles Lévy critiqua durement Élisée Reclus en juin 1901 pour avoir pris la défense dans un précédent article de la Jeune Icarie. Lorsque Louis Goaziou se déclara en faveur de l’action politique de la classe ouvrière en se ralliant au Parti socialiste, Charles Lévy fut l’un des rares militants franco-américains de premier plan à refuser de lui emboîter le pas.

Charles Lévy mourut à Chicago le 19 décembre 1905 et son décès fut annoncé le 28 dans L’Union des Travailleurs. Sa veuve décéda plus tard, alors qu’elle se trouvait au Canada. Elle fut elle aussi inhumée à Chicago.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159605, notice LÉVY Charles [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 7 juin 2014, dernière modification le 12 février 2022.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Le Socialisme progressif, 1er avril 1878. — Revue icarienne, n°14, mars 1883. — Le Réveil des mineurs, 14 mai, 23 juin, 5 septembre 1892, avril 1893 entre autres. — L’Ami des ouvriers, 1er août 1894, 8 avril, mai 1895, 15 janvier 1896 entre autres. — La Tribune libre, 8 août 1899, 19 juin-17 juillet 1900 entre autres. — L’Union des travailleurs, 27 juin 1901 entre autres. — Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet, Paris, Cornély & cie, 1907, p. 597. — Marie Marchand-Ross, Child of Icaria, New York, City Printing Company, 1938. – Notes de Jean-Pierre Bonnet.

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