GOURIEUX Dominique [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né le 16 août 1824 à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), mort avant 1881 à Paducah (Kentucky) ; marié et père de famille ; architecte et entrepreneur en travaux publics à Nancy ; déporté en Guyane suite au coup d’État de décembre 1851, évadé en 1852 ; installé aux États-Unis, membre de la section 47 de l’AIT de Chicago (Illinois), puis co-fondateur et président fin avril 1875 de la section de l’Union républicaine socialiste de Galveston (Texas).

Républicain connu, Dominique Gourieux fut l’un de ceux qui tentèrent de soulever les habitants de Nancy rassemblés en grand nombre devant la Mairie au soir du 3 décembre 1851, dans l’attente du courrier de Paris. Repéré pour avoir plusieurs fois crié : « Aux armes ! » et « Vive la République démocratique et sociale ! », il fut soupçonné d’avoir été l’auteur des coups de feu tirés contre un capitaine de gendarmerie qui, nerveux, avait brandi son sabre face à la foule.

Jugé particulièrement dangereux par la commission mixte, Dominique Gourieux fut condamné à la déportation en Guyane et fut transféré à Cayenne. Il s’en évada dans la nuit du 28 au 29 octobre 1852 en compagnie de Quesne et Chambonnière, mais dut se séparer d’eux à Surinam. Ayant réussi à gagner Paramaribo, il put embarquer sur un brick américain, le Mermaid, qui faisait route vers Salem (Massachusetts). Tombé malade à Saint-Thomas, où son navire avait fait escale, il y fut rejoint par son épouse et leurs deux enfants. Après sa guérison, il put gagner New York, où il arriva en mai 1853. Il s’y installa pour exercer le métier de fabricant et d’importateur de broderies de la région de Nancy (France) et de Bruggen (Suisse). Son bureau était situé 4 Lispenard street.

En février 1855, à l’occasion de la commémoration de la chute de Louis Philippe organisée par Henri Delescluze au Shakespeare Hotel, il prit la parole pour porter un toast « non pas à la santé de nos frères qui sont encore sur les roches arides de Guyane, hélas il n’est plus de santé pour eux, mais à leur prochaine délivrance. » Un an plus tard, il assistait de nouveau au banquet donné au Shakespeare Hotel de New York en présence de 250 à 300 personnes pour célébrer l’anniversaire de la Révolution de février 1848. Il y prononça un hommage à tous ceux qui étaient morts pour la liberté. La même année, il fut l’un des organisateurs de la souscription lancée sur l’ensemble des Etats-Unis en faveur des évadés de l’Île-du-Diable (Carpeza et Henri Chabanne) qui venaient d’arriver à New York.

Installé à Saint Louis (Missouri), il figura en 1859 au nombre des orateurs du meeting organisé pour célébrer dans cette ville l’anniversaire du 24 février : « En quelques paroles éloquentes, [il] a fait sentir le tort grave qu’eut le peuple, en février, de déposer les armes immédiatement après la victoire et de ne pas avoir exercé directement la souveraineté par le moyen d’un gouvernement révolutionnaire. » Il combattit durant la guerre de Sécession dans les rangs nordistes, puis, à l’annonce de la proclamation de la République en France le 4 septembre 1870, il rentra au pays, sans doute avec les contingents de volontaires de l’URLF. Il rejoignit l’armée du général garibaldien Bordone, et son intrépidité lui valut d’être promu au rang de lieutenant-colonel du Génie.

Au lendemain de la Commune, de retour outre-Atlantique, Dominique Gourieux était membre de la section française n° 47 de l’AIT de Chicago (Illinois). Il jouissait sans doute d’une certaine aisance financière, car il participa généreusement à toutes les souscription lancées par les Internationaux, versant 1 dollar en faveur des grévistes du Nord de la France, puis à deux reprises 2 dollars à la souscription lancée au bénéfice des veuves et des orphelins des combattants de la Commune de Paris, et enfin 1 dollar à la souscription au profit des grévistes de Paterson (New jersey). En 1873, il fut l’un des orateurs qui s’adressèrent aux 300 convives rassemblés à Chicago pour célébrer l’anniversaire du 18 mars.

Ayant émigré au Texas, Dominique Gourieux fut l’un des membres-fondateurs de la section de l’Union républicaine socialiste de Galveston qui vit le jour fin avril 1875. Il en fut élu président. Fin 1875, il écrivit à Jules Leroux, alors installé au Kansas, pour lui faire savoir que le projet de colonisation agricole rendu publique par le Bulletin de l’Union républicaine n’émanait pas de la section de l’URS de Galveston en tant que telle, « mais de quelques membres en dehors d’elle. » Il était apparemment toujours en correspondance avec la rédaction du Bulletin début 1876.

Dominique Gourieux décéda quelque temps plus tard à Paducah (Kentucky). Sa fille Anna Marie demanda et obtint une pension au titre de la loi de réparation nationale de 1881.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159680, notice GOURIEUX Dominique [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 9 juin 2014, dernière modification le 5 février 2020.

Par Michel Cordillot

SOURCES : AN, F15 4054, dossier 18. — Archives d’Outre-Mer, H 15 — Le Républicain, 26 mai, 26 juillet 1853. — Le Progrès, 26 février 1855. — Le Libertaire, 5 mars 1859. — Le Socialiste, 15 septembre, 8 décembre, 29 décembre 1872, 6 avril 1873. — Bulletin de l’Union républicaine, 17 mai 1875, 16 janvier 1876. — L’Étoile du Kansas, 1er novembre 1875. — Quatre ans à Cayenne. Notes de Fr. Attibert, déporté, Bruxelles, chez la veuve Verteneuil, imprimeur, 1859, p. 42-43. — Henri Chabanne, Les Détenus politiques à l’Île du Diable, 2e éd., Paris, Décembre-Alonnier, 1870. — J.-B. Ravold, Les Transportés de la Meurthe, Paris, Degorce-Cadot, 1872. — Denise Devos, La Troisième République et la mémoire du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Paris, Arch. nat., 1992. — Fernand Rude, « Mourir à Douera », Le Mouvement social, oct.-déc. 1992, p. 7-25. — Charles Clerc, Les Républicains de langue française aux Etats-Unis, 1848-1871, Thèse, Univ. Paris XIII, 2001, p. 69, 127, 274.— Notes de Charles Clerc.

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