GASPARD Désiré [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né en Belgique ; mineur dans les États de l’Ouest des États-Unis ; militant de l’UMW et socialiste dès les années 1890 ; collaborateur de L’Union des travailleurs et actionnaire de la coopérative de publication de ce journal.

Mineur d’origine belge installé de Carbon (Wyoming), Gaspard figurait en 1892 au nombre des lecteurs-souscripteurs du Réveil des mineurs. Il fit toutefois connaître à plusieurs reprises son désaccord avec la rédaction du journal, se prononçant notamment en faveur de l’action électorale. Il se disait néanmoins désireux de poursuivre le dialogue avec les anarchistes.

En mai 1893, Désiré Gaspard fut blessé dans un éboulement au fond. Bien que son action militante s’en soit trouvée ralentie, il resta toutefois en contact avec Louis Goaziou comme le prouve la correspondance qui fut publiée dans le premier numéro de L’Ami des ouvriers en août 1894. Très actif au plan syndical, il était en 1895 le seul militant de langue française de sa section et il se prononçait pour des actions pacifiques et organisées. En juin 1898, il fut activement impliqué dans un mouvement de grève à Kemmerer (Wyoming), et à la fin de l’année suivante il fut emprisonné durant deux semaines à Diamondsville (Wyoming) avec trois autres compagnons de lutte, à la suite d’un mouvement de grève. En mai suivant, il se trouvait vraisemblablement à Bingham Canyon (Utah), lorsqu’une catastrophe minière y fit 300 morts (il fit parvenir la liste des victimes à La Tribune libre). Il donna également son sentiment sur la catastrophe de Schoffield et sur les conditions de travail désastreuses qui étaient la norme dans les mines du Wyoming.

Le nom de Désiré Gaspard figurait dans la première liste d’abonnés publiée par L’Union des Travailleurs en avril 1901. En novembre de la même année, il annonça avec une satisfaction non dissimulée la formation d’un syndicat de mineurs à Coal Basin (Colorado). Refusant les conditions de travail trop abjectes et se faisant régulièrement licencier pour son activité syndicale, il se trouva de fait condamné à une vie itinérante et travailla dans divers villages miniers du Colorado et de l’Utah. Début 1902, il retourna dans le Wyoming, où était restée sa famille qu’il n’avait pas vue depuis deux ans. Il reprit ensuite son errance. En juillet, il se trouvait à Gulch (Colorado). Dans une lettre à L’Union des travailleurs, il exprima sa déception de voir les mineurs renâcler devant la perspective d’une grève générale, qui était à ses yeux la seule forme efficace de lutte.

Début 1904, lors de la fondation de la coopérative de publication de L’Union des travailleurs, Désiré Gaspard s’engagea à prendre une action de 5 dollars. Mais la grève dure qui éclata à ce moment-là à Newcastle (Colorado), l’obligea à surseoir au paiement promis (il paya finalement son action en janvier 1906). La grève se prolongea jusqu’en novembre 1904, et fut perdue. Le travail reprit dans les pires conditions, tandis qu’un petit groupe de militants déterminés poursuivaient une lutte désormais sans espoir. Désiré Gaspard estimait que les dirigeants de l’UMW, et notamment John Mitchell, portaient dans cet échec une lourde part de responsabilité.

En 1905, après 45 années de travail dans les houillères belges et américaines, et après avoir participé à de nombreuses luttes, Désiré Gaspard réaffirmait son opposition à la violence et sa foi dans l’action politique et électorale. Il se déclara néanmoins plutôt déçu par les résultats électoraux obtenus par les socialistes américains aux élections de novembre 1906.

En 1908, Désiré Gaspard travaillait à Kemmerer, où il plaça huit abonnements à L’Union des travailleurs. Cette même année, il se prononça contre la proposition de sortir de l’UMW pour fonder une fédération syndicale indépendante regroupant les mineurs de langue française.

De 1909 à 1911, Désiré Gaspard semble être resté à Cumberland (Wyoming). Faisant de la propagande pour L’Union des travailleurs (il plaça de nouveau quelques abonnements), il se montra également très actif au plan syndical et fut l’un des six mineurs francophones présents en qualité de délégués à la convention d’Indianapolis de l’UMW début 1912.

Sans doute proche de la mouvance syndicaliste-révolutionnaire, Désiré Gaspard prit l’initiative d’organiser en septembre 1912 une souscription pour hâter la libération des deux dirigeants des IWW, Joe Ettor et Arturo Giovannitti, collectant au total 50 dollars.

En 1913, toujours aussi dévoué envers l’Union des travailleurs, Désiré Gaspard versa 1 dollar en réponse à l’appel lancé aux lecteurs pour que 500 d’entre eux s’engagent à verser mensuellement 10¢ dans le but de permettre la constitution d’un fonds de réserve financier, et il figurait toujours sur la liste des actionnaires de la coopérative de publication rendue publique à la fin de l’année.

Désiré Gaspard demeura un abonné fidèle et généreux de L’Union des travailleurs jusqu’à la disparition de ce journal en septembre 1916.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159634, notice GASPARD Désiré [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 8 juin 2014, dernière modification le 8 juin 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Le Réveil des mineurs, 20 février, 5 mars, 16 avril, 28 mai, 23 juin 1892, juin 1893. — L’Ami des ouvriers, 1er août, novembre 1894, mai 1895, 15 février 1896. —La Tribune libre, 30 juin 1898, 4 janvier, 17 mai, 22 mai 1900 entre autres. — L’Union des travailleurs, 18 avril, 7 novembre 1901, 5 juin, 7 août 1902, 14 avril, 3 novembre 1904, 13 avril 1905, 29 novembre 1906, 2 avril, 2 juillet, 9 juillet 1908, 29 avril 1909, 21 septembre 1911, 25 janvier, 17 octobre 1912, 20 novembre, 11 décembre 1913, 24 décembre 1914, 29 avril 1915, 13 janvier 1916 entre autres.

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