GÉRARD François, Adolphe, dit Louis DUPUY [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né le 14 octobre 1844 à Alençon (Orne), mort à Georgetown (Colorado) en 1900 ; cuisinier, journaliste, mineur, hôtelier renommé ; engagé dans l’armée américaine après la guerre de Sécession ; déserteur ; de sensibilité socialiste libertaire.

On ne connaît en fait que peu de choses sur la jeunesse de ce personnage haut en couleur. En 1859, au lendemain de la mort de son père (qui était aubergiste), François Gérard fut envoyé par sa mère suivre des études au séminaire de Sées pour s’y préparer à la prêtrise. Il y resta cinq années, y acquérant un solide bagage classique. En 1864, il quitta le séminaire et partit à Paris. Il y aurait travaillé dans un hôtel de renom, y apprenant la « grande cuisine ». Il y aurait également tâté du journalisme et fréquenté les milieux d’opposition. L’année suivante il partit pour Londres, où il aurait travaillé comme journaliste. En 1866, il quitta l’Europe pour l’Amérique et débarqua à New York où il resta deux ans. Il a affirmé plus tard y avoir fait du journalisme. En 1868, François Gérard s’engagea dans un régiment de cavalerie de l’armée américaine, lequel quitta New York pour le Kansas, avant d’installer ses quartiers à Cheyenne (Wyoming). Le 1er avril 1869, François Gérard déserta, s’enfuit à Denver (Colorado), et prit un nouveau nom, Louis Dupuy.

Après avoir exercé divers métiers, Louis Dupuy fut engagé par le directeur du Rocky Mountains News pour écrire des reportages sur les camps miniers du Colorado. La ruée vers l’or et l’argent, qui avait commencé dix ans auparavant, battait alors son plein, et il entreprit de visiter ce qui n’était alors qu’un territoire. Un jour, il arriva à Georgetown, un des principaux centres d’exploitation des mines d’argent, déjà surnommée Silver Town, et qui comptait alors 3 000 habitants. Subitement, Louis Dupuy décida d’abandonner le journalisme pour devenir mineur.

En mars 1873, il fut grièvement blessé par une explosion dans une galerie. Contraint d’abandonner son nouveau métier, il ouvrit un petit restaurant, qui devint quelques temps plus tard un petit hôtel, puis un hôtel de grande classe, l’Hôtel de Paris, devenu rapidement célèbre dans tout l’Ouest des Etats-Unis.

Durant ce temps, Louis Dupuy se constitua une étonnante bibliothèque (2 600 volumes en trois langues, anglais, français, allemand), qui à côté des œuvres classiques, des dictionnaires, des romans et des ouvrages pratiques, faisait une place très importante à la littérature anarchiste et socialiste. Voisinant avec Le Manifeste du parti communiste de Marx et un texte de Jules Guesde, on trouvait des écrits de William Morris, Robert Owen, Proudhon, Reclus, Bakounine, Kropotkine, etc. Louis Dupuy était également très intéressé par J.-B. Godin, le fondateur du Familistère de Guise, et par diverses tentatives communautaires en France et aux États-Unis. Parmi les questions qui le passionnaient, on relèvera le libre-échange, le bi-métallisme, les droits des Noirs après la guerre de Sécession, les conséquences du développement capitaliste et la place des femmes dans la société et le monde du travail.

Nombre de célébrités, attirées par sa réputation, séjournèrent chez lui. Louis Dupuy tenait en fait une sorte de salon philosophico-politique et, après avoir régalé ses hôtes, il aimait discuter avec eux durant de longues heures. La poétesse Florence Snow le décrivit ainsi en 1895 : « Il avait des idées originales sur les monopoles et le mariage, sur les codes de procédure criminelle et les intérêts commerciaux, sur Tolstoï et Bellamy, et sur la liberté du commerce (…) Il se proclamait socialiste dès que la conversation abordait des thèmes politiques, et se disait persuadé que la fraternité universelle des hommes serait finalement atteinte non par une révolution mais par une évolution. » Au début des années 1890, la ville de Georgetown entra en phase de déclin du fait de l’effondrement de la valeur du métal argent. En décembre 1897, Louis Dupuy séjourna en Europe durant quelques mois, puis revint à Georgetown. Il y mourut en 1900 à l’âge de 56 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159637, notice GÉRARD François, Adolphe, dit Louis DUPUY [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 8 juin 2014, dernière modification le 8 juin 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCE : Chantal Mareuil, « Louis Dupuy, Hôtel de Paris, Georgetown Colorado », Bulletin de l’ARNA, Université Paris-Nord, n° 1 (1990), p. 39-45.

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